LE PRIX DU DANGER d’YVES BOISSET (1983) par Pat Slade
Participeriez-vous à un jeu télévisé dans lequel vous risqueriez votre
vie pour une somme conséquente ? «Le Prix du Danger» une image de l’audiovisuel qui fait froid dans le dos
La course contre la mort
Si le paysage audiovisuel évoluait, est-ce que des jeux où la victoire
où la mort pourraient être les deux issues possibles tel le sort des
gladiateurs de la Rome antique ? La société dans laquelle nous
vivons et où la violence est omniprésente dans la petite lucarne, que ce
soit dans les films ou aux informations avec des guerres qui éclatent un
peut partout dans le monde, pourrait bientôt nous amener à nous proposer des programmes où au lieu de regarder des
couples enfermés dans une villa a raconter leurs vies amoureuses dont nous
n’avons rien a faire, nous regarderions un homme qui essaye d’échapper à
la mort. De la science-fiction ? Peut-être ou peut-être pas ! Le
temps qui passe nous le dira.
Le staff de la CTV
Yves Boisset
avait le chic pour réaliser des films de société dérangeants. Que ce
soit «Dupont Lajoie», «Le Juge Fayard dit «le Shériff»» ou «la Femme Flic» l’ambiance qui règne dans ses films à vite fait de te mettre mal à
l’aise, mais surtout de te tenir en haleine, et avec «Le Prix du Danger» il ne dérogera pas à sa manière d’écrire et de réaliser. Un excellent film de science-fiction à tendance anticipation, mais aussi
un brûlot politique rageur avec son scénario riche en rebondissements et
sa réalisation redoutablement efficace de la part d'un
Boisset visiblement inspiré par son
sujet. Par ailleurs : une
distribution quatre étoiles,
Gérard Lanvin en début de carrière, une
Marie-France Pisier venimeuse,
Bruno Cremer en patron de chaine TV
vénal, Andréa Ferréol en avocate
opposante à l’émission et
Michel Piccoli, totalement hallucinant
dans son rôle du présentateur télévisé Frédéric Mallaire,
personnage cynique et mielleux
qui, entre deux publicités, harangue les foules et baise la main des
veuves des malheureux perdant au jeux.
G. Lanvin - G. Lazure
Dans une société qui se dégrade, ou le chômage crève le plafond,
la chaine CTV propose un jeu :
Le Prix du Danger, une grande chasse à l’homme à travers la ville filmée en temps réel
et retransmise en direct. Un homme doit échapper à cinq personnes
lancées à ses trousses dans le but de le tuer. Si au bout de quatre
heures, la durée de l’émission, il a survécu, il se verra remettre la
somme de un million de dollars, une somme ridicule vu les risques
encourus. Pour les trois première émissions, personne n’a eu la chance
d’empocher le pactole, mais cela va peut être changé. François Jacquemard
(Gerard Lanvin) chômeur de fraiche date se présente aux sélections malgré la
désapprobation de sa fiancée Marianne (Gabriel Lazure). François ne voit que la victoire et le mirage de l’argent,
mais il va vite déchanté quand il se rendra compte que les dés sont
pipés. (Survivre ne semble pas une option…)
Andréa Ferréol
Les opposants au jeu comme Elisabeth Worms (Andréa Ferréol) n’inquiètent guère les dirigeants de la CTV, elle sera déboutée
devant la commission du droit du citoyen dont la plupart des membres
travaillent à la solde de la chaine. Antoine Chiren (Bruno Cremer) le patron de CTV se fiche éperdument de l’éthique et de la morale,
ce qui l’intéresse c’est la courbe de l’audimat et la rentré d’argent
grâce aux spots publicitaires (Très kitsch).
Suivi par plus de 100 millions de téléspectateurs à travers l’Europe,
Le Prix du Danger n’est qu’un grosse machine à fric, et pendant
les quatre heures que doit durer le jeu, il faut que le candidat
survive le plus longtemps possible et que les personnes assises devant
leurs télévision croit en la victoire du candidat. Il en résulte un
scénario bien élaboré avec le concours inopiné de «bons samaritains» qui viennent en aide au candidat qui en réalité sont des membres de
la production. Le candidat bénéficie du soutien d’une partie de la
population, l’autre ne demande qu’a en découdre avec lui par
bravade.
Pour l’instant la machine fonctionne bien, trois émissions, trois
morts, pas d’argent à donner ! Mais un grain de sable va rentrer
dans la belle machine de la CTV et ce grain de sable c’est
François Jacquemard. Beau gosse, intelligent, un peut arrogant.
Ce gars a tout pour plaire à la ménagère de plus de cinquante ans et
même toutes les tranches d’âge en général. Il va vite se rendre
compte que la chaine triche et ne joue pas le jeu surtout au moment où
les tueurs (qui ne sont que des citoyens lambda qui se sont inscrits
pour participer) sont à deux doigts de pouvoir tuer François… Il sera secouru quand surgira une voiture noire avec au volant la
directrice des programmes Laurence Ballard (Marie-France Pisier).
C’est a partir de ce moment la que François va jouer avec ses
règles. Les tueurs sont protégés pour pouvoir commettre un meurtre
alors que le candidat lui n’’est pas couvert par la loi et ce dernier va
se débarrasser de ses poursuivants les uns après les autres. Il arrivera
sur le plateau télé armé d’un révolver en menaçant
Frédéric Mallaire de dire la vérité sur la tricherie de la CTV et
que tout n’était qu’une grossière mise en scène. Devant le scandale, la
direction fera intervenir la sécurité et emmènera
François en ambulance en le bâillonnant pour l’empêcher de
dévoiler des choses que les téléspectateurs ne devraient pas
savoir.
François n’est qu’une victime, un produit humain de son
époque, un gladiateur que l’on envoie au casse pipe pour le bon
plaisir du téléspectateur. Même si certaines s’amourachent de lui et
que certains veulent lui ressembler, les tueurs eux ne voient qu’un
moyen d’assouvir leurs pulsions les plus bestiales. Et je reviendrai
sur Michel Piccoli qui est magnifique
dans son rôle nauséeux de présentateurs qui est tellement dans son
métier que quand l'un des avions d’un candidat explose ou que l’un des
tueurs marche sur le rail électrique du métro dans une gerbe
d’étincelle, il ne peut s’empêcher de faire des ralentis quand ce ne
sont pas des arrêts sur image ; un mélange entre
Léon Zitrone et
Guy Lux devenus sataniques, ce mec est à vomir.
Yves Boisset
a-t-il fait un film visionnaire ? Arriverons-nous un jour à des
émissions ou la vie humaine ne sera qu’un accessoire que l’on
supprimera pour le bon plaisir des foules ?Je pense personnellement que nous ne somme pas loin de cette société
d’élimination pour le plaisir des masses. Les romains avaient bien
leurs gladiateurs qui s’entretuaient pour le plaisir du peuple, alors
pourquoi, dans un futur proche, cela ne se reproduirait-il pas ?
Comme disait Thucydide : «L'histoire est un perpétuel recommencement»
«Le Prix du Danger» un classique oublié et à redécouvrir impérativement
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