60 ans après a fin de la guerre d’Algérie, certains films font toujours
des vagues et ont tendance à laisser un malaise auprès de certains.
Le 19 mars 1962, alors que vingt jours plus tard je verrai le
jour, entre en vigueur le cessez-le-feu en Algérie en conséquence de la signature des accords
d'Évian. Une sale guerre d'où 30 000 soldats français ne reviendront pas.
Il est rare de parler des défaites dans le cinéma Français, il existe un
film de 1970 «Waterloo» mais c’était soviéto-italien (Le comble si cela avait été un film anglais !). L’Indochine aura aussi ses films, mais plusieurs relateront une
histoire plus ou moins historique comme «Indochine» de Régis Wargnier en
1992. Le seul qui soit le plus réaliste reste «La 317e section» de Pierre Schoendoerffer en
1965. Plusieurs films ont traité du conflit en Algérie, «Les Centurions» (1966) avec Alain Delon et
Claudia Cardinal, «La bataille d’Alger» (1966). Peu de film parle de la guerre d’Algérie vue par le
petit bout de la lorgnette hormis deux : «R.A.S» d’Yves Boisset en 1973, «La Question» de
Laurent Heynemann en 1977 et surtout «Avoir vingt ans dans les Aurès» en 1972 qui sera à l'origine d'une polémique
(Victor !).
René Vautier |
Avoir 20 ans dans les Aurès fut la première fiction française à montrer explicitement la guerre
d’Algérie à l’écran. René Vautier, le réalisateur avait des 1956
rejoint les maquis du FLN. Le film restera longtemps comme simpliste parce
qu’il abordait la guerre avec un œil et un angle très précis. Tu ne vois
pas les pieds-noirs comme Alexandre Arcady
les représentera plus tard dans ses films avec Roger Hanin, ni les exactions des fellaghas. René Vautier
va s’inspirer de la mémoire de 600 appelés qui témoigneront de leurs guerres.
Nous sommes en 1961 dans le massif des Aurès, la partie orientale de
l'Atlas saharien. Un groupe d’appelés bretons antimilitaristes, insoumis
et opposants à la guerre d’Algérie va être formé en commando de chasse
pour faire face à l’ALN (Armée de libération nationale).
L’histoire est racontée par un soldat blessé (Michel Elias) au cours d’un accrochage. Instituteur dans le civil, il racontera
comment le groupe de réfractaires manipulés par leur officier
basculera dans la violence.
Philippe Léotard |
Deux personnages sont mis en avant, le lieutenant Perrin (Philippe Léotard) qui incarne l’armée de métier et Nono (Alexandre Arcady) celui du déserteur. Le réalisateur a choisi de planter son histoire en
plein putsch des généraux (avril 1961) vécu par le groupe à travers un poste de radio, rébellion qui
agrandit la fracture entre le lieutenant (favorable aux putschistes) et les appelés contestataires.
Alexandre Arcady |
Le casting fait appel à de jeunes acteurs aux noms peu connus à l’époque
comme Jean-Michel Ribes,
Alain Scoff,
Jean-Jacques Moreau.
Avoir Vingt Ans dans les Aurès illustre cette guerre d'Algérie qui ne dit pas son nom et
mobilise des appelés dont certains, malgré leur pacifisme, seront pris
dans un engrenage de violence et de haine. Malgré son antimilitarisme farouche il
se rapproche du film de Boisset et de
Heynemann, le schéma plutôt classique de
film de guerre lui laisse une certaine fraicheur et l’authenticité d’un documentaire, il
présente le conflit d’une manière qui n’a pas du tout vieilli, sans doute
vu sous l’angle autour de la souffrance des appelés, jetés dans une guerre
qui n'était pas la leur, et contraints à des actes qu'ils réprouvaient.
Le film est révélateur du climat post-soixante-huitard et des idées alors
en vogue dans la jeunesse de gauche : Le marxisme (le personnage de l’instituteur qui « ne veut pas se couper des masses ») et le régionalisme (les personnages sont bretons) mais c’est surtout son
antimilitarisme qui ressort le plus.
Film engagé, film critique contre la guerre, «Avoir vingt ans dans les Aurès» constitue une étape-clé dans la mise en images du conflit
franco-algérien.
Une mention pour les chansons du film chantées par
Pierre Tisserand.
En 1972 quand le film est sorti je venais d'avoir 20 ans tout rond et inutile de dire que l'objecteur de conscience /anar et anti militariste que j'étais alors a accueilli ce film avec enthousiasme! Il a dérangé pas mal de monde à l'époque , la guerre d'Algérie était un sujet tabou et douloureux. Pour avoir par la suite cotoyé des familles pieds-noir la douleur et les traumatismes sont restés vivaces encore très longtemps. Le doc de Tavernier et Rotman vaut aussi le détour.
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