lundi 3 octobre 2022

LE COMBAT POUR L’ILE de John D. Macdonald (1987) - par Nema M.

Sonia rêvasse avachie sur le canapé. Comme elle aimerait se retrouver dans une belle villa avec un immense salon, des chambres somptueuses, une piscine… le tout dans une grande propriété privée, sur une île… Elle en parle à Nema qui lui répond aussi sec :

- Et tu veux faire comment pour avoir tout ce luxe, jouer au loto ? Si tu comptes étouffer notre logeuse et capter son héritage, pas la peine, elle n’a que cette pauvre maison des années 50 dont nous occupons l’ancien garage et la buanderie, mal réaménagés et plein de courants d’air.

- Quelle horreur Nema ! Mais non, je ne veux pas de mal à noter logeuse ! Ma petite Mme Portillon. Ma petite Mamie aux trois chats que j’adore ! Mais comment peux-tu avoir de pareilles idées ?

- Je rigole ! C’est juste à cause de ce bouquin : « Le combat pour l’île », histoire d’un projet immobilier de luxe sur une petite île du golfe du Mexique… 


Demeure de luxe à Pascagoula 

Donc cette très grande et belle villa sur une île, dans un cadre privilégié, dont rêve Sonia, pourrait se trouver au sud des Etats-Unis au large de Pascagoula ou de Golfport par exemple. C’est dans ce coin que se situe l’histoire de Tuck Loomis, promoteur immobilier ambitieux, bel homme de près de 60 ans, riche à souhait mais voulant toujours plus. Tuck est propriétaire d’un bateau de plaisance, comme Wade Rowley l’associé de l’agence immobilière Rowley & Gibbs : il est tellement agréable de naviguer dans ce golfe du Mexique, à condition de bien en connaître les hauts-fonds…  Avec ce roman, on navigue surtout en eaux troubles. Très troubles même.

 

Helen Yoder est chargée de la vente de villas dans l’agence Rowley & Gibbs. Elle connait très bien son métier, et se fait de belles fins de mois avec les primes sur opérations. Elle a eu dans le passé une liaison avec Tuck Loomis, ce séducteur accro au sexe. Mais c’était il y a longtemps, avant son mariage avec Buddy Yoder, un avocat pâle et insipide dont Helen souhaite divorcer. Le couple est en instance de divorce. Pour Helen il n’y a rien à reprocher à Buddy qui l’a épousée après la perte d’un premier mari, si ce n’est un total manque d’humour et de fantaisie. Mais ils restent en bons termes. Ce qui sera utile car Buddy devra défendre les intérêts de Tuck Loomis, sans toutefois franchir une ligne jaune que lui rappelle en douce Helen.


Carte de Horne Island

Wade Rowley s’est associé avec un ami de longue date, Bern Gibbs, pour fonder l’agence immobilière qui porte leurs noms. 50 – 50. Agence partagée moitié moitié par deux associés très professionnels mais aussi très différents. L’intègre Wade se hérisse quand il découvre que Bern a utilisé l’agence pour porter des réservations de terrains sur Bernard Island pour un projet de Tuck Loomis. Un énorme projet sur une île qui n’échappe pas aux rigueurs de la période des cyclones. L’endroit est magnifique et pourrait attirer de riches américains d’autres régions des Etats-Unis en quête de belles propriétés dans ce golfe très prisé. L’île est proche de Horn Island qui fait partie d’un parc naturel.

Comment un petit employé de Parkland, Ezra Feeney, qui vit dans une pauvre caravane à deux pas d’une décharge d’ordures peut-il réserver un terrain dans un projet pareil ? Quels sont ces 18 personnes qui ont fait ces réservations ? Inquiet pour la réputation de son agence, Wade fait quelques recherches sur ces personnes et finit par rencontrer Ezra qui lui avoue qu’il a signé parce que son patron Tuck Loomis (promoteur de Parkland et habitant dans une immense demeure dans ce lieu sécurisé) lui a demandé. Non, bien entendu, il n’a pas l’argent pour une telle opération, mais on obéit à son patron… Donc il y a magouille. De plus Wade sait très bien que cette île ne pourra pas être rendue constructible et même qu’elle doit revenir dans le giron des Parcs Naturels du littoral. Un montage fictif pour faire payer très cher cette direction des Parcs qui devra racheter les titres de propriété à Tuck Loomis 


Horn Island (un lieu préservé…)

Pendant que Wade essaie de barrer la route à Tuck et à son projet véreux, ce dernier passe du bon temps avec Maria l’infirmière mexicaine, normalement là pour s’occuper de Thelma, l’épouse handicapée et alitée de Tuck. Maria se rêve nouvelle madame Loomis… Autre passe-temps de Tuck : il joue au golf avec des notables du coin : un juge, un constructeur et autres personnes influentes dans le comté. C’est pratique le golf on fait des équipes de deux et on peut ainsi avoir des conversations privées, tranquillement, petits arrangements entre amis avec contreparties du genre informations sur une entreprise qui va bientôt être cotée en bourse…

Wade Rowley monte un dossier et le communique à la direction des Parcs. Mais évidemment comme tout est infiltré, quelqu’un en informe Tuck. Qui pique une très grosse colère vis-à-vis de Bern Gibbs. A partir de là, curieusement par une malheureuse initiative de Dawn la secrétaire de Bern (qui est aussi sa maîtresse) tout va aller à vau l’eau : un passage à tabac qui se transforme en meurtre, un employé trop zélé qui finit au fond de l’eau, des « amis » qui ne veulent plus, tout à coup, jouer aux cartes le samedi soir. Le projet n’aboutira pas. Le procès ne conduira pas à un dédommagement colossal de Loomis


Laissez-vous porter par ce roman où les descriptions de la région, de la pleine sécheresse de juillet qui rend le terrain de golf très dur, de la chaleur et la moiteur des corps enlacés, des levés ou couchés de soleil sur la mer, rivalisent avec les dialogues acerbes et ciselés des principaux protagonistes ou ceux ingénus et bornés des malheureux hommes de mains.

 

John D. Macdonald (1916-1986) est né aux Etats-Unis. Il est l’auteur de très nombreux romans policiers dont quelques-uns ont donné lieu à des films ou des séries. Avec un style net et ciselé, il nous décrit des personnages plutôt noirs ou en contradiction avec leurs principes. Que ce soient les grands patrons de sociétés ou les hauts personnages de la ville ou encore les simples employés des premiers, tous sont attirés par une seule chose : l’argent, l’argent, l’argent. Corruption, pollution, magouilles en tous genres, racisme latent ou clairement exprimé, John D. Macdonald nous donne une vision critique de ses contemporains de la fin des années 80. 

 

Bonne lecture !

 

Rivages/Noir

236 pages 


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