Un petit tour dans le coin cuisine chez Sonia et Nema. Une bonne odeur
de poisson flotte dans l’air. Sonia chantonne en s’activant autour de
ses casseroles. Nema s’approche et dit :
- Qu’est-ce que tu prépares ? ça sent très bon.
- Je fais un « saumon d’Ecosse au whisky » pour la réception de ce soir
: c’est l’anniversaire de notre logeuse Mme Portillon, tu sais bien,
elle vient avec son arrière-petit-fils, celui qui rentre d’un voyage en
Ecosse.
- Du saumon sauvage des Hébrides, ça doit être somptueux…
- Heu, non Nema, c'est du… saumon norvégien en promotion de la
poissonnerie du supermarché…
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| Loch des Hébrides |
Pas sûr du tout que le saumon de Sonia soit sauvage. Mais, bon, avec une
bonne recette… Cela ne nous empêche pas de faire un voyage aux
Hébrides, tout au nord de l’Écosse. Attention, en cette
saison, il vaut mieux prévoir un ciré et des bottes. Et ce ne sera pas fait
pour vous réchauffer. Mais quelle région magnifique, somptueusement décrite
dans « Le braconnier du lac perdu
» !
Fin Macleod est un ancien
inspecteur de police d’Edimbourg. La quarantaine désabusée, il
choisit de revenir dans son île natale après la perte accidentelle de son
fils, évènement tragique qui a mis un terme à son mariage. Retour au pays,
retrouvaille avec son amour de jeunesse,
Marsaili, avec laquelle il a eu un fils aujourd’hui grand ado qui va au lycée à
Stornoway. Il retrouve également son ami d’enfance,
Angus Macaskill, dit Whistler, pour une grande balade dans la montagne, au milieu des multiples petits
lacs qui font le caractère unique des îles des Hébrides. Malheureusement
survient un très gros orage : ils sont obligés de quitter le bord d’un lac
et de se réfugier dans une petite grotte pour se sécher un peu et attendre
l’accalmie. Et qu’elle n’est pas leur surprise de découvrir ensuite que le
lac a disparu ! Il s’est tout simplement vidé.
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| Piper Comanche de 1966 |
Les lochs se trouvent sur de la tourbe qui repose sur du gneiss et
les coulées de boue provoquées par les gros orages après une période de
sécheresse intense, provoquent ce glissement de la tourbe qui fait que l’eau
descend dans un lac inférieur.
Whistler se tient immobile et
fasciné devant ce paysage nouveau d’autant plus qu’il montre la présence
d’un petit avion, un Piper Comanche,
avion disparu dix-sept ans plus tôt.
Fin n’en croit pas ses yeux :
l’avion de leur copain Roddy ?
Mais on croyait qu’il s’était abîmé en mer vers l’ïle de Mull… Fin et
Whistler rejoignent l’avion,
montent sur l’aile, forcent la porte et découvrent dans une puanteur
indicible, un cadavre largement décomposé mais portant le blouson de
Roddy. Personne sur le siège passager.
Fin, en bon flic qui se
respecte, dit à Whistler qu’il
faut immédiatement prévenir la police. Curieusement ce dernier reste mutique
et finit par se barrer.
Roddy Mackenzie, le beau Roddy aux boucles
blondes, celui qui dirigeait et composait (avec son synthétiseur) pour le groupe
de rock celtique dont
Whistler faisait partie en tant
que flûtiste, d’où son surnom. Il y avait également
Skins, le batteur, Strings le
guitariste, Rambo la basse et
surtout Mairead la chanteuse et
violoniste, égérie du groupe
Solas.
