- Voyage dans les bois finlandais ou saga patriotique cette première
symphonie de Sibelius, Claude ?
- Un peu des deux Sonia ! Jean Sibelius a débuté tardivement l'écriture
de symphonies au sens classique du terme, à savoir purement
instrumentale… Tes deux idées cohabitent dans cette grande œuvre, tu
connais bien ce compositeur… dis-moi !
- Merci. Sept symphonies du post-romantisme au moderniste, tu explores
tout le cycle, ne manquera plus que la 6ème. Sibelius a
détruit l'ébauche d'une 8ème je crois…
- En effet, bien que mort à 91 ans en 1951, le compositeur se murera
dans le silence musical au début des années 30…
- Nouveau maestro dans le blog, quoique cité dans d'autres articles :
Leif Segerstam… Hi hi, il est très gros ce monsieur et si on ajoute son
look de Viking…
- Maestro en effet mais aussi compositeur…
Leif Segerstam (né en 1944) |
Sonia s'amuse d'un rien… Il existe des photos de
Leif Segerstam
jeune, imberbe et avec des lunettes de garçon sérieux (voir site privé
Getty). Ce colosse cultive-t-il son look à des fins particulières, comme
certains rockeurs ? Je l'ignore et je lui laisse la parole, car le gaillard
se décrit fort bien lui-même : "un mélange de Johannes Brahms, de Karl Marx et de père
Noël".
Brahms
jeune était aussi un mince et séduisant beau gosse… Et puis il est logique
que ce finlandais se voit tel l'archétype du père Noël, son pays étant
peuplé de rennes… le traîneau étant le scooter des neiges des lapons 😊.
Sibelius
ne fut pas toujours considéré comme un compositeur majeur avant la deuxième
moitié du XXème siècle, hormis dans sa patrie, en Allemagne et
aux USA toujours avant-gardistes ;
Serge Koussevitzky, le directeur de l'orchestre de Boston de 1924 à 1949, lui avait commandé la
8ème symphonie
qu'il attendra en vain… De nos jours les 7 symphonies ont
connu un nombre impressionnant de gravures, depuis celles de
Robert Kajanus vers 1930, l'ami de
Jean
Sibelius
et le créateur de plusieurs symphonies jusqu'à la dernière intégrale en
date, celle du très jeune finlandais surdoué
Klaus Mäkelä
parue en mars ; le maestro, directeur de l'orchestre de Paris (26 ans) ayant réalisé cet enregistrement avec l'orchestre d'Oslo, une réussite encensée par la critique, à cet âge ! Déjà disponible sur
(YouTube)
Doit-on déduire de la discographie et de la présence de quatre maestros
finnois dans mes billets précédents qu'être né en Finlande, parcourir les
forêts, contempler les levers de soleil dans les brumes nordiques, avoir
écouté ou lu les légendes et sagas cruelles du Kalevala est un atout maître
dans l'art d'interpréter cette musique ? Le pas serait facile à franchir.
Cela dit,
Sibelius
est le héros national finlandais et, sans exagérer, le compositeur nordique
le plus talentueux voire novateur de son époque, cette remarque s'étendant
aux trois pays scandinaves. Tout artiste de ce pays doit être nourri avec
une cuillérée de
Sibelius
dans son biberon.
Donc après Kajanus, Kammu, Berglund, Osmo Vänskä, voici Leif Segerstam…
Sibelius dans les années 1890 |
Leif Segerstam
naît en 1944 à Vaasa proche des rivages de la mer baltique. L'enfant
pour ne pas dire le bébé
Leif commence à déchiffrer des notes de partitions entre deux et quatre ans et
gribouille ses premières compositions à six ans ! Il avait appris à lire à
trois alors que la famille s'installe à Helsinki. Il y a des gosses comme
ça…
À l'académie Sibelius d'Helsinki, il apprend le piano, le violon et l'alto
; plus tard il ajoutera la maîtrise de tous les cuivres et de la flûte à
bec… En 1963, il franchit l'Atlantique pour intégrer la Julliard School de New-York
pour travailler la direction d'orchestre avec le professeur français
Jean Morel. Il se lie d'amitié avec
James Levine
et
Leonard Slatkin, deux élèves de la même génération.
