vendredi 15 juillet 2022

HALLOWEEN 1 (et 2) de John Carpenter (1978-81) par Luc B.


HALLOWEEN, LA NUIT DES MASQUES est la troisième réalisation de John Carpenter. Après le succès de ASSAUT (1976) au festival du film de Londres, il est abordé par le producteur Irwin Yablans qui lui commande un film d’horreur. En bon cinéphile qui se respecte, qui a trouvé sa vocation en découvrant le PSYCHOSE d’Hitchcock, Carpenter opte donc pour un film ayant pour héros un tueur en série psychopathe.

On retrouve quelques allusions au film d’Hitchcock : tueur filmé en suggestif lors du plan séquence d’ouverture (on voyait ça aussi dans FREEZY), la scène où le personnage de Laurie (Jamie Lee Curtis) regarde par la fenêtre de sa salle de cours, voit le tueur de l’autre côté de la route adossé à sa voiture, qui rappelle le plan de Marion Crane à la concession automobile. Il y a un autre lien évident entre les deux films, l’actrice Jamie Lee Curtis étant la fille de Janet Leigh (et Tony Curtis) l’héroïne de PSYCHOSE qui a eu la malheureusement idée d’aller prendre une douche dans un motel louche…

Le film s’ouvre donc sur un plan séquence mémorable en caméra suggestive. On décèle tout de même un raccord lorsque l’assassin ramasse un masque pour l’enfiler. On a donc un voyeur (cf Norman Bates qui lorgne ses clientes par un trou dans le mur) qui pénètre dans une maison la nuit d’Halloween, attiré par une fille et son copain qui s’envoient en l’air à l’étage. La caméra, obturée par la découpe du masque, s’approche de la fille, un couteau entre dans le cadre, la fille hurle « Michael ! » avant d’être tuée.

Le tueur redescend, toujours en caméra suggestive, sort de la maison, croise un couple qui l'apostrophe : « Michael ? ». Fin du plan. Contre-champ : on découvre que le tueur est un gamin de 7 ans, Michael Myers, déguisé en clown, le couteau  encore ensanglanté à la main. Il vient de trucider sa soeur. Un travelling arrière à la grue recadre le gosse et ses parents (étrangement statiques devant la situation !) devant la maison de l’horreur.

Cette séquence inaugurale et formidable a fait la réputation du film, petit budget qui a explosé le box-office. Contrairement aux slashers de Wes Craven ou Tobe Hooper qui misaient sur le gore, Carpenter joue la carte du mystère, du frisson.  

Petit résumé du film… le petit Michael Myers est confié au docteur Loomis, dans une institution psychiatrique. Le gamin n’a rien d’humain, irrattrapable (les scènes avec Loomis à l’institut ont finalement été coupées au montage) c’est un sociopathe dangereux qu’il faut laisser enfermer. Las, 15 ans plus tard, la veille d’Halloween, Myers s’échappe, revient à Haddonfield poursuivre sa macabre besogne. Loomis se rend sur place prévenir les autorités du danger.

La scène où Myers s’échappe est elle aussi remarquable. La nuit, l’orage, Loomis arrive à l’asile, les phares de sa voiture éclairent faiblement des silhouettes blanches, fantomatiques : les patients échappés qui errent dans le parc. Puis cette forme animale qui bondit sur le capot, on ne voit quasiment rien, trop vite, trop sombre. Flippant.

Michael Myers déambule dans les rues d’Haddonfield, à la recherche d’une proie. Il porte son dévolu sur trois lycéennes, Linda, Annie (la fille du shérif) et Laurie Strode. Carpenter filme en plans larges, en plein jour, suit le déplacement des trois filles en travelling, comme Howard Hawks filmait John Wayne et Dean Martin dans RIO BRAVO, autre film de chevet du réalisateur. Son film ASSAUT était un simili remake de RIO BRAVO (Carpenter s’y cachait au générique sous le pseudo de John T. Chance, nom du personnage de Wayne). Dans une scène d’HALLOWEEN, un gamin regarde THE THING (1951) à la télé, film de… Howard Hawks, dont Carpenter signera un remake en 1982.

