On me souffle dans l'oreillette que les films de zombies et disques de brutasses chevelues à grosses guitares, ça ne fait pas trop "été". Et qu'en conséquence il faudrait que je révise mes priorités. Parce que sinon, on m'aime bien mais il y a des jeunes qui mettent la pression pour une place au Déblocnot'. Comme c'est demandé si gentiment, je cède à la pression et consent à dériver vers des eaux plus portées par des vibrations enjouées et mainstream. Le genre de truc qui passe en bagnole et en vacances, marqué par le soleil californien. Du Rock FM et/ou AOR, quoi. M'enfin. Ben justement, j'en ai un en réserve, injustement méconnu dans les contrées du "fromage-qui-pue". Il s'agit de Paul Sabu, Californien par le lieu de naissance, mais indo-américain par le sang.
Disco |
Fils de Selar Sabu, un acteur indien qui s'est fait remarqué avec le classique "Le Voleur de Bagdad" (1940), où il interprète le jeune Abu, et de Marilyn Cooper, une actrice habituée des productions de Brodway (dont "West Side Story", à partir de 1957, où on lui donne le rôle de Rosalia), Paul Sabu est né le 2 janvier 1960 à Burbank. Promu à une enfance dorée, alors qu'il n'a pas encore quatre ans, il perd néanmoins son père qui succombe à une crise cardiaque.
Peut-être par hérédité, ou simplement en baignant dans le milieu, il embrasse assez tôt une carrière artistique dans le divertissement. Cependant, plutôt que les caméras, c'est par la scène qu'il est attiré. Précisément par la musique. Toutefois, ce n'est pas par le Rock ou même la Pop qu'il se fait remarquer musicalement pour la première fois, mais par le disco (sic). Non pas en tant qu'interprète, mais en qualité de compositeur et de producteur il participe même à quelques hits. Ce qui éveille l'attention de l'industrie musicale, alors qu'il n'a pas vingt ans. Il continue tranquillement à composer pour autrui et puis finalement, n'étant pas lui-même manchot à la six-cordes, et plutôt bon chanteur, affublé d'un sympathique et chaud grain de voix un poil enfumé, il se lance en tant qu'interprète.
Un premier disque sort sous son seul nom en 1979, et il est... très marqué par le disco, avec un jeu de batterie métronomique. En fait, c'est en droite ligne avec ses compositions précédentes, avec une once d'instrumentation rock en plus. Enfin rock, même sur les chansons "We're Gonna Rock" et "Rollin' Rockin' Disco King", il faut vraiment être indulgent pour concéder qu'il y a quelques ingrédients rock là-dedans. Bizarrement, l'année suivante, il sort à nouveau un album sous son seul nom, sans titre, comme un nouveau départ, avec son visage qui occupe les trois-quarts de la pochette (qui sent la variété à plein nez) et là, c'est un changement radical. Grosses guitares gavées de disto et de chorus, voix éraillées, batteries de bûcheron et claviers muselés, coincés entre Gregg Rolie et Ken Hensley. Sabu est passé du côté obscur, ou plutôt il en est sorti, intégrant un Rock mélodique burné. Sa Stratocaster noire, modifiée par un Floyd Rose et un humbucker (en position chevalet) peut enfin s'exprimer pleinement. Il y a bien à quelques occasions des résidus de synthés disco qui refoulent, mais, au milieu d'une orchestration franchement heavy-rock, ça passe plutôt bien. Un très bon album qui préfigure un Heavy-rock mélodique, un AOR musclé porté par un chant proche de Sammy Hagar. Injustement, cet album ne semble pas avoir fait d'éclats. Par la faute d'une pochette hideuse ou d'une absence de promotion ?
Après quelques années de silence, avec d'autres musiciens de studio, ils refont le coup de Toto en fondant un groupe : Kidd Glove. Un combo intéressant, auréolé d'un évident potentiel. Malheureusement, le disque éponyme qui en sort est abondamment grevé de sons synthétiques, fruit de la New Wave. La tentative de marier un Hard FM à la New Wave tourne un peu trop souvent au vinaigre. Toutefois, la formation reste connue pour avoir placé quelques titres dans la B.O. d'un grand film d'auteur, à la sensibilité à fleur de peau : " Hard Rock Zombies ". Super nanard filmé avec les pieds. Le reste de la B.O. est composée par Sabu. En matière de matériel pour le cinéma, il ne va pas s'arrêter là. On le retrouve ainsi sur quelques séries Z , dont "Twin Sitters", "Million Dollars Mystery", "Real Men", "Ghoulies 2", "Meatballs 4", .