Segerstam
encore mal connu en France malgré des concerts remarquables avec l'Orchestre national de France et du
Capitole de Toulouse
et l'orchestre de Paris en 1998, soirée lors de laquelle il interpréta l'une de ses
œuvres excentriques, le
concerto pour violon
de Sibelius avec
Gidon Kremer
en soliste et la
deuxième symphonie
du même
Sibelius
pour conclure. On en déduira qu'entre le compositeur et le chef finlandais,
il y a une complicité totale…
Œuvres excentriques écrivais-je ; ce soir-là :
February
pour grand orchestre créée l'année précédente à Chicago ; peu de différence
formelle dans cette pièce avec l'une de ses
327 symphonies
(recensement en 2017…). Ce stakhanoviste de la symphonie a orienté sa
carrière prolixe de compositeur plutôt dans ce genre. Une production à
comparer avec l'écriture des concertos en tout genre de l'époque baroque, de
Vivaldi
à
Telemann. Il s'agit de composition "pulsative libre". Ce que j'ai compris (SGDG) : à partir d'une trame symphonique, les
instrumentistes ont des possibilités d'improviser… Depuis 1993, il
n'y a d'ailleurs plus de chef,
Segerstam
veillant au grain depuis le piano… Pour les curieux, rendez-vous à Turku
pour voir une interprétation de la
symphonie N°288
(Clic). C'est assez… spécial, l'orchestration comprend un marteau, une scie
égoïne, etc… En fait, après une écoute globale, ben je trouve que ça a de la
gueule par la magie foldingue des timbres, mais de là à écouter plus de 300
symphonies à la queue leu-leu !!!
Segerstam
a la réputation d'un personnage débonnaire que son look laissait supposer.
Il a dirigé les plus grands orchestres de la planète et, on s'en doute, les
phalanges finlandaises, tant pour les concerts symphoniques que dans les
fosses d'opéra. Pour cette gravure écoutée aujourd'hui, il dirige l'orchestre philharmonique d'Helsinki
dont il a été le directeur de 1996 à 2007. À propos de cet
orchestre de haut niveau, nous avons rencontré d'autres directeurs dans le
blog :
Okko Kamu
(1981-1989) pour la
deuxième symphonie
de
Sibelius
enregistrée à la
Philharmonie de Berlin, et plus récemment,
John Storgårds
(2008-2015) dans un
concerto
de
Vasks,
~~~~~~~~~~~~~~~
Robert Kajanus |
La planification du travail de
Sibelius
concernant les œuvres symphoniques rappelle à la fois les craintes de
Brahms
de ne jamais rivaliser avec les symphonies de
Beethoven
(à tort) et qui attendra l'âge mûr pour composer sa
première symphonie, et le désir d'innovation de
Franz Liszt
qui préféra composer des
poèmes symphoniques
de forme libre ou ses "symphonies" constituées d'une suite de poèmes
symphoniques (Faust Symphonie
et
Dante Symphonie).
Sibelius
attendra l'approche de la quarantaine pour tenter cet exercice difficile
qu'est l'écriture d'une symphonie purement instrumentale et de forme
classique (académique ?) en quatre mouvements. Dès ses débuts,
Sibelius
se passionne pour l'univers romantique wagnérien et lisztien nourri d'une
thématique littéraire et poétique à l'opposé d'une inspiration plus
subjective telles les ouvrages de
Brahms. Il admire la
symphonie Fantastique
de
Berlioz, partition atypique et à programme en cinq mouvements. La remarque
s'applique aux deux symphonies de
Liszt
citées qui s'appuie sur l'Enfer de Dante Alighieri et la tragédie
infernale de Goethe.
Pour innover dans ce style, le finlandais possède un terreau épique idéal :
le poème Kalevala, longue épopée écrite au XIXème siècle
qui établit une synthèse du folklore et des traditions chevaleresques
populaires finlandaises (1835-1849 ; 23 000 vers). Le nationalisme
finnois très fort dans une Finlande envahie à maintes reprises soit par la
Suède soit par la Russie (1803-1917) n'est pas étranger à cette
rédaction, et ne peut que fasciner
Sibelius
très attaché à sa patrie…
Ainsi on verra naître en 1892 la grande
symphonie Kullervo
en forme d'oratorio de près d'une heure avec solistes et chœur et en cinq
mouvements ; les poèmes symphoniques tels
En saga, les trois de la petite
suite Karellia, et les quatre de la
Suite de Lemminkäinen
(1893) dont sa célèbre pièce jouée souvent de manière isolée,
Le cygne de Tuonela
; là encore une saga héroïque et sauvage de grande ampleur…
N'oublions pas les années 1888 et 1893, dates de création des symphonies N°5 et N°6 "Pathétique" de Tchaïkovski qui apporte enfin au genre, en Russie et dans les pays nordiques, la maturité jusqu'à présent réservée aux compositeurs germaniques, de Beethoven à Bruckner.
Gallen Gallela : scène rustique |
Liszt,
Berlioz,
Tchaïkovski… Difficile de trouver sa place et surtout de définir le plan d'une
symphonie purement instrumentale qui équilibre les influences romanesques et
les rigueurs d'une écriture classique. En 1898,
Sibelius
ébauche un programme à la manière de
Beethoven
dans la "Pastorale" ou de
Berlioz
dans la "fantastique" tout en s'imposant le standard symphonique en quatre mouvements et le
respect de la forme sonate pour faciliter l'écoute par un public à
conquérir,
thèmes A, B (C), développement, reprise, scherzo, etc.