Le truc de Carpenter est : je te vois / je ne te vois plus. Laurie voit un type l’épier, mais dès qu’elle s’approche, l’homme a disparu. Quand elle l’aperçoit dans un jardin, derrière un fil à linge, le gars n’est plus là le plan suivant. Ce qui renforce l’aspect irréel, maléfique, insaisissable du tueur. On est à deux doigts de lui trouver des pouvoirs surnaturels. Carpenter filme la menace, le doute qui s’immisce. Laurie est-elle vraiment menacée, ou est-ce l’objet de son imagination ? Aucune de ses copines ne voient le rôdeur. Myers n’est filmé que de dos, ou de loin, ou dans l’ombre, trop rapidement pour se faire une idée du bonhomme, mais il semble tâter le terrain, repérer les lieux.

Le dispositif est ingénieux, mais le problème c'est qu'il est aussi redondant. Et surligné par la musique dès que Myers surgit dans le cadre. La bande son est composée par Carpenter lui-même, au synthétiseur, procédé novateur à l’époque, mais qui a très vieilli.  

En parallèle, le docteur Loomis s’évertue à convaincre le shérif Brackett de la menace qui va s’abattre sur sa ville. Myers est revenu, et ça va saigner. Brackett rechigne à ratisser le périmètre, surtout un soir d’Halloween où les hurlements de terreur et les visages masqués pullulent. C'est l'idée géniale du scénario : une fille hurlant, un couteau entre les omoplates, un soir d'Halloween n'effraierait personne. Stephen King s'en est-il inspiré pour son CA, avec le clown tueur ? Quelques indices devraient pourtant alerter le shérif : la maison des Myers où a eu lieu le crime initial, une ruine réputée hantée par les gamins du coin, semble de nouveau habitée. Et le quincaillier local a été cambriolé. On a volé  cordes et couteaux.

Il faut attendre les deux dernières bobines, à la nuit tombée, pour que Myers entre en action. Sa cible principale est Laurie Strode (on ne saura pourquoi que dans HALLOWEEN 2) les autres sont des victimes collatérales. Carpenter connaît sa grammaire horrifique, il nous fait flipper avec trois fois rien, une fenêtre laissée ouverte, un courant d’air dans un rideau, la démarche très lente et déterminée du tueur, sa capacité à apparaître / disparaître, à se relever dix fois même avec six bastos dans l’estomac !

On déplore toujours dans ce style de film les réflexes un peu stupides des victimes. On ne se cache pas dans une penderie, car y’a pas d’issue. On ne tourne pas le dos à un tueur que l’on vient d'assommer. On ne crie pas au loup un soir d’Halloween. Bref, tout ce que Wes Craven a décrit dans SCREAM. Comme cette capacité du tueur à s’y reprendre à trois fois pour trucider Laurie, se laisser distancer de trois blocs alors qu’il était à 20 centimètres un plan plus tôt. Comme si le plus important était de voir et entendre Jamie Lee Curtis courir affolée en hurlant ! Manque de moyen, de temps, d’une bonne scripte, on relève tout de même beaucoup d’incohérences en 90 minutes.  

On reste aussi dubitatif par l’intervention soudaine de Loomis, alerté par les hurlements de Laurie, depuis le temps qu'elle époumonait. La fin est mystérieuse, ouverte, comme s’il on avait déjà anticipé une suite. Qui déboulera trois ans plus tard, écrire et produite par John Carpenter, mais réalisée par Rick Rosenthal.

La spécificité de ce deuxième opus est d’être la suite exacte du premier, à tel point que le montage du film commence par les dernières scènes du premier. L’intrigue se déroule donc la même nuit. Le docteur Loomis (Donald Pleasence) poursuit sa mission, arrêter Michael Myers dans sa cavale meurtrière. Laurie est soignée de ses blessures dans l'hôpital où se passera une bonne partie de l’action. Elle y est étrangement la seule patiente. La caméra arpente les couloirs vides, sombres, les rares infirmières présentes se feront méthodiquement dézinguées (mention spéciale pour la plantureuse Karen brûlée vive dans le jacuzzi, quel gâchis). Et cette fois, le film qu’on voit diffusé par une télévision est « La Nuit des morts-vivants » de Romero.

