lundi 9 mai 2022

L'ATTAQUE DES DONUTS TUEURS de Scott Wheeler (2017) – par Claude Toonanar


- Je t'entends te marrer depuis mon bureau Claude ? tu regardes un film sur le PC ? Mais… c'est quoi cette connerie ? un film ? un nanar de bébêtes débiles pour cinéphiles débiles…
- Comment tu y vas Sonia… Tu sais bien que je m'amuse avec ces bêtises… Quand je parle de vieux cinéma ethnologique de Flaherty ou du néoréalisme italien de Rossellini, tout le monde se fiche de moi, de l'homme d'Aran au voleur de bicyclette de Vittorio De Sica… Les Donuts tueurs ce n'est pas intello, je m'adapte au goût du jour… Na !
- Mouais, très drôle, M'sieur Luc souhaite pourtant te voir écrire sur des grands films, tu en as vus plein étant jeune…
- Le chef, le chef, le chef avec son nanar absolu : Bunny, Operation Pussy et son lapin mutant priapique et queutard, c'était quoi ? une thèse sur Bergman ?
- Heu non pas vraiment, mais tu as déjà commis : Frankenstein attaque le monde, Monstres invisibles avec des cerveaux carnivores qui défoncent les fenêtres, et après tes donuts anthropophages, on aura droit à quoi ?
- Hum voyons… Si un truc super : les castors zombies*… un must, cool ! Ohhhhh Sonia ne part pas en boudant…

(*) véridique, et ça dépasse tout…


Sonia s'étonne d'un rien. La bouffe agressive suite à des mutations bizarres n'est pas une nouveauté dans le cinéma de science-fiction (uniquement les nanars). Je cite : L'Attaque des crabes géants de Roger Corman (1957), l'attaque des tomates tueuses de John De Bello (1978) suivi de l'attaque de la moussaka géante de Panos Koutras (2000) ou encore l'attaque des asperges lubriques produit par Dorcel et fils… (En projet avec mamie Clara Morgane II (la fille) en introducing comme disent les yankees – mot franglais de circonstance -, Luc aurait déjà écrit le script).

Enfin nous disposons d'un menu complet dans le cinéma horrifique : la salade de crabe aux tomates tueuses, la moussaka vorace en plat principal et voici depuis 2017 le dessert : les Donuts tueurs. Les d'jeunes pourront utiliser à bonne escient leur célèbre "une tuerie, ce repas !".

Le célèbre beignet made in USA est une infâmie culinaire de facto : un beignet ruisselant de graisse et de sucre. Une éponge indigeste qui aurait provoqué une seconde attaque (sans jeu de mot) chez Jean-Pierre Coffe de par sa simple existence, à savoir : un beignet torique gorgé de lipides saturés, du sucre en excès, une armée de E001 à E999, des parfums synthétiques ; des glucides rissolés dans de l'huile rance, en un mot : l'enfer gastronomique. Après dégustation, les pharmacies seront en rupture d'anti émétiques (vogalene) pour les spectateurs ayant vu le film (34 € la place pour le triptyque complet, popcorn à volonté), et les urgences saturées de patients à moitié dévorés en sortant de chez Dandy-donuts, épicentre de l'affaire…

- Prévois un menu enfant, Claude…

- Pas une entrée gratuite au ciné en tout cas Sonia, mais un petit jouet… une fraise en plastique avec des dents et qui ricane. Les chinois les fabriqueront pour une bouchée de pain assassine, hihi ! Super écolo cette idée !

Et puis c'est un juste retour des choses après tout. Elles en ont marre nos pitances de se faire ingurgiter sans défense, sans espoir de retour - quoique ça arrive 😆 - juste l'assurance de trouver la sortie dans un état douteux… Bon j'arrête là, mon propos dérape dans le scatologique.