Ce programme fut imaginé lors d'un séjour à Berlin : "Le vent froid qui souffle de la mer / Le pin du Nord rêve au palmier du
Sud / Conte d'hiver / Ciel de Jorma". Il sera abandonné et, sauf à avoir une imagination très fertile, on note
qu'il n'a influencé en rien la composition.
Terminée en 1899, le compositeur dirige une première version marquée
par le climat nationaliste survoltée dans le pays dû "au manifeste de févier", un dictat du Tsar Nicolas II pour restreindre encore et encore
l'autonomie finlandaise. Certes le succès est là, mais
Sibelius
retouche sa partition - l'original est perdu - et le 1er juillet
1900, la version définitive est créée à Helsinki par
Robert Kajanus.
Sibelius
a enfin atteint une stature d'envergure, la symphonie est acclamée dans les
grandes villes d'Europe… sauf à Paris, comme d'habitude ! Voici
l'orchestration :
2 flûtes + piccolo, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, timbales, triangle, cymbales, grosse caisse, harpe et cordes. Partition
La vidéo est une playlist comportant les quatre mouvements.
L'enregistrement a été effectué à Helsinki en janvier 2001 pour le label Ondine.
Gallen Gallela : scène de combat |
1 - Andante, ma non troppo - Allegro energico - en mi mineur
: un andante précédant l'allegro en cette fin du XIXème siècle !
Serions-nous revenus au bon vieux temps de
Haydn
adoptant cette introduction dans ses ultimes symphonies londoniennes, sommet
de la symphonie classique ? Oui et non.
Haydn
nous préparait aux surprises de l'allegro par ce prologue méditatif.
Sibelius
recourt au climat mystérieux dans ce préambule poétique pour énoncer la
thématique du mouvement. Une clarinette solo nous expose les motifs.
L'univers sonore du compositeur se dévoile paisiblement au son mélancolique
de l'instrument avec pour seul accompagnement un furtif roulement de
timbale. Ahhh les voilà les brumes nordiques diaphanes cernant les sombres
forêts de sapins et de bouleaux où sont assoupis les esprits diablotins.
[1:29] l'Allegro Energico jaillit par des vigoureux trémolos des seconds
violons. Un second thème épique est énoncé par les premiers violons. Les
bois et les flûtes se regroupent dans un premier développement altier.
N'avons-nous pas évoqué la passion de
Sibelius
pour les héros guerriers et les légendes dramatiques. [3:26] Un passage
central laisse place à un charmant dialogue espiègle de la flûte, des bois
et de la harpe.
Sibelius
ne se plie guère aux règles absolues de la forme sonate. Pour une première
composition, le flot mélodique est exceptionnellement inventif et coloré.
[5:30] Autre fantasmagorie : le chant solitaire du violon suivi d'une
chorégraphie des vents s'achevant sur des notes de harpe.
On appréciera la vitalité sans confusion de la battue de
Segerstam, l'air circule entre les divers pupitres mis en avant sans emphase, le
chef récuse tout hédonisme. La musique de
Sibelius
même post-romantique doit rester rugueuse et le compositeur ne cessera de
s'écarter du pathos sentimental encore en vogue jusqu'à atteindre un récit
musical à la pureté parfois glaciale comme dans sa quatrième symphonie.
Les transmutations sur l'orchestration appliquée à la thématique témoignent
du savoir-faire acquis dans l'écriture des poèmes symphoniques. Nous
écoutons ici une fiction musicale et expressionniste qui rappelle
Debussy
et non cette architecture sonate quasi géométrique d'un temps révolu, quel
que soit la richesse desdites structures en sonate (ABABCA'B'A'B' ou plus
complexe encore chez
Bruckner) et qui guidaient l'auditeur dans le dédale d'un mouvement… Y a-t-il une
influence de
Richard Strauss ?
La symphonie se poursuit, riche d'épisodes concertants et homériques. On entendra ici une tempête, là l'évocation d'une bataille. Le ton général reste à la fois hardi et séducteur. [9:28] Arpèges de la harpe, solo nostalgique de clarinette puis des cors conduisent à une ardente coda.
Gallen Gallela : bateau échoué |
2 - Andante, ma non troppo lento - en mi bémol majeur
: sur le mode mi ♭ majeur, le début de l'andante déroule une mélodie bucolique et
élégiaque réunissant violons I, violoncelles, cors et harpe, avec une touche
de couleur en prime : un motif aux clarinettes. [1:14] Un second groupe
thématique plus expansif débute marqué par des solos de bois notamment du
basson. Il gagne en vigueur et en dramatisme, nous renvoyant au climat
contrasté de l'allegro. [2:38] Nouveau développement inattendu dans lequel
chantent, un à un, la flûte, le violoncelle, les cors.