Il y a davantage de meurtres dans HALLOWEEN 2, plus trash, on sent qu’il fallait faire plus fort, plus sanglant, accélérer le rythme. Ce n’est pas désagréable à regarder au second degré, tant les incohérences et les scènes convenues défilent à l’écran, comme les mauvaises décisions des protagonistes. Mais s’ils réfléchissaient, l’affaire serait résolue en 10 minutes ! Un twist scénaristique nous apprend pourquoi Michael Myers en veut à Laurie Strode. Fallait oser, ils l’ont fait. Bien évidemment, l’épilogue ouvre une nouvelle fois sur une suite, l’épisode 3 sortira l’année suivante et fera un bide. 

Et après ?...

On rappelle John Carpenter pour le 4, mais il lâchera l’affaire et cédera sa franchise à bon prix. Suivront les RETOUR, REVANCHE, MALÉDICTION de Mike Myers. Pour l'anniversaire des 20 ans, Jamie Lee Curtis initie un nouveau projet, Carpenter se dit intéressé, mais les studios lui refusent les 10 millions de dollars de salaire exigés pour s'y remettre, soit trente fois le budget du premier opus ! Le film, gros succès, sera réalisé par Steve Miner, qui avait fait une des nombreuses suites de VENDREDI 13, on reste en famille... En 2002, JL Curtis renfile les frusques de Laurie Strode, pour LA RÉSURRECTION (sic!). Puis c'est Rob Zombie qui se tape des remakes de suites de préquels, jusqu'au HALLOWEEN KILLS (2021) de David Gordon Green. On attend pour bientôt le treizième film de la série. La question mérite d'être posée : y-aurait-il encore des gens à trucider à Haddonfield ?    

Il y a dans le premier HALLOWEEN de Carpenter (le classique, celui qui fait date) des efforts évidents pour soigner la mise en scène, créer une atmosphère malgré des moyens limités, mais hélas plaqués sur des situations tellement rabâchées qu'au final, la sauce ne prend pas vraiment. 


Halloween 1 & 2 : couleur  -  1h30  - scope 1:2.39 
 
Nouvelle bande annonce du premier épisode, qui était ressorti ripoliné pour le 40è anniversaire :

3 commentaires:

  1. Les deux Halloween réalisés par Rob Zombie sont, dans des registres différents l'un de l'autre, de parfaites réussites. Ils transcendent complétement la notion de remake.

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  2. Juste la moyenne ? Enfin, pour le premier, j'ai jamais vu le second ni ceux d'après ...
    Je trouve que ce Halloween, c'est quand même un sacré marqueur dans ce genre de cinéma ou le cinéma de genre, comme on veut ...
    Tous les codes qui seront exploités jusqu'à plus soif sont là, du jump scare à la musique glaçante, en passant par les bimbos et les neuneus chair à serial killer ...
    J'y trouve même une scène d'anthologie tous genres confondus, celle où Jamie Lee Curtis traverse la rue pour aller à la baraque de ses amis (qui viennent de se faire dépecer). Elle est filmée de trois-quarts arrière, on s'attend à chaque seconde à voir une main se poser sur son épaule ou un coutelas apparaître dans un coin de l'image, elle a vingt mètres à faire, ça dure une éternité, rythmée par les synthés sinistres de Carpenter, ... et il ne passe rien, Myers est parti ...

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  3. J'ai écrit dessus en le revoyant il y a peu de temps, je connaissais l'impact de ce film sur le genre. C'est vrai que Carpenter fait de jolies choses, ce que j'écris d'ailleurs, mais sur l'ensemble cela ne m'a pas transcendé plus que ça. Il ne se passe rien ? ben justement, c'est peut être là le problème ! Dans un genre plus gore, mais autre classique de l'horreur, tourné avant (et je pense que Carpenter en a justement pris le contre-pied) je trouve "La colline a des yeux" de Craven nettement plus traumatisant. En grand amateur d'Hitchcock, Carpenter aurait du savoir que 'plus le méchant est réussi...'. Or Myers est assez transparent.

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