Le premier plan du film ne laisse aucun doute quant aux références du réalisateur. Travelling avant qui suit une femme, blonde, dont le chignon est roulé en spirale. Qui dit Kim Novak, dit VERTIGO, et dit Hitchcock. Et ça ne va pas s’arrêter là. Cette comédie d’espionnage est clairement née sous le signe de Sir Alfred.
A commencer par l’intrigue. Lors d’une représentation à la Comédie Française, un acteur s’effondre en scène. Son partenaire Martin Rémi recueille ses derniers mots : « On m’a assassiné… le parfum vert… arrrgggg ». Le soir même, il est kidnappé par trois hommes qui l’emmènent dans une somptueuse maison de Rambouillet. Un certain Hartz l’interroge sur ce qu’il sait des incidents tragiques de la soirée – rien. Martin est drogué, embarqué dans un taxi d’où il se réveillera le lendemain.
Chez Hartz, il avait repéré des planches de bédé accrochées aux murs. Il se rend dans une librairie pour se renseigner sur un éventuel collectionneur de la région. Claire Mayer, dessinatrice en séance de dédicace, identifie un certain Vandamm, qui pourrait correspondre au profil. Sauf que Vandamm n’habite pas en ce moment Rambouillet. L’homme qui habite chez lui est un usurpateur…
Ca vous rappelle un film ? LA MORT AUX TROUSSES, dont le salaud joué par James Mason s’appelait Vandamm… Et quand le compositeur pimente sa partition de petits accords chipés chez Bernard Hermann, le doute n’est plus possible. On pourrait évoquer aussi LES 39 MARCHES avec ce couple de détective amateurs pourchassé par la police et les espions, surtout pour la scène finale dans un théâtre de Budapest où on suspecte un des comédiens d’être le traitre (dans le Hitchcock, c’était le musicien d’un orchestre trahi par un tic). Rajoutons un soupçon de L’HOMME QUI EN SAVAIT TROP pour la scène inaugurale à la Comédie Française, l’homme au balcon qui sort de l’ombre (Thomas Chabrol, fils de, toujours énigmatique et excellent, dommage de le voir si peu), où UNE FEMME DISPARAIT pour la séquence du train... N’en jetez plus.
Il ne s’agit pas de plagiat, mais bien d’un film référencé, un exercice de style qui renvoie aux comédies comme L’HOMME DE RIO de De Broca. Le film s’apparente à une série B, voyez le traitement de l’affiche, personnage dessinés, lettrage, du genre roman de gare.
LE PARFUM VERT tient beaucoup aussi à la bande dessinée (le personnage joué par Sandrine Kiberlain, le collectionneur) et Hergé en particulier. Les héros se rendent à Bruxelles, accueillis par un couple de flics moustachus très Dupont et Dupond. Le héros s’appelle Rémi, comme George Rémi (vrai nom d’Hergé). Il y a aussi un joli travail sur les couleurs, celles des vêtements, en aplat, gestuelle et mise en scène renvoient vers la technique de la ligne claire, les cheveux gominés très noir.
Mais alors c’est quoi cette histoire de parfum vert ? Nom de code donné à un complot visant à déstabiliser les institutions européennes, on n’y comprend pas grand-chose (le scénario aurait mérité d’être plus fouillé) mais ce n’est pas ce qui importe le plus. C’est un Mac Guffin. Nom donné par Hitchcock à un élément d’une intrigue supposé capter l’attention du spectateur, mais qui n’a aucune importance en soi ! Comme les bouteilles d’uranium dans LES ENCHAINES, ou les microfilms de LA MORT AUX TROUSSES.
L’intérêt est ailleurs, est d’abord dans la course folle des protagonistes à la fois chasseur et gibier. Et là, hélas, Nicolas Pariser est loin de son modèle assumé. Si la dernière séquence à Budapest est bien torchée, avec ce qu’il faut de personnages suspects et de cadavres dans les placards, on regrette que le rythme se traine un peu. La mise en scène n’est sans doute pas assez stylisée, ça manque d’invention, de nerf. Un Pierre Salvadori aurait fait des merveilles, voir son EN LIBERTE ! Les courses poursuites sont aussi trépidantes qu’un épisode de Louis la Brocante, comme l’échange de coups de feu à Bruxelles, avec la femme à l’imperméable, qui manque de mystère (alors que la scène du train est plutôt réussie, car en huis-clos).
Sandrine Kiberlain s’amuse beaucoup. Blessée à la jambe, elle marche avec des béquilles un bon tiers du film, dommage de ne pas avoir exploité davantage cette situation. Il y a une séquence à Bruxelles où elle et Lacoste sont planqués dans un appartement. Ils ont une discussion sur la judéité, cette fois filmée en deux longs plans fixes, moment suspendu d’introspection, où les protagonistes se rapprochent, liés par la même religion et le poids familial.
Je ne suis pas certain que Vincent Lacoste dans le rôle de Martin Rémi fût le bon choix. L’acteur ne démérite pas, le couple à l’écran fonctionne, mais l’acteur persiste dans ces personnages un peu benêts, doux rêveur maladroit. A moins qu’il n’ait qu’un seul registre de jeu, une piste à explorer… Dans une scène, Martin Rémi déclare : « je ne suis pas un con, je suis comédien, je joue du Shakespeare et du Goldoni ».
J’aurais préféré voir dans le rôle un Melvil Poupaud (que Pariser avait dirigé dans LE GRAND JEU) , au jeu plus nerveux, au registre plus étendu, et qui surtout possède davantage de charme quand il s’agit de jouer les Cary Grant. Le souci quand on se réfère à LA MORT AUX TROUSSES ou à CHARADE (de Stanley Donen, avec Cary Grant encore, on y pense aussi) c’est que ses films sont des modèles d’élégance. Pas sûr que ce qualificatif se rattache à Vincent Lacoste.
On passe un bon moment, c’est un film sympa, sans prétention, un divertissement qu’on destinerait presque aux enfants (pas de violence, des baisers chastes). L’intention était louable, revenir à la comédie d’aventure, légère et trépidante, mais Nicolas Pariser semble s’être un peu pris les pieds dans sa propre intrigue.
couleur - 1h40 - format 1:1.85
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