Omnivores, végétariens, végans… tous dans le même sac de la vengeance des comestibles, enfin, comestibles, si l'on peut dire. Je ne suis pas le premier à philosopher sur cette éventualité, exemple les célèbres suites consacrées aux solanacées dentus : Le Retour des tomates tueuses (1988), Les Tomates tueuses contre-attaquent (1990) et Killer Tomatoes Eat France! (1991), que des chefs-d'œuvre de John De Bello


Un film d'horreur de ce genre n'est rien d'autre qu'une recette de cuisine, ingrédients : une idée loufoque, un scénario bâclé, des plans mal cadrés, une mise en scène foutraque pour des acteurs catégorie "discounters" ; cuire 1H20 à feu doux, puis mater le truc en étant de préférence un peu bourré et entre potes…

 

Après cette mise en bouche, un peu de cinéphilie. Cette série de films "alimentaires" n'a pour but que de parodier les nanars des années 50 qui eux, se prenaient plutôt au sérieux, guerre froide oblige. Ah les riches heures des bestioles géantes : Them (sympa celui-là et stupidement traduit par "les monstres attaquent la ville" ; des fourmis géantes et gloutonnes suite aux essais nucléaires du projet Manhattan), des mantes religieuses, des araignées monstrueuses, sans compter la culture japonaise avec Godzilla et ses pseudo dinosaures comme Gamera, la tortue à tuyères… On frissonnait pour pas cher dans les drive-in des années 50, les ados profitant de ces pièges à copines émotives, chacun sa méthode 😊. Reste le précurseur génial : King Kong de 1933 avec un suspens serré et des décors inspirés de Gustave doré.

Dans les décennies 60-70, on ne flippe plus, on en ricane… à juste titre, quoique les amateurs s'amusent encore des scénarios anorexiques en copier-coller : un savant fou, le gigantisme et/ou la mutation de bestioles ou de nourriture, un beau héros, une héroïne sexy, un lance-flamme, quelques épisodes gore et beaucoup de bavardages et… THE END !

À côté du risible pour spectateurs complices, la comédie et l'aventureux s'emparent de la thématique : Chérie j'ai agrandi le bébé (1992) ou de nouveaux Godzilla et d'autres Kaijūs nippons. Pacific Rim en 2013 de Guillermo del Toro fait un tabac en ressuscitant dans un délire visuel génial le bestiaire de monstres géants à coup de budget pharaonique, et… d'humour… Ah le final : l'inénarrable Ron Perlman en trafiquant excentrique surgissant à coup d'opinel d'un cadavre de créature géante qui l'avait ingéré, et beuglant pour retrouver sa godasse collector de maquereau !


Michelle, Johnny et Brandon

Entre temps, la dérision exige son créneau et là, de pharaoniques, les budgets de misère deviennent la règle. D'autres règles : une idée loufoque mais simple : des tomates ou des donuts, des moustiques (Mosquito de Gary Jones en 1995 ; bien barré aussi) ; bref du banal, l'objet, l'animal ou l'aliment du quotidien.

Autres constantes : un scénario idiot bourré de gags improbables, une mise en scène à l'arrache pour des durées de tournage minimalistes. Les acteurs caricaturent (je n'ose imaginer une volonté inverse) leurs rôles : des crétins et des bombasses, le clochard ancien du Vietnam qui reprend du service… Des gags potaches les plus absurdes possible, mais parfois un rythme très soutenu pour faire avaler le morceau…

 

Et si je parlais du film !

 

Le donut sera ici le héros maléfique. Le donut, symbole ultime de la mal bouffe aux USA, le pays dont 35% des habitants sont obèses. 


Howard : "Mais c'est quoi quoi quoi… ?

