Après un très bon premier opus qui lui permet de partir voir du pays, et même de traverser l'Atlantique, le trio récidive rapidement avec un nouvel album. D'apparence modeste, avec une pochette qui ne l'est pas moins, James Gang réalise un album qui va faire date.
C'est au milieu des tournées, dix mois seulement après les sessions du premier disque, en novembre 1969, que la petite bande est envoyée remettre son ouvrage sur le métier. Toujours sous les esgourdes averties de Bill Szymcyk, c'est aux récents studios californiens Record Plant (qui n'ont alors environ qu'une année d'existence) qu'elle est missionnée pour réaliser une seconde galette.
Cette fois-ci, point de reprises, grâce à Joe Walsh qui a dans sa besace une tripotée de chansons en cours d'élaboration, dont un bon paquet de pièces acoustiques. Si le premier essai a déjà tous les attributs d'un groupe mûr et sûr de lui, le second dévoile un groupe soudé, d'une maîtrise à toute épreuve. On mentionne bien volontiers quelques groupes anglais comme dépositaires d'un nouveau son, comme fondateurs du Hard-blues, toutefois en Amérique du Nord, il y a au même moment quelques sérieuses formations qui ne déméritent pas. James Gang en fait partie.
Le trio parvient à allier une sauvagerie à une cohésion rare, un équilibre entre une certaine technique et la ferveur d'une jeunesse débordante d'énergie et avide de sensations fortes. Cependant, ce " James Gang Rides Again " n'est en rien un simple défouloir uniquement dédié à la fée électrique. La bande ne s'impose pas de frontières ; qu'importe le flacon pourvu que le vin soit bon. C'est ainsi que Joe Walsh fait l'offrande de quelques douces et solides pièces acoustiques. Sempiternellement sur la route, il n'a pu se poser, et c'est naturellement qu'il s'est tourné vers sa guitare acoustique, instrument plus facilement exploitable en chambre d'hôtel pour travailler (sans risquer de se faire virer et interdire de séjour). D'après Dale Peters et Jim Cox, eux-mêmes subjugués par l'évident talent de compositeur de leur collègue, Joe aurait donc débarqué au studio avec un bon paquet de morceaux composés sur sa guitare acoustique. Cependant, la grande majorité ne sont encore que de brillantes ébauches.
C'est pourquoi le trio aurait beaucoup jammer en studio, jouant sur des ébauches jusqu'à ce qu'il en sorte quelque chose de concret. Effectivement, le fait de reprendre le " Funk #48 " du "Yer Album" précédent pour en faire une version plus musclée, (re)baptisée en conséquence " Funk # 49 ", aurait tendance à confirmer que le trio aurait été envoyé en studio sans qu'il ait suffisamment de matériel abouti. Pour le reste pourtant, et même si " Bomber " - qui s'étire en trois parties - possède ce souffle d'improvisation, l'album paraît dans son ensemble être le résultat d'un travail en amont, sérieux et muri. En fait, les concerts incessants ont affuté et lié les musiciens. Ainsi, l'entente est à son zénith et les idées fusent. Chacun motivant ses collègues. Pourtant Dale Peters, le nouveau bassiste, n'a rejoint le groupe que depuis quelques mois.
Ce " Rides Again " est moins brut et direct que le précédent. C'est un album à deux facettes : l'une franchement électrique, avec des mouvements à l'allure de semi-improvisation et une seconde nettement plus sobre et boisée. L'ouverture sur l'enivrant et festif " Funk #49 " annonce un album haut en couleurs où le funk, le blues et le rock se confondent sans discernement. Plus qu'un "simple" power trio qui envoie la sauce, James Gang se présente comme une formidable entité multiforme constituée de trois esprits forts. La guitare a fusionné les styles d'Hendrix, de Page et de Townshend. Mais outre cette guitare qui mène la danse, on remarque le formidable jeu de Jim Fox. Resté dans l'ombre des grands batteurs de la décennie, c'est pourtant un crack capable de donner de l'expressivité à ses fûts. Loin d'être monolithique, il pondère son jeu pour suivre les nuances d'intensité de la Les Paul de Walsh; sans dévier du tempo. Un régal. Tandis que la basse de Peters se permet de sortir parfois des clous, pour tenter de botter le train à la rythmique. Sur ce célébrissime "Funk #49", on se demande bien comment Walsh est parvenu à sortir un son aussi gras (c'est relatif) avec juste une Fender Telecaster branchée dans un Fender Blackface.
