- Tiens Claude, petite nostalgie du nanar ? Ça fait un moment… Un bel astronaute, une jolie blonde (surement une scientifique), un militaire et sa fidèle sulfateuse et vaguement en arrière-plan une bêbête mochetouille avec des griffes. Alors mon pti Toon, un ersatz d'Alien ou de Predator ?
- Enfin Sonia, ce n'est pas fini ce procès d'intention ? Honnêtement, je craignais la même chose, mais ce film russe m'a surpris par son scénario plutôt original à partir, en effet, d'un thème usé jusqu'à l'os… C'est nouveau le "mon pti Toon", un peu insolent mais gentil !
- Ah bon… Quoique les critiques presse/public ne sont pas méchantes, presque au contraire… Ne te vexe pas pour ma familiarité… Mais c'est quoi ce boucan dans ton armoire…
- La créature griffue dite "espèce inconnue" du film, elle m'a été prêtée par le réalisateur Egor Abramenko pour une interview… Elle a faim… très faim…
- Hilarant, n'empêche que ce bruit c'est quoi… Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
Un berger, un Soyouz, Konstantin sonné |
On devrait tourner un film avec Sonia en vedette, slasher, comédie ou
charme sophistiquée, à voir. Elle a raison, le titre français de ce film
suggère un téléfilm Asylum pathétique sur tous les points. Le titre original
"Спутник", du cyrillique, se traduit
par "satellite" qui n'inspirerai rien
de précis. Alien (parasite),
Predator (prédateur,
facile) étant déjà des marques déposées, ben… les distributeurs ont fait au
mieux. On ne va pas passer le billet là-dessus. Quant à l'affiche pas
géniale, elle résume parfaitement le synopsis.
1983 : le régime des soviets se décompose sous la poigne molle, antisémite, corrompue de Iouri Andropov qui succède au vieux gâteux Leonid Brejnev cané. Lui-même passera rapidement la main au poivrot quasi illettré et déjà agonisant Konstantin Tchernenko. Mais les bonnes pratiques glaçantes héritées du KGB restent farouchement en usage. Tout le film baigne dans l'ambiance délétère d'une fin de règne, sachant que quarante ans plus tard… bof… passons… Petit tour dans le cosmos…
Tatiana et Konstantin |
Fin de mission dans un vaisseau Soyouz pour deux cosmonautes dont le
commandant
Konstantin Veshniakov
(Piotr Fiodorov). En 1983, ce modèle pouvait accueillir trois passagers, mais ça
compliquait l'histoire, donc seulement deux mecs dans une capsule étroite
comme une Lada. Le tableau de bord est bien d'époque : gros boutons en
plastique, pas d'écrans… et, brutalement, les deux Héros de l'Union
Soviétique, après avoir été aveuglés par une lueur éblouissante à travers un
hublot, se débattent avec leur engin qui part en vrille et… écran noir !
Ralenti par son parachute, le Soyouz atterrit dans une steppe de l'Asie centrale sous les yeux d'un berger qui constate les premiers dégâts : la capsule a souffert mais guère plus, Konstantin, la gueule en sang titube, amnésique, et son compagnon gît au sol, le casque explosé et le crâne aussi montrant une cervelle généreusement rougeâtre ; le film sera plutôt pour adulte…
Tatiana et le Colonel Semiradov |
Autre plan séquence, à Moscou : Tatiana Klimova (Oksana Akinshina), neurologue, a désobéi à un protocole imposé (en URSS, il faut oser), et subit un conseil de discipline pour avoir sauver un gamin de la mort par une courte simulation de noyade ! Bizarre, efficace, mais inacceptable d'où l'obligation de démissionner, la logique KGB. Sortant furax du prétoire, Tatiana est abordée par le colonel Semiradov, un militaire rigide mais qui a apprécié sa prise de risque et sa désobéissance dans l'intérêt de l'enfant sauvé. Il lui propose "impose", de le suivre dans un centre secret où Konstantin est maintenu en quarantaine pendant que la Pravda et les médias improvisent une glorification de la mission et de ses deux héros revenus soi-disant en pleine forme.