Le premier plan séquence annonce la couleur : maman Emma réveille son fils Johnny le mignon héros sensé tondre la pelouse mais qui doit partir à son boulot chez Dandy-donuts. Plan mal cadré, dialogue oiseux, en un mot la quintessence du nanar qui a du mal à décoller. Nota : Emma est éphébophile et s'encanaille avec Brandon, ado boutonneux, unique pote de Johnny et réciproquement. Patience, patience, Johnny, Brandon et sa collègue Michelle également serveuse chez Dandy-donuts, sauveront le village et du coup l'invasion planétaire. Michelle en pince pour Johnny qui n'a d'yeux que pour Veronica, bimbo-blondasse-nympho…

Dans son garage bordélique, l'oncle Luther de Johnny s'est autoproclamé savant fou et concocte un élixir de vie verdâtre et fluorescent ; clin d'œil au gorissime Reanimator de Stuart Gordon d'après Lovecraft en 1985. Essai sur un rat crevé qui revient d'entre les morts et agresse Luther… qui s'en sort… et file chez Dandy-donuts pour régler un différent concernant un PC portable avec le gérant, un beauf du nom de Howard, un beauf étalon. Ils se frittent à deux pas des friteuses. L'ampoule de sérum atterrit dans l'indifférence dans le panier où rissolent les donuts qui… quelques temps plus tard, après bien des ventes anodines, s'envolent du bain bouillonnant armés de crocs et prêts à en découdre avec les humains.


Johnny et Michelle "réveille-toi mon gars"

Question de physique à lecture optionnelle : le savant à la blouse douteuse agressé par un rat furieux, produit des efforts déments pour maintenir à dix centimètres de sa tronche le rongeur infecté qui doit 2kg à tout va !! Eh oh, il se passe quoi là ? Le vieux bonhomme est victime d'une atrophie des biceps ? Ça n'avait pas l'air. Même pas le poids d'un chat ! Quatre forces de base à sa disposition : magnétique, gravitationnelle, nucléaire faible et forte. Aucune n'entre en jeu dans ce combat, donc c'est de l'arnaque, une impossibilité physico-chimique, une trahison pédagogique. Évidement, sinon comment avoir les yeux qui sortent des orbites et le sourire aux lèvres face à de telles inepties ?


Les clients vont se succéder : une cougar nymphomane donutivore (victime 1 dévorée pas ses pâtisseries), trois voyous qui importunent Michelle (victimes 3 à 5), deux flics pas futés (encore une règle) et leur prévenu simplet (victime 2). Howard ne découvrira que tardivement que la mort sort par la porte de sa gargote (victime 6). Les donuts qui s'échappent se chargeront de déguster Veronica et son mec qui copulent nuitamment en voiture (victimes 7 & 8).


Baston culte contre les donuts mutants 😁

Séquences choisies : une bagarre à coup de crosse de hockey, de raquette de tennis, les deux flics et leurs pistolets, tous ligués contre une nuée de donuts verdâtres et assoiffés de sang, car en plus ils volent, les prédateurs glucosés : exit l'attraction terrestre (ils n'ont même pas d'ailes ?!). Bof, au point où on en est. Il y a la Veronica quasi à poil qui cavale en hurlant car coursée par une meute de donuts salaces mordus de la nana, un clin d'œil à la franchise Scary Movie 1 à 5, encore un concept philosophique de départ très nul. Etc. Deux donuts piquent la bagnole des flics, un mord le volant et pilote, l'autre appuie sur la pédale. ("Sans dec' ? Ben si Sonia 😊"). En résumé, tout est tellement con que l'on se sent gagné par le fou-rire… Ce sont les ressorts "comiques" de ce type de films. On adhère ou on change de chaine… Rien n'empêche de revoir un Spielberg ou un Hitchcock pour s'en remettre…

Quel sera le score final ? à voir ! Hélas trop de séquences de bavardage plombent cette pochade rigolarde et un peu dégueu. Le dernier plan de Johnny et Michelle roucoulant bêtement dans un pieu s'éternise avant un twist final plus qu'attendu…

 

Ce film a fait les choux gras du Festival international de l'Alpe d'Huez 2017 en tant que "comédie" et non film d'horreur !

Si je vous ai ouvert l'appétit pour ce film, par pitié, ne dépensez pas un rond pour ça, essayez de vous marrer gratos sur le câble 😊.

  • Durée : 80 minutes


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