Après l'anecdotique "Ashtonpark", petite récréation du sieur Walsh jouant avec le delay, "Woman" donne une leçon de Hard-blues. Simple mais groovy, lourd sans être pesant, ça paraîtrait standard, presque consensuel, mais l'enregistrement date de novembre 1969, et là, ça anticipe un style magnifié par Bad Company et radicalisé plus tard par d'autres. L'emblématique " Bomber " creuse le sillon avec plus d'âpreté et de morgue. Cependant, ce morceau, scindé en trois pièces distinctes, se laisse vite glisser dans un doux épanchement psychédélique avec une slide nébuleuse. Après cet instant onirique, ça enchaîne sur un solo mystique habillé de wah-wah et d'écho, proche d'une danse païenne, qui dérive vers le Boléro de Ravel. Chapitre qui sera longtemps gommé, censuré des rééditions vinyles à cause d'une plainte déposée par la famille de Maurice. Puis, c'est le "Cast Your Fate to the Wind" du Vince Guaraldi Trio qui est retraité à la sauce heavy. Une sacré performance.
Changement de style avec le mélodique " Tend My Garden " qui, lui, mine de rien, préfigure le Rock/Hard FM - de classe - de la fin de la décennie. Certes, hormis ses collègues qui assurent de fort belle manière les chœurs, Walsh n'a ni le coffre, ni les cordes vocales d'un Steve Perry ou d'un Brad Delp, cependant ça n'enlève rien à la classe de cette pièce dont - étonnamment - le troisième mouvement semble avoir servi de matière première à Tom Schloz (et Barry Goudreau ?) pour son "More Than a Feeling ". 😁
Pour la suite, les amplis sont bâillonnés au profit de l'acoustique. Contre toute attente, notamment après ce bouillonnant torrent de hard-blues, James Gang s'ouvre sur le folk-rock et une forme de Soft-rock (là encore, avant l'heure), voire sur le progressif avec " Ashes the Rain And I ", qui clôture en beauté l'album. Une séduisante dernière pièce mélancolique, tout en acoustique (avec Peters à la guitare acoustique), démarrant sur un simple arpège, et enjolivé par un orchestre qui s'étoffe progressivement. Il semblerait d'ailleurs que la partie de violons ait servi au "Right Here, Right Now" de Fatboy Slim. "Parfois, je m'assoie et je fixe la pluie. La pluie ne serait-elle pas remplie de chagrin ? Je me demande si je reverrai ma maison. Fera-t-il sec demain ? Le temps passe doucement et un jour de plus. Mais je vis toujours des jours passés. Cendres en cendres, la pluie devient plus froide. Trouver demain, les cendres, la pluie et moi"
Mais avant ce petit bijou, trois courtes pièces acoustiques se succèdent. "Garden Gate", "There I Go Again" et "Thanks". Rien de particulièrement transcendant. Cela se situerait quelque part entre le Led Zeppelin III et les Stones d'Exile, mais sans le souffre de ce dernier ni la force imparable du dirigeable. Pourtant il y a un gros potentiel derrière "Thanks", qui aurait peut-être gagné à être enrichi et développé. Défaut dû à une probable précipitation encouragée par le coût des studios et/ou la pression de la maison de disques ?
Moins copieux, avec seulement ses 35 minutes, et peut être moins intense que son prédécesseur, c'est néanmoins le plus connu du James Gang, et le mieux vendu. " James Gang Rides Again " est un classique du heavy-rock des années 70. Probablement précurseur en bien des points, il a servi de source d'inspiration. Malheureusement, c'est aussi l'arbre qui cache la forêt car le groupe, en dépit d'un quasi constant changement de personnel, n'a pas dit son dernier mot, et va sortir encore de beaux albums.
Pour la petite histoire, la photo du recto, où l'on voit, sur une route arborée et enneigée, les lascars tout de noir vêtus, juchés sur deux moto customisées, a été prise par le manager. Alors en tournée sur la côte est, pourvu d'un budget des plus maigres, après un concert dans un petit club quelque part dans le Massassuchetts, le trio n'avait plus le sou pour s'offrir une chambre d'hôtel. Ils ont été accueillis par une annexe d'un club de motards qui les a logés. Au petit matin, le manager, Tom Wright, a demandé s'ils pouvaient emprunter deux motos pour faire quelques photos.
No. | Titre | ||
---|---|---|---|
1. | "Funk #49" | Fox, Peters, Walsh | 3:54 |
2. | "Asshtonpark" | Fox, Peters, Walsh | 2:01 |
3. | "Woman" | Fox, Peters, Walsh | 4:37 |
4. | "The Bomber: Closet Queen" - "Boléro" -"Cast Your Fate to the Wind" | Fox, Peters, Walsh, Maurice Ravel, Vince guaraldi | 7:04 |
5. | "Tend My Garden" | Walsh | 5:45 |
6. | "Garden Gate" | Walsh | 1:36 |
7. | "There I Go Again" | Walsh | 2:51 |
8. | "Thanks" | Walsh | 2:21 |
9. | "Ashes the Rain and I" | Peters, Walsh | 5:00 |
🎶🐴🎸
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Joe WALSH "Analog Man" (2012) ; The EAGLES "Hotel California" (1976)
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