« Been dazed and confused,
So long is not true,
Wanted a women never bargain for you,
Lot of people talkin, few of them know,
Souls of a women was created bellow »
Il
y a des mots qui révolutionnent leur époque, des phrases sonnant comme des
incantations prophétiques. Derrière cette expression de désespoir sentimental
s’inscrivant dans la tradition des grands pionniers de Chicago, Jimmy Page
invente les codes du hard blues. Sorti en cette même année 1969, « In the
court of the crimson king » initiait un rock libéré de ses vieux totems.
Dans la lignée du roi cramoisi, une vague de virtuoses anglais diluaient le
swing originel du rock dans un mélange de jazz, de musique symphonique, de
folk. Du rock, ces musiciens n’ont gardé le plus souvent que la puissance
électrique.
Pour
que le blues survive à ce nouvel affront, les groupes tels que Deep Purple, le
Black Sabbath des débuts et autres Led Zeppelin le jouèrent avec une puissance
sonore décuplée. « Highway star », « Whole lotta love »,
« Iron Man », tous ces tubes représentaient les bases d’un nouveau
mojo. TOE FAT s’inscrit au cœur de cette résistance glorieuse, tout en flirtant
un peu avec l’ennemi. Le groupe fut formé en 1969 autour du chanteur Cliff Bennett.
Après la dissolution de son premier groupe, l’homme avait entamé une courte
période solo.
Si les titres qu’il publia à l’époque ne restèrent pas dans les annales, cette aventure en solitaire lui permit de se faire une petite notoriété dans le milieu de la pop anglaise. Il put ainsi réunir rapidement les musiciens nécessaires à son nouveau projet. Parmi les plus illustres de ces mercenaires, on trouve Ken Hensley, un multi instrumentiste qui mettra ensuite ses talents au service d’Uriah Heep. Cherchant le nom de groupe le plus dégoutant possible, les musiciens finissent par opter pour TOE FAT. Emballé par le nouveau projet de son chanteur, le label Rare Earth lui fait rapidement signer un nouveau contrat.
[Ken Hensley] Alors
que les musiciens n’ont rien enregistré, les voilà engagés comme première
partie de Derek and the Dominos. Lors de ces prestations, TOE FAT semble
reléguer les Dominos au rang de vieilles gloires fatiguées. Le groupe d’Eric
Clapton, aussi brillant soit-il, semble être resté bloqué dans les sixties.
Leurs mélodies sont trop douces, leur rock trop sobre, il joue comme si Led
Zeppelin n’existait pas encore. C’est d’ailleurs à partir de cette époque que
Clapton se forgera une image de vieux bluesman, capitalisera sur sa
respectabilité d’ex gloire d’une époque révolue. De son coté, convaincu d’avoir
trouvé son Led Zeppelin, Rare earth demanda aux studios Hignosis de
confectionner la pochette du premier album de TOE FAT. Les studios conçoivent
alors un graphisme digne de meilleures excentricités anglaises. Voyant ces
nudistes au visage en forme de gros orteil, le label prévoit déjà de supprimer
la femme, dont les seins pourraient choquer le puritanisme américain.
Sorti
en 1970, « Toe Fat » est une preuve du rapprochement de plus en plus
assumé entre le rock progressif et le hard rock. Led Zeppelin et King Crimson
représentaient finalement deux visions du progressisme musical assez proches,
deux façons d’emmener leur musique vers une virtuosité plus spectaculaire. « Toe
Fat » s’ouvre sur « That’s my love for you » un boogie ramassé
que n’aurait pas renié Foghat. Les arpèges ouvrant « Bad side of the moon »
flirtent ensuite avec les mélodies tolkenniennes chères à Wishbone Ash. Le
synthé rêveur, plus proche de Yes que de Deep Purple, apporte une certaine
classe mélodique à ce riff plombé. « Nobody » flirte un peu plus avec
le blues boom anglais, Hensley déployant un riff aussi puissant
qu’entêtant. Ce qui fut un boogie enjoué s’achève dans un déluge de solos
incandescents. Ce qui frappe également sur cet album, c’est la voix de Bennett.
Sur les passages les plus agressifs, il chante avec la puissance des plus impressionnants rockers sudistes. Cette force ne l’empêche pas, quand les chœurs de « The wherefors and whys » inventent une grâce qui sera bientôt reprise par Uriah Heep, de gazouiller aussi majestueusement que Robert Plant sur « Thank you ». Plus bluesy que réellement progressif, « Toe Fat » (l’album) fait partie des premières tentatives de rapprochement entre le hard blues et le rock progressif. Ayant reçu l’album un peu avant sa sortie officielle, la critique unanime salue cette réussite comme il se doit. Le label change pourtant de stratégie quelques jours avant la publication de l’album. Décidant finalement de mettre le paquet sur Derek and the Dominos, la maison de disque largue brutalement TOE FAT. Ce premier disque sera finalement publié par une filiale du label, qui ne le distribuera malheureusement qu’aux Etats Unis.
Trop excentrique pour séduire le marché américain, « Toe Fat » fait un bide. Le groupe tenta de rattraper cet échec en sortant un second album d’excellente facture, qui connaitra le même échec. Le groupe décida alors de se séparer, laissant ainsi certains de ses membres écrire la légende de Jethro Tull et Uriah Heep. On retiendra simplement que TOE FAT n’avait rien à envier aux groupes qui firent connaitre ses musiciens.
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