- M'sieur
Claude ? Je me suis laissée dire que seules les symphonies 3 et 4 "écossaise"
et "italienne" étaient des œuvres importantes… La 1ère vaut
le coup ?
- La réponse
est oui même si il est vrai Sonia que vous citez les hits du répertoire
symphonique de ce compositeur…
- Mendelssohn
a composé dès l'enfance ou presque, il avait quel âge en 1824 ?
- 15 ans, l'âge
du Brevet des collèges… N'oublions pas qu'en réalité, il s'agit de sa 13ème
symphonie, une œuvre pimpante qui suit les douze premières écrites pour cordes…
- Vraiment un
surdoué le petit Felix… Quant à Christoph von Dohnányi, nous l'avions déjà
écouté dans le concerto pour violon de Philip Glass je crois…
- Oui –
dites-donc, vous suivez ça de près, je vais en parler à M'sieur Luc – Ce très
grand chef vient de fêter ses 89 ans… Et puis la Philharmonie de Vienne, le top
!
Christoph von Dohnányi |
Interrogation légitime de votre déblonoteur : Beethoven, tout le monde connaît au moins
de nom, enfin j'espère… Mozart
et Schubert également, non ? Mendelssohn, j'en suis moins sûr, hormis par
la marche nuptiale du Songe d'une nuit
d'été, musique phare des sorties de mariages sous les poignées
de riz. En outre, chez les plus mélomanes, on citera les deux
symphonies connues de Sonia, l'octuor,
le concerto pour violon, et après… Quant aux
oratorios Paulus et Hélias, les merveilleuses romances sans paroles pour piano, la musique de chambre, on pourrait parler
d'intérêt réservé aux fans du compositeur allemand mort si jeune à 38 ans. La revue Diapason titrait en janvier "le prodige".
Il est vrai que né juif, même converti au
protestantisme, Mendelssohn a souffert de
l'antisémitisme germanique, très actif outre Rhin depuis la nuit des temps. Wagner écrivit deux pamphlets éreintant
l'art de son confrère à qui il devait pourtant beaucoup. Pendant les douze
années terrifiantes du nazisme, Mendelssohn
fut banni de la culture allemande, interdiction de l'interpréter, disparition
des plaques et statues commémoratives, réécriture par Carl
Orff de la marche nuptiale à la demande de
Goebbels… Et cela malgré les
protestations de Furtwängler grand interprète
de son œuvre. Donc cet homme génial ou au moins talentueux a pris du retard
dans sa reconnaissance par le public par rapport à un Schubert…
Génie ou talent ? Bonne question. J'attribue à titre
perso la médaille de Génie aux compositeurs dont la musique, indépendamment de
considération de technique d'écriture, d'ingéniosité solfégique ou de la
richesse d'inspiration, comporte des thèmes et mélodies qui vous émeuvent d'emblée, se
mémorisent immédiatement, bref des airs entraînants que l'on se surprendra à
siffloter en bricolant😉. Et cette première symphonie avec orchestre complet de la plume d'un ado répond plutôt bien à ces critères. Ô pas d'une originalité folle, certes, mais à connaître voire à chantonner…
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1824-1825 : deux
années charnières pendant lesquelles le jeune compositeur atteint la maturité
dans deux domaines : la maîtrise de l'écriture, en particulier de l'art du
contrepoint, et la nature pour le moins romantique de son inspiration. La 1ère symphonie est diablement
joyeuse, la musique d'un adolescent à qui tout sourit, mais on entendra par instant
des trouvailles thématiques et orchestrales qui préfigurent deux de ses
premiers chefs-d'œuvre : l'ouverture du
songe d'une nuit d'été composée en 1826 et le tourbillonnant octuor
de la même année. Lors de la création à Londres en 1829 par ses soins, Mendelssohn
insatisfait de son menuet qu'il trouve banal et ennuyeux écrit pour ce concert londonien lors duquel il dirige dos au public (une innovation qui a fait école) une transcription de celui
de l'octuor. Une idée amusante qui sera rarement rejouée par la suite. Les premières avait eu lieu à Leipzig et à Berlin en
1827, l'accueil étant
assez réservé…
L'orchestration est celle typique de la transition
entre les âges classique et romantique :
2/2/2/2, 2 cors, 2 trompettes, timbales et cordes (Haydn dans les londoniennes, ou encore les symphonies de
jeunesse de Schubert et de Beethoven).
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Nous avions pu découvrir le maestro Christoph von Dohnányi accompagnant Gidon Kremer dans l'enregistrement de
référence (pour une fois je peux le dire) du concerto
pour violon de Philip Glass.
