lundi 2 janvier 2023

RENÉ SEYSSAUD (Peintre) – D'une Lumière à l'autre (1867-1952) – Collectif (2022) - par Claude Toon

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- Il y a eu René Génis et aujourd'hui René Seyssaud… La saga penture continue Claude… Sympa ce petit livre que je feuillette, le titre de couverture est un peu envahissant…

- En cette période automnale et grisâtre Sonia, je propose un plongeon dans une tempête de couleurs provençales avec un détour en Bretagne…

- Je te pose une question… Ce n'est pas vraiment de l'impressionnisme ? Je dis cela rapport à certains tableaux dont les formes dans le paysage échappe carrément à un minimum de dessin, de petites touches comme chez Monet ou Sisley, des grandes zones aux couleurs vives, presque irréelles…

- Dans sa longue carrière, Sonia, Seyssaud s'est rapproché des fauves qui ont utilisé cette technique dessin-couleur, il faut que j'explique un peu… Seyssaud reste aussi un impressionniste dans l'âme, dans ses marines par exemple. Les frontières entre les styles et recherches modernistes en art ne sont pas très hermétiques tu sais…

- Des FAUVES !!! Il était aussi dompteur dans un cirque ? hihi hihihi…

- Pff ! sacrée Sonia, toujours le mot pour rire… D'ailleurs l'origine du terme m'était mystérieuse, sans doute les couleurs agressives utilisés… Je suis allé aux infos


Franz Marc : Le tigre (1912)
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Matisse : portrait (1905)
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Les fauves 🐯et le fauvisme. Comme Sonia et sa copine Nema, je me suis souvent interrogé sur l'origine de cette expression à propos du mouvement pictural du début du XXème siècle. La technique dominante de ce courant consiste à privilégier la couleur comme élément de dessin et non à structurer le tracé du sujet avec les limites des formes comme il est d'usage. Peindre requiert alors l'emploi de quelques couleurs vives, la matière est déposée en aplats. Les peintres font fi de la réalité chromatique, comme dans ce tableau "le tigre" de Franz Marc (allemand vivant à Paris), pour lequel le noble "fauve" conserve son pelage roux doré, sans les rayures, mais se tapit dans une forêt vierge verte, plutôt logique, mais aussi rouge et bleu, plus rares ! Le portrait d'une élégante d'Henri Matisse présenté au salon de 1905 fait feu de toute la palette de teintes chatoyantes, on pourrait oser dire "bariolée" 😃. Je propose les deux œuvres, pour appuyer mon propos sommaire.

Donc, au roux des félins s'ajoute le propos acide d'un critique d'art du nom de Louis Vauxcelles qui commentera le portrait de Cézanne par cette saillie "Il a du courage, car son envoi - il le sait, de reste - aura le sort d'une vierge chrétienne livrée aux fauves du Cirque". Le mot fauve rabâché restera et sera décliné en fauvisme, période assez courte au demeurant. Le tableau titré les Sainfoins de Seyssaud bien que de 1897 préfigure ledit fauvisme par la profusion de plages d'un expansif rose bonbon. Matisse n'a jamais revendiqué la paternité du style, au contraire et Seyssaud pas plus.

Nota : Le tigre et le feuillage polychrome qui l'entoure sont un bel exemple de similarité entre le fauvisme et l'expressionisme allemand. Franz Marc était allemand de par sa naissance à Munich, mais séjourna avant la Grande Guerre à Paris, de 1903 à 1913. Il a ainsi fréquenté les peintres novateurs du moment et admiré les œuvres des "influenceurs" des "fauves" : van Gogh, Vlaminck, Cézanne… Il trouvera la mort bien tristement pendant la bataille de Verdun en 1916. On trouve aussi une inspiration des ses amis français adeptes du cubisme. Un peintre animalier qui pourrait être un sujet de billet transfrontalier 😊.