On remarquera dans cet andante, la finesse de l'orchestration de
Sibelius, les oppositions de timbres. Les sauts entre pupitres sont nombreux, un
raffinement instrumental à contre-courant du style de certains de ses
confrères romantiques tardifs.
[4:22] La seconde partie de l'andante est plus volcanique avec son thrène dramatique aux flûtes, ses traits de trompettes puis, plus en avant, ses mugissements du tuba [7:06]. La trame se veut plus belliqueuse (toujours cette inspiration nourrie des férocités de la mythologie finnoises). Cette fureur précède [7:50] une coda construite à partir d'une reprise du thème initial. Pourtant, l'écriture dans le style poème symphonique est encore très perceptible mais jamais brouillonne… Cette symétrie apportée par la coda étant une exception…
Gallen Gallela : Portrait |
3 - Scherzo : Allegro - en ut majeur
: Un scherzo dansant et vigoureux donne la parole aux éclats de cuivres et à
une rythmique appuyée des cordes agrémentée de motifs empressés des flutes
et des bois. [1:56] Le trio très mélodique s'oppose ainsi à la nervosité du
scherzo. On retrouve le ton élégiaque dans les échanges entre cordes et
vents. [3:32] Des arpèges de harpe et les trombones assurent une transition
originale avec le second scherzo repris da capo. Bougrement original et
cocasse ce scherzo aux antipodes de la froide rigueur brucknérienne…
4 - Finale (quasi una fantasia) : Andante - Allegro molto - en mi
mineur
: Retour du grave mi mineur. Quant à la mention "quasi una fantasia", elle
résume les libertés que prend
Sibelius
sur le plan formel. Une analyse détaillée serait fort envahissante !
Succinctement : Une longue plainte des cordes et des appels désespérés des
cors et trombones, sans compter les roulements de timbales préfigure un
final dramatique. [0:50] mystérieusement, un intermède plus ensoleillé, un
dialogue des bois, vient contredire, a priori cette inquiétude. Ô pas
longtemps, [1:31] des traits angoissants des violoncelles et contrebasses
élancent enfin le final et sa fureur proche du grotesque.
Ce long mouvement alterne des atmosphères des plus variées. Je vous laisse les découvrir : [3:17] Une élégie crépusculaire. [5:10] Une chevauchée éperdue. [6:14] une bataille héroïque scandée par le tuba et les cymbales ! [7:17] le chant poignant d'un peuple opprimé. [8:40] Un élan passionné des cordes rejointes par les cuivres en guise de coda. Emporté par son élan créatif irrépressible, le compositeur conclut de manière martiale cette première symphonie qui, a l'instar de celle de Brahms est une réussite pour Sibelius.
~~~~~~~~~~~~~~~~~
Discographie alternative
Pour ceux qui n'aurait pas la chance de posséder les cinq LPs originaux
gravés dans les années 60, une reddition correcte, sans plus, a été
effectuée en 1992 et un transfert en Blu-Ray lui a succédé en
2015.
Lorin Maazel
signait sans doute son plus remarquable fleuron discographique, et justement
avec un plus pour la 1ère symphonie. Les cors de la
Philharmonie de Vienne
étaient considérés comme les meilleurs de la planète par leur éclat cuivré
et que dire de la harpe cristalline si sollicitée dans l'œuvre. La prise de
son Decca de cette époque n'avait guère d'équivalence par sa
dynamique et sa précision. Je cite un commentateur Amazon fort compétent,
Mélomaniac, que j'ai bien connu : "Maazel déploie une hargne stupéfiante. Avec ses violons qui
bourdonnent, ses cuivres rugissants et ses timbales contondantes, le
scherzo devient une course hallucinée. Et le final subit des assauts
d'une rare euphorie." (Decca – 6/6 – difficile à trouver en LP et en Blu-Ray).
(Youtube)
Dans les trois intégrales réalisées par le finlandais
Paavo Berglund, la première de 1976 avec l'excellent
orchestre de Bournemouth
garde toute sa verdeur malgré une prise de son qui ne rivalise guère avec
celle de Decca. Une interprétation sans pathos germanisante,
affichant ostensiblement l'aridité slave. Les tempos sont plus retenus que
chez
Maazel, mais quels contrastes dans ce discours ciselé. (Warner – 6/6).
(YouTube)
Dernière parution à découvrir et citée en début de ce billet : Klaus Mäkelä avec l'orchestre d'Oslo, une réussite encensée par la critique, à cet âge (25 ans) ! Dès l'intro, l'équilibre entre clarinette et timbale semble prometteur ; promesse tenue malgré quelques enchaînements manquant de clarté, la fougue de la jeunesse 😊. (Decca – 5/6). Déjà disponible sur (YouTube)
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