Tatiana doit évaluer l'état mental de Konstantin qu'un autre médecin, Yan Rigel (Anton Vasiliev), médecin soi-disant nobelisé ou nobélisable, hypnotise en vain pour qu'il se remémore l'incident et les circonstances du crash. Il est nerveux, jaloux, n'arrive à rien ! Tatiana s'étonne de l'équipement surréaliste dont bénéficie la base : des salles et des couloirs immenses, un univers d'une froideur et d'une tristesse kafkaïenne, une pléthore de techniciens et de soldats surarmés, des cellules aux vitres blindées, une sécurité de centrale atomique… tout cela pour un cosmonaute ragaillardi !? Elle interroge Konstantin de façon mi-sympa mi-provocante et en déduit que l'homme n'a qu'un simple syndrome post traumatique. Il mange bien, il dort bien, il va à la selle… En un mot, rien ne justifie la délirante infrastructure scientifique et militaire qui l'emprisonne. Tatiana a des doutes sur l'exhaustivité des informations et des dossiers qu'on lui a fournis sur son cas… Semiradov comprend assez vite que la jeune femme pressent une manipulation et que la réalité est tout autre. Il doit cracher le morceau en deux temps…
Guili guili... ami... moi Tatiana... |
Konstantin malgré une apparente condition physique un peu instable héberge une créature venue de l'espace. Oh rien à voir avec celle qui jaillit dans un geyser de tripes de l'estomac de John Hurt dans Alien. Non, Alienovitch cocoone dans l'estomac de Konstantin et se contente d'une petite sortie nocturne d'une heure via l'œsophage avec retour par le même chemin, beurk. La régurgitation de la créature de la taille d'un doberman est un peu rude mais comme elle anesthésie son hôte… Ok, mais où va-t-elle ? réponse : a priori s'étirer dans une cellule vitrée. Tatiana commence à l'observer scientifiquement (allure mi canine mi humanoïde, faciès pas sexy). La belle et la bête semblent sympathiser. Tatiana obtient l'autorisation d'ouvrir la porte, sous réserve de porter une combinaison qui finira pourtant… déchiquetée… par l'alien agressif, carnivore, anthropophage…
La prétendue alimentation à partir du bol alimentaire de Konstantin est un mensonge. Le Dr Yan Rigel, un peu lâche mais psychiquement au bout du rouleau, lui révèle que le casse-croûte exclusif de la chose est… le cortisol secrété par des prisonniers de droit commun livrés en pitance à ce monstre interstellaire… Notre cortisol est bas la nuit mais s'envole en cas de crise de terreur et, de ce côté-là, les malheureux terrifiés sont juteux, surtout au niveau du cerveau dans le film. (L'hormone est produite par les glandes surrénales, mais ça ferait moins gore que de déchiqueter de la cervelle…)
Surtout pas peur… pas cortisol… (Et en plus… qu'est-ce qu'il pue de la gueule !!) |
Tatiana horrifiée par la
méthode se heurte à la folie de
Semiradov
qui n'a qu'une obsession : obtenir de
Konstantin
le contrôle de son "invité" pour en
faire une arme terrifiante de plus… Le film bascule en seconde partie dans
le thriller horrifique,
Tatiana
voulant libérer
Konstantin
et mettre fin à ces atrocités hors contrôle des autorités moscovites. Y
arrivera-t-elle ? He He, voyez le film.
Un chef-d'œuvre comme Alien ? Non ! mais un rythme sans frénésie et palpitant qui rappelle "Le Mystère Andromède" de Robert Wise. L'histoire se concentre sur les relations entre les trois personnages. Pas de cavalcades dans les couloirs dans la première partie. Les dialogues sont pertinents. Scientifiquement, ça ne tient pas trop la route, mais c'est la règle en S.F. Exemple : ingurgiter involontairement un alien-doberman somnolant doit élargir le tour de taille, or Konstantin reste "mince", beau et viril. Autre chose, elle n'est pas clean l'éthique passée du héros… sept ans auparavant il a abandonné un bébé conçu avec une partenaire d'un soir morte en couche, et ça juste avant d'entrer dans le projet spatial russe, un rêve de gosse ; un ajout moralisateur exploité par Tatiana pour manipuler son "patient" de peu d'intérêt dans la narration…
La créature n'a pas l'exclusivité de terroriser tous les personnages du
huis clos. Elle complète les méthodes anxiogènes du régime. On s'espionne,
on pond des rapports, la délation domine. Chaque russe et protagoniste n'a
plus d'autre avenir que de sauver sa liberté et sa peau au jour le jour. Le
soviet est un bon producteur de
Cortisol…
L'un des acteurs de second rôle, Pavel Oustinov, a été condamné à 3,5 ans de prison comme contestataire lors des manifestations de 2019, puis libéré… Rien ne change jamais dans ce pays.
Il y a des qualités dans ce film. Certes la direction d'acteurs et le doublage en français sont un peu nonchalants, mais dans la seconde partie, plus dynamique et combative, voire sanglante, Egor Abramenko, dont c'est le premier long métrage, nous épargne les exagérations et outrances d'un grotesque, moche et con Alien vs Predator II et sa bombe atomique larguée comme finale d'une hystérie d'images noirâtres.
113 minutes couleur - 35 mm - 2,35:1 - Dolby Digital
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