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René Seyssaud en 1909

René Seyssaud est marseillais de naissance (1867). Son père (en réalité un cousin, passons… la chose est acceptée) l'inscrira dès 1880 aux Beaux-Arts de Marseille. Provençal Seyssaud est né, provençal il restera. Combien de peintres impressionnistes ou pas se sont bousculés pour venir s'inspirer des chaudes couleurs ensoleillées de la Provence ? De van Gogh à Cézanne en passant par Dunoyer de Segonzac, l'aquarelliste de la première chronique "peinture"… la réponse est : des centaines ; même l'anglais William Turner fera le voyage. (Clic).

Seyssaud en digne enfant de la région n'a d'yeux que pour la mer, les roches, les arbres, la terre ocre et les paysans qui la travaillent, en un mot une passion pour les paysages. Hélas, le directeur et professeur Dominique Magaud (1817-1899) ne met jamais un pied dehors, décore les plafonds pour les jésuites et les demeures bourgeoises. Il a un talent classique indéniable mais son art date du XVIIIème siècle. Seyssaud n'est pas assidu comme nombre des jeunes artistes de son âge instruit par Magaud

En 1886, son "père" biologique et mentor meurt, et René doit partir chez ses grands-parents en Avignon. Les Beaux-Arts de la ville sont plus modernistes qu'à Marseille sous la houlette de Pierre Grivolas (1823-1906), un chantre de la peinture ethnographique. Grivolas décèle chez Seyssaud un maitre ce la couleur et ne l'encouragera pas explicitement à monter à Paris se perfectionner ; une tradition… La carrière du jeune peintre débute face à la méditerranée, mais il devra se rendre à Paris épisodiquement dès 1892 pour se faire un nom, car les critiques locales ne sont guère tendres envers l'impétueux coloriste !


René Seyssaud en 1960

Dès 1887, Seyssaud peint en compagnie de Grivolas en plein air à Villes-sur-Auzon, petit village au pied du Mont Ventoux où son grand-père possède une ferme. Il y reviendra souvent cherchant à mettre au point son style puissant et naturaliste.

À ce sujet, je cite deux phrases clés du livre ; l'une de Seyssaud de 1928 : "…comme la vue, comme l'ouïe, il y a au fond de notre être un sens qui perpétuellement s'élabore, et c'est celui de l'harmonie" auquel on peut ajouter ce conseil d'un autre peintre provençal, André Gouirand (1855-1918) : "La nature étant trop complexe, l'artiste doit en dégager la synthèse sensorielle et éliminer tout ce qui peut l'affaiblir". Si on compare ci-dessous Les sainfoins* de 1897 à Le Ventoux de 1940, force est d'admettre que la construction générale volontairement peu détaillée et la chaude simplicité de la palette ne changent guère pendant quarante ans de carrière, mais que l'élégance du trait et des perspectives ont gagné notablement en raffinement, une réponse explicite aux deux réflexions citées avant.

Peintre de son temps, paysagistes et observateurs des travailleurs, Seyssaud restera fidèle à ses principes esthétiques, les peaufinant, ne cherchant pas à suivre les diverses modes du XXème siècle : cubismes, abstraction et même le fauvisme dont il ne sera peut-être qu'un instigateur involontaire.

*Petite info bucolique : le sainfoin est une plante herbacée à la belle floraison rose. Elle était appréciée autrefois en Provence comme fourrage, une friandise pour les ânes…



Louise Seyssaud (dessin au crayon)

Contrairement à van Gogh ou Modigliani, méprisés, vivant dans la misère et la dépression, Seyssaud rencontre rapidement une petite reconnaissance, et surtout vit entouré par sa famille et les amis, il ne semble pas voué au destin d'artiste maudit. Comme Modigliani, il n'échappe pas à la tuberculose diagnostiquée en 1888. Si l'italien en mourra à 35 ans, René, lui, guérira petit à petit en suivant les conseils de la faculté. Par ailleurs les deux hommes n'avaient pas la même hygiène de vie, gourbis insalubres, alcool et drogue pour l'un, soleil et vent de la Méditerranée et du Ventoux pour l'autre…

En 1904, pour améliorer sa santé Seyssaud s'installera à Saint-Chamas, village près d'Hyères, face à l'étang de Berre. En 1899 il épouse Louise Philibert, elle n'a que de quinze ans et est la fille d'un fermier modeste de à Villes-sur-Auzon. Elle s'épanouira auprès de son artiste de mari et écrira quelques poèmes.