La parenthèse Kidd Glove a tout de la concession, car une fois celle-ci refermée, Sabu retourne rapidement en studio pour renouer avec la musique de son second opus éponyme, celui de 1980. En fait, il aurait même déjà entamé la composition d'un nouveau répertoire, bien plus personnel, lors des sessions de ce Kidd Glove qui a été à l'origine le projet du label Morocco.
Ainsi, l'année suivante, en 1985, sort son troisième disque, "Heartbreak", sur le label Heavy-Metal America. Déjà là, vu le nom de la maison, ça rigole plus. "Heartbreak" est une claque de Heavy-rock mélodique, bourré jusqu'à la gueule de guitares heavy. Sabu déploie là un Hard FM des plus consistants. Si les mélodies pop, les intonations de "cœur d'artichaud meurtri", les claviers omniprésents et les refrains mnémoniques solidement soutenus par des choristes sont bien là, conformes au cahier des charges d'un Rock radiophonique, l'approche demeure franchement lié à un robuste heavy-rock (millésimé 80's). De ce fait, cet album fut à l'époque l'un des rares à ravir, ou au moins à intéresser, les deux camps, à un moment où les divergences pouvaient se révéler âpres et houleuses, voire musclées. Celui d'un Hard FM chiadé - au risque de tomber dans le pompeux et/ou l'ampoulé 😁 - et celui d'un Hard-rock sans faux-col qui défouraille et décoiffe.
Disons-le, la voix virile et chaleureuse, un poil étouffée de Sabu, entre Sammy Hagar et Paul Shortino, ainsi que les guitares généreusement chargées en disto, aptes aux prouesses pyrotechniques, ont dû faire beaucoup pour amadouer le second camp.
D'ailleurs, l'orchestration d' "Angeline" - qui ouvre l'album - est bien proche d'un Heavy-metal carré, typique de la décennie. Même les chœurs s'y montrent belliqueux (dans ce cas limités au strict minimum, plus proche d'un râle de guerrier que du chant). Les claviers ont la dure tâche de temporiser les ardeurs, mais devant, les lascars ne l'entendent pas de cette oreille et envoient les watts. "Call of the Wild", en dépit de son abondance de "whaooo, ooowaaa, oooOooOoowaa" post-adolescent, ne laisse pas tomber le cuir et les clous. Sabu s'y fend même d'un solo acrobatique à la Van Halen. Et pour les plus endurcis, "Shake, Rattle, Roll", poussé par une batterie calée sur le tempo d'une locomotive folle, les compteurs dans le rouge, déboule à fond de train (attention, ce n'est pas du Metallica non plus ; tout est relatif).
Il faut attendre "Just for the Moment " pour avoir du pur Hard FM. Ou patienter jusqu'à " Breakin' Out " pour goûter à des mets plus sucrés. " Tuff Stuff " glissant même vers le slow consensuel et mielleux - un peu ébranlé par un refrain hargneux. Deux morceaux en demi-teinte, une accalmie avant d'attaquer le final avec le trépidant " New Girl Town " ; reconditionnement du Rainbow ère Joe Lynn Turner en lui mettant du poil aux pattes.
Sur la chanson éponyme, le bourrin derrière ses fûts, et la guitare de Paul, persistent et signent, criant leur amour d'un Rock dur. Les claviers, ainsi que quelques phrases de chant, font leur possible pour temporiser la vigueur de la musique, sans vraiment y parvenir. Comme avec " Still Alive " qui avec d'autres musiciens plus mesurés, aurait bien convenu à Eddy Money, mais la troupe s'évertue à envoyer la patate. On peine à croire que ce métis s'est d'abord fait un nom dans le disco.
En dix morceaux, Paul Sabu réalise l'un des meilleurs disques de Hard FM de la décennie. Certes, assez loin des sucreries raffinées des REO Speedwagon, Journey, Survivor, Eddie Money et autres Toto, et qui en conséquence pourrait paraître aux esgourdes sensibles trop charnu, sali par la Strato et méchamment bousculé par la batterie de Charles J. Esposito (également co-compositeur). Il reste toutefois un classique du genre.
🎶💔
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