« boum boumboum boumboumboum boum ! »
Ce sont quelques accords graves comme les cornes de l’apocalypse, c’est un son si primaire qu’il donne au rock’n’roll sa vigueur et son énergie. « Seven nation army » fait partie de ces coups d’éclats légendaires que le rock fait naitre dès qu’il se sent mourir. Quand vient le moment de reparler de Jack White, il ne faut jamais oublier qu’il fut le fer de lance d’une nouvelle génération de rockers. Plus traditionaliste et primaire que les Strokes et les Libertines, le leader des Whites Stripes hérita vite du rôle du rocker pur et dur, fils turbulent des Stooges et de Son House. Il tint ce rôle de la sortie du premier album des White Stripes à l’immense succès de « Elephant ». Certaines ballades, sans perdre la simplicité du duo qu’il formait avec Meg White, montrait pourtant une finesse contredisant l’image simpliste que certains lui collaient. Alors, pour briser une réputation qui risquait bien de le rendre has been, le grand Jack mit un peu sa guitare de côté.
Ceux qui n’ont jamais aimé « Get behind me satan » (2005) ne peuvent comprendre le reste de la carrière du leader des White Stripes. Ce musicien est bien trop grand pour se contenter des petites ambitions d’un classique rock sénile, il laisse ça à Blues Pills, Kadavar et autres doudous pour boomers nostalgiques. Contrairement à eux, l’ex leader des Whites Stripes a connu la gloire, la vraie, celle qui fait de vous le symbole vénéré de toutes les espérances. Il se donna donc comme mission de dessiner l’avenir de sa musique, de prouver qu’il pouvait garder une certaine popularité sans se renier. Dans ce cadre, répéter les mêmes plans et les mêmes mélodies revenait à achever une culture déjà chancelante. Jack chercha donc une voie, passant du charme acoustique de « Get behind me satan » à l’électro rock lugubre des Dead Weather, avant de commencer une brillante carrière solo. Le faux retour aux sources « Blunderbuss » (2012) laissa place à l’expérimental « Lazaretto » (2014) qui ouvrit lui-même la voie à la folie synthétique de « Boarding house reach » (2018). Nombreux furent alors ceux qui vomirent sur ce troisième album solo, qui fit dire aux Inrocks que Monsieur White n’était qu’un « bourgeois s’amusant avec ses jouets électroniques ».
Si je cite les élucubrations de ce torchon stalinien, c’est d’abord parce qu’elles montrent bien la mentalité de certains journalistes. Moderniste jusqu’à la caricature, cette caste ne célèbre la nouveauté que lorsqu’elle respecte ses repères stupides. La musique est pour ces gens-là un ronronnement leur évitant la fatigue et l’angoisse que peuvent engendrer la réflexion et l’analyse. Leur pseudo ouverture n’est qu’un moyen de fuir toutes idées contradictoires, originales ou simplement complexes. Loin d’être un échec, « Boarding house reach » était un album annonçant un nouveau virage. Cette nouvelle orientation, résolument synthétique et moderne, trouve son aboutissement sur ce « Fear of the dawn ». S’ouvrant sur le riff tonitruant de « Takin me back », cet album est un brûlot où guitares et synthés unissent leurs forces pour mettre en musique une modernité paranoïaque.
Les passages les plus rock sonnent comme du Stooges 2.0, les sifflements agressifs des claviers prouvant que Jack White est le véritable rénovateur de ce feu allumé par l’album « Fun house ». Pour ne pas dévier de son inspiration moderne, notre homme tente quelques rapprochements ambitieux. Il y a d’abord « Hi de ho », déluge éléctro rock où l’on peut entendre le rappeur Q Tip couiner comme Mickey Mouse. Si ce passage peut d’abord paraitre incongru, il faut avouer que cette intervention accentue l’énergie agressive de ce rock futuriste. Si Jack White n’est pas toujours irréprochable ici, il sonne toujours juste, sa fougue palliant la faiblesse d’un dernier titre un peu mollasson. Il serait ridicule de faire l’inventaire des très rares baisses de régime de ce disque, surtout quand les riffs de « What the trick » et « Into the twilight » offrent une seconde jeunesse au mojo né avec le premier album des Whites Stripes.
Jack White ne s’est pas renié, il entra dans le bain électronique de « Boarding house reach » comme dans un bain de jouvence. Il en ressort aujourd’hui avec un album éblouissant, cri déchirant d’un rock refusant de mourir.
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