Le peintre doit faire vivre sa famille – les Seyssaud auront une fille en 1990, Yvonne – et le simple chalet de Saint-Chamas nécessitera des travaux importants. Pour pourvoir exposer et vendre des toiles il s'associera au critique Paul Guigou (parent du paysagiste homonyme ?) dès 1892. Certaines œuvres ont été présentées à Paris en 1885 au Salon des indépendants, sans grand succès… La fin du siècle approchant, ses toiles voisinent celles des impressionnistes dans diverses galeries parisiennes et marseillaises. Guigou meurt en 1896, Seyssaud s'associe au collectionneur François Honorat qui devient "son agent", une amitié parfois orageuse réunira les deux hommes jusqu'en 1921Louise mourra en 1936 à seulement 52 ans. Hormis une escapade en Bretagne en 1910 et quelques passages à Paris, René Seyssaud ne quittera jamais la Provence. Il y peindra sans relâche jusqu'en 1952, date à laquelle il s'éteint.

 

Seyssaud n'appartiendra qu'à une seule école, la sienne. Sa peinture est un chant d'amour à la nature et à ses couleurs puissantes et primitives. "Les pointes rouges à Agay" de 1902 concentre les constantes de son style : une mer bleu outremer aux rouleaux nacrés, une mer qui agresse la forteresse sanguine des falaises et un ciel à la couleur olivâtre énigmatique. Les tons sont exaltés. La marine au soleil de 1910 en est son symétrique dans la forme, mais les couleurs sont celles plus diaphanes de la Bretagne…

Seyssaud ne travaillera qu'en extérieur, peignant les paysages et nombre de scènes bucoliques peuplées de paysans au travail, un travail rude, le trait de pinceau accompagne le mouvement viril du "Faucheur" de 1924 ou l'effort arc-bouté du "laboureur" de 1898. Quelques natures mortes isolées et autoportraits seront des exceptions.

Le livre des éditions Ouest-France très abordable est une belle introduction à l'art de ce peintre mal connu. 74 pages de sujets bien équilibrés. Les reproductions sont de qualité. L'autre ouvrage dont je propose la couverture est certes bien plus exhaustif mais coûte cinq fois plus cher.



Index

Nom du tableau

Date

xxx

1.  

Le Ventoux (détail) - Couverture

1940

 

2.  

Les pointes rouges à Agay

1902

 

3.  

Le faucheur

1932

 

4.  

Les sainfoins

1897

 

5.  

Labourage à Villes-sur-Auzon

1898

 

6.  

Marine au soleil (Bretagne)

1910

 

7.  

Marée basse (Bretagne)

1910

 

8.  

Le Ventoux

1940

 

9.  

Rivière en Automne (la Touloubre)

1910

10.  

Rue à Villes-sur-Auzon

1900

11.  

Seul en forêt

1930

12. 

Nature morte aux fruits

?

 

13. 

Autoportrait

1949

 



Pour visiter la petite exposition, deux choses :

1 - Comme à l'accoutumée, musique pour accompagner la visite. Rien de plus adapté que le quatuor op. 5 "dédié à Paul Cézanne" (1912) du provençal Darius Milhaud (1892-1974). Il est interprété par le Quatuor Parisii

2 – dans le tableau ci-dessus des peintures affichées, la petite loupe indique celles qui peuvent être vues agrandies par un simple Clic SUR l'image ! utiliser X pour revenir dans la chronique et non la flèche du navigateur. (Je me suis fait avoir, donc… 😉)






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