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| Iolaire ("L'aigle" Yacht de l'amirauté) coulé en 1919 |
Pour sa part, Fin n’était pas
musicien mais il a accompagné le groupe pendant quelques années, avec
Big Kenny un autre pote de la
bande, en installant le matériel et en conduisant la camionnette. Au début,
dans la fougue de leur adolescence, que d’aventures partagées, de rivalités
entre gars pour avoir les faveurs de la très belle
Mairead. La mémorable séance de course en petites motos pour départager
Roddy et
Strings qui proposaient tous les
deux un nouveau nom pour le groupe et qui se termine en grande frayeur et en
chute accidentelle qui aurait pu être fatale pour l’un des participants… Fin
se remémore tout ce passé pour essayer de comprendre la découverte du corp
dans ce lac désormais vidé. Le groupe de rock a survécu avec le nom
d’Amran, il a même continué sa glorieuse ascension et
Mairead est désormais très
célèbre, une vraie star.
D’autres souvenirs remontent comme le naufrage de l’Iolaire le 1er janvier 1919 et ses 205 disparus. Ce n’est pas neutre de
comprendre comment dans ces îles les familles sont liées (un tel a sauvé un
tel, etc.). Il y a une grande solidarité entre les gens. Quand on sauve la
vie de quelqu’un, même si on peut par ailleurs avoir des divergences de
vues, c’est un lien tellement fort et c’est ce type de lien qui unit
Fin et
Wistler.
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| "Blackhouse" écossaise |
Pour cette raison, Fin veut comprendre ce qu’est devenu son ami Wistler depuis ces années de jeunesse. Il vit dans une pauvre petite ferme, une vielle « blackhouse », il pêche et chasse sans autorisations mais juste pour se nourrir. Il a été marié mais sa femme l’a quitté pour Big Kenny, puis peu de temps après elle est morte, laissant sa fille Anna à la garde de son beau-père. Les relations entre la jeune Anna de 15 ans et son père sont plus que compliquées, même si on découvrira au fil de l’histoire que la petite aime plus son vrai père que son beau-père.
Il y a également plein de péripéties autour du village. Tout d’abord,
Jamie le propriétaire terrien
embauche Fin comme responsable
de la sécurité pour chasser les braconniers de ses terres. Il faut dire que
le saumon sauvage de cette région est extrêmement prisé et revendu fort cher
à l’exportation. Ensuite, une grande fête autour d’une partie d’échecs sur
un énorme échiquier est prévue (des pièces du Moyen-Âge, figurines de
Lewis, une des îles de l'archipel des Hébrides, dont
Whistler a fait des copies en
bois). L’une des pièces de l’échiquier va jouer un rôle important dans le
dénouement de l’histoire. Doit également se tenir le procès au
tribunal de l’Eglise libre d’Ecosse du
pasteur qui a tué des malfrats voulant kidnapper une mère et son fils
(affaire très embrouillée).
Et il y aura un deuxième cadavre, et
Fin passera quelques jours en
prison… Pourquoi ? Comment ce deuxième meurtre a-t-il été commis et surtout
par qui ? Est-ce juste la malchance dans une bagarre un peu trop violente
car on se bat beaucoup entre hommes et normalement cela ne regarde pas la
police. Il y a des secrets bien gardés dans tout cela. Un petit passage dans
le sud de l’Espagne permettra au héros d’y voir plus clair. Un dénouement
plutôt inattendu sous le soleil et la sécheresse en opposition avec ces
contrées rudes du nord de l’Ecosse où la pluie et l’eau de mer se rejoignent
pour donner ces lumières et ces végétations si particulières.
Très bon polar, ambiance écossaise virile et ventée garantie.
Peter May, romancier et scénariste pour la télévision est né en Ecosse en
1951. Il vit aujourd’hui en France dans le Lot. Pour le
roman commenté ce jour, il a reçu le
prix du festival du polar de Cognac.
Les personnages sont très typés, avec des caractères forts un peu comme le
relief et le climat des Hébrides, tourmentés mais très attachants. Le
style nous permet de filer comme le vent dans des descriptions riches et
détaillées, sans nous ennuyer le moins du monde.
362 pages
Édition : Le Rouergue
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