Cédric Klapisch aime la danse. Pas moi. Enfin, ce n’est pas que j’aime pas, ce que je n’y comprends pas grand-chose, un langage qui m’est éloigné, abscons, il faut vraiment que j’ai un coup dans le nez pour twister sur un dance-floor, même sur Alexandrie Alexandra, c’est dire… Je suis plus sensible aux images qui s’animent sur grand écran. Klapisch donc, est un passionné de danse, de ballet, il avait réalisé un documentaire sur la danseuse Aurélie Dupont (2010), un autre récemment à l’Opéra de Paris.
Il consacre son dernier long métrage à cette discipline, qui commence au théâtre du Chatelet, 10 minutes de séquence sans dialogues, superbes, où se noue le drame. Elise Gautier, s’apprête à entrer en scène, quand elle surprend en coulisse son copain flirter avec une autre fille en tutu. Déstabilisée, elle chute pendant la représentation, rideau, urgences, talon fracturé. Elise ne dansera plus jamais, disent les médecins, ce n’est pas l’avis de Yann, son kiné, lui aussi ravagé par la nouvelle : la danseuse en tutu était sa copine…
La scène avec Yann, campé par un génial François Civil haut perché dans le genre recentrons nos chakras (il fera un stage à Goa), est une pure scène de comédie (dommage de ne pas l’avoir traitée en plan séquence), il masse, soigne, puis craque, effondré de chagrin, se retrouve sur la table de massage à être soulagé par Elise ! Il est évident que le kiné est fou amoureux de sa patiente, fil rouge comique du film, le mec est à la fois perché et très lourdingue, mais attachant.
Il fait partie des seconds rôles du films, pour étoffer un peu une intrigue tout de même minimaliste. Car la seule histoire d’Elise en pleine résilience n’aurait rempli qu’heure quinze de film. On sent que Klapisch a été contraint de développer des intrigues secondaires, celle de Yann, ou du couple Loïc - Sabrina, amusante aussi, ou la relation avec le père (Denis Podalydès), par contre moins convaincante, cousue de fil blanc.
Le réalisateur craignait-il de ne pas intéresser grand monde (financiers ou spectateurs) pour enrober son film d’intrigues familiales et amoureuses ? On ne sait pas sur quel pied danser… Si le film n’est pas d’une grande originalité scénaristique, très (trop) prévisible, on passe un bon moment.
Car Cédric Klapisch sait y faire pour raconter une histoire. Les premières scènes au Châtelet** sont superbement filmées, c’est même étonnant de sa part, l’image pure n’étant pas son fort. Et puis on retrouve sa patte, son style, ces plans qui détonnent, amusent. François Civil filmé à l’envers (car au-dessus de sa patiente), son coup de fil depuis Goa pense-t-on, mais en fait juste un décor mural lorsque la caméra décadre le personnage, les deux amies qui s’appellent au téléphone, chacune à son balcon… situé de part et d’autre de la même rue, ou le superbe générique du début, à la James Bond.
Et puis on retrouve ses acteurs fétiches, dans des apparitions, Zinedine Soualem, Olivier Broche, ou Klapisch lui-même. La nouvelle venue est Murielle Robin, il faut quelques minutes pour s’y faire, elle joue Josiane, qui tient une chambre d’hôtes en Bretagne, refuge d’artistes, musiciens ou troupes de danse. C’est là qu’Elise reprendra goût à la vie, à la scène, accompagnée d’un couple de cuisiniers itinérants (Pio Marmaï et Souheila Yacoub) qui s’aiment à la folie donc passent leur temps à s’engueuler !
Et puis ce que j’aime chez Klapisch, c’est sa manière de filmer Paris. La ville la plus filmée au monde, rien que l’année dernière, l’équivalent de 7000 jours de tournages. Une ville scrutée à chaque fois sous la caméra du réalisateur, ici les Halles de la Villette, le centre Centquatre, la vue depuis le toit du Châtelet, la course folle des deux amants Elise et Medhi.
Davantage que l’intrigue, ou la stricte mise en scène, ce sont les personnages qui incarnent le film, et nous permettent de passer ces deux heures sans ennui. Elise est jouée par Marion Barbeau, elle n’est pas comédienne mais danseuse à l’Opéra de Paris, et s’en sort très bien, une révélation. