mardi 30 août 2022

LE PRIX DU DANGER d’YVES BOISSET (1983) par Pat Slade


Participeriez-vous à un jeu télévisé dans lequel vous risqueriez votre vie pour une somme conséquente ? «Le Prix du Danger» une image de l’audiovisuel qui fait froid dans le dos



La course contre la mort



Si le paysage audiovisuel évoluait, est-ce que des jeux où la victoire où la mort pourraient être les deux issues possibles tel le sort des gladiateurs de la Rome antique ? La société dans laquelle nous vivons et où la violence est omniprésente dans la petite lucarne, que ce soit dans les films ou aux informations avec des guerres qui éclatent un peut partout dans le monde, pourrait bientôt nous amener à nous proposer des programmes où au lieu de regarder des couples enfermés dans une villa a raconter leurs vies amoureuses dont nous n’avons rien a faire, nous regarderions un homme qui essaye d’échapper à la mort. De la science-fiction ? Peut-être ou peut-être pas ! Le temps qui passe nous le dira.

Le staff de la CTV
Yves Boisset avait le chic pour réaliser des films de société dérangeants. Que ce soit «Dupont Lajoie», «Le Juge Fayard dit «le Shériff»» ou «la Femme Flic» l’ambiance qui règne dans ses films à vite fait de te mettre mal à l’aise, mais surtout de te tenir en haleine, et avec «Le Prix du Danger» il ne dérogera pas à sa manière d’écrire et de réaliser. Un excellent film de science-fiction à tendance anticipation, mais aussi un brûlot politique rageur avec son scénario riche en rebondissements et sa réalisation redoutablement efficace de la part d'un Boisset visiblement inspiré par son sujet. Par ailleurs : une distribution quatre étoiles, Gérard Lanvin en début de carrière, une Marie-France Pisier venimeuse, Bruno Cremer en patron de chaine TV vénal, Andréa Ferréol en avocate opposante à l’émission et Michel Piccoli, totalement hallucinant dans son rôle du présentateur télévisé Frédéric Mallaire, personnage cynique et mielleux qui, entre deux publicités, harangue les foules et baise la main des veuves des malheureux perdant au jeux.

G. Lanvin - G. Lazure
Dans une société qui se dégrade, ou le chômage crève le plafond, la  chaine CTV propose un jeu : Le Prix du Danger, une grande chasse à l’homme à travers la ville filmée en temps réel et retransmise en direct. Un homme doit échapper à cinq personnes lancées à ses trousses dans le but de le tuer. Si au bout de quatre heures, la durée de l’émission, il a survécu, il se verra remettre la somme de un million de dollars, une somme ridicule vu les risques encourus. Pour les trois première émissions, personne n’a eu la chance d’empocher le pactole, mais cela va peut être changé. François Jacquemard (Gerard Lanvin) chômeur de fraiche date se présente aux sélections malgré la désapprobation de sa fiancée Marianne (Gabriel Lazure). François ne voit que la victoire et le mirage de l’argent, mais il va vite déchanté quand il se rendra compte que les dés sont pipés. (Survivre ne semble pas une option…)     

Andréa Ferréol
Les opposants au jeu comme Elisabeth Worms (Andréa Ferréol) n’inquiètent guère les dirigeants de la CTV, elle sera déboutée devant la commission du droit du citoyen dont la plupart des membres travaillent à la solde de la chaine. Antoine Chiren (Bruno Cremer) le patron de CTV se fiche éperdument de l’éthique et de la morale, ce qui l’intéresse c’est la courbe de l’audimat et la rentré d’argent grâce aux spots publicitaires (Très kitsch).

Suivi par plus de 100 millions de téléspectateurs à travers l’Europe, Le Prix du Danger n’est qu’un grosse machine à fric, et pendant les quatre heures que doit durer le jeu, il faut que le candidat survive le plus longtemps possible et que les personnes assises devant leurs télévision croit en la victoire du candidat. Il en résulte un scénario bien élaboré avec le concours inopiné de «bons samaritains» qui viennent en aide au candidat qui en réalité sont des membres de la production. Le candidat bénéficie du soutien d’une partie de la population, l’autre ne demande qu’a en découdre avec lui par bravade.

Pour l’instant la machine fonctionne bien, trois émissions, trois morts, pas d’argent à donner ! Mais un grain de sable va rentrer dans la belle machine de la CTV et ce grain de sable c’est François Jacquemard. Beau gosse, intelligent, un peut arrogant. Ce gars a tout pour plaire à la ménagère de plus de cinquante ans et même toutes les tranches d’âge en général. Il va vite se rendre compte que la chaine triche et ne joue pas le jeu surtout au moment où les tueurs (qui ne sont que des citoyens lambda qui se sont inscrits pour participer) sont à deux doigts de pouvoir tuer François… Il sera secouru quand surgira une voiture noire avec au volant la directrice des programmes Laurence Ballard (Marie-France Pisier).

C’est a partir de ce moment la que François va jouer avec ses règles. Les  tueurs sont protégés pour pouvoir commettre un meurtre alors que le candidat lui n’’est pas couvert par la loi et ce dernier va se débarrasser de ses poursuivants les uns après les autres. Il arrivera sur le plateau télé armé d’un révolver en menaçant Frédéric Mallaire de dire la vérité sur la tricherie de la CTV et que tout n’était qu’une grossière mise en scène. Devant le scandale, la direction  fera intervenir la sécurité et emmènera François en ambulance en le bâillonnant pour l’empêcher de dévoiler des choses que les téléspectateurs ne devraient pas savoir.

François n’est qu’une victime, un produit humain de son époque, un gladiateur que l’on envoie au casse pipe pour le bon plaisir du téléspectateur. Même si certaines s’amourachent de lui et que certains veulent lui ressembler, les tueurs eux ne voient qu’un moyen d’assouvir leurs pulsions les plus bestiales. Et je reviendrai sur Michel Piccoli qui est magnifique dans son rôle nauséeux de présentateurs qui est tellement dans son métier que quand l'un des avions d’un candidat explose ou que l’un des tueurs marche sur le rail électrique du métro dans une gerbe d’étincelle, il ne peut s’empêcher de faire des ralentis quand ce ne sont pas des arrêts sur image ; un mélange entre Léon Zitrone et Guy Lux devenus sataniques, ce mec est à vomir.

Yves Boisset a-t-il fait un film visionnaire ? Arriverons-nous un jour à des émissions ou la vie humaine ne sera qu’un accessoire que l’on supprimera pour le bon plaisir des foules ? Je pense personnellement que nous ne somme pas loin de cette société d’élimination pour le plaisir des masses. Les romains avaient bien leurs gladiateurs qui s’entretuaient pour le plaisir du peuple, alors pourquoi, dans un futur proche, cela ne se reproduirait-il pas ? Comme disait Thucydide : «L'histoire est un perpétuel recommencement»

«Le Prix du Danger» un classique oublié et à redécouvrir impérativement 


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