Ce chef de formation classique a beaucoup œuvré en faveur de la reconnaissance
de la musique contemporaine de qualité. Par ailleurs, il conduisait pour cet
album la philharmonie de Vienne, l'une
des phalanges les plus exceptionnelles de la planète, mais de nature
conservatrice…
En préparant ce papier je me suis aperçu que cet
artiste affiche les 89 ans ! Je m'interrogeais si l'homme affrontait encore à
son âge les podiums ? Christoph von
Dohnányi est le petit-fils du compositeur Ernő
Dohnányi et son père Hans a été assassiné dans le camp nazi de Sachsenhausen, (un
résistant de la première heure). Eh bien oui ! Car en cherchant un concert
sympa à la Philharmonie de Paris, hasard, je vous informe qu'avec Maggy, nous découvrirons
son talent le 23 Octobre où il dirigera un programme Haydn,
Ligeti et Brahms ;
Ligeti : de la musique moderne… Brahms : l'un de ses compositeurs
fétiches. Pour plus de détail sur ce chef (Clic).
Pendant sa longue carrière, Christoph
von Dohnányi a dirigé de nombreux grands orchestres dont celui
de Cleveland pendant une vingtaine d'années et,
très souvent comme chef invité, la Philharmonie de
Vienne avec laquelle il a gravé cette intégrale des symphonies
de Mendelssohn qui n'a jamais quitté le
catalogue.
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Georg Emanuel Opiz Au jardin Großbosischen de Leipzig (1825) |
Georg Emanuel Opiz Au jardin Rudolphschen de Leipzig (1825) |
3 - Allegro
molto à 6/8 (en guise de menuetto) : [V3-0:00] Très
scrupuleux, Mendelssohn n'aimait pas son
menuetto. Il est vrai que la thématique assez académique ne justifiait guère un
mouvement aussi long après les délices de l'andante. D'esprit martial, cet
allegro assez pauvre sur le plan mélodique ressasse une idée musicalement généreuse
mais un peu vaine. [V3-2:14] On pourra faire la même remarque à propos du trio
qui témoigne pourtant d'une orchestration plus colorée et comporte une
conclusion étrange, inquiétante avec son accompagnement ténébreux quoique
discret des timbales. Le menuet se termine da capo mais sans reprise, heureusement.
4 - Allegro
con fuoco : [V4-0:00] Suivant un menuet un peu morne, le final
renoue avec une imagination plus débridée. L'introduction dynamique et ses
traits allants des cordes fait écho à la force tempétueuse de l'allegro
initial. [V4-1:18] Le contraste de la seconde idée avec les mesures initiales
est saisissant par son esprit guilleret et léger, ce motif aux pizzicati teintés d'ironie s’achève [V4-1:42]
sur quelques notes pimpantes des bois. [V4-2:08] Si la reprise apparaît tout à
fait classique, le jeune homme ose tout ! [V4-3:09] Une fugue de belle facture,
pleine d'allant constitue le développement central. Héritage évident d'une
admiration pour le final de la symphonie "Jupiter" de Mozart. [V4-4:18] Une reprise va nous guider vers la fin de l'œuvre.
Adoptant scrupuleusement la structure sonate, Mendelssohn, pour cette première production symphonique innove peu sur la forme mais nous prend avec
bonhomie, empathie et faconde à la
manière d'un Beethoven et cela jusqu'à une coda réjouissante.
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La diction transparente mais non dénuée de fougue de Christoph von Dohnányi redonne à cet ouvrage initiatique la place
qu'elle mérite dans l'histoire de la symphonie romantique. Certes les gravures
sont plutôt accessibles dans les intégrales. Je ne les cite plus : Abbado, Masur,
Askenazy, Karajan…
Les réussites ne manquent pas.
En album isolé permettant de compléter le duo des
symphonies 3
et 4
"écossaise"
et "italienne",
voici deux suggestions :
Apex a eu la bonne idée d'éditer sur un album simple les
enregistrements de Kurt Masur et à prix
imbattable des symphonies 1 et 5 "réformation", une réalisation de
grande classe avec le Gewandhaus de Leipzig
(Apex – 5/6).
Thomas Hengelbrock a gravé
cette symphonie en ajoutant le scherzo orchestré depuis celui de l'octuor et en
ajoutant une vision enflammée de la quatrième de Schumann.
Grand spécialiste du baroque, ce chef apporte une clarté à Mendelssohn digne de
l'âge classique. Pétillant, prise de son fabuleuse, harmonie bien captée,
cuivres éclatants, un régal. Mon choix prioritaire… Original (Sony – 6/6). (Deezer)
L'interprétation de la symphonie par Christoph
von Dohnányi suivie du Scherzo transcrit de celui de l'octuor
interprété par Claudio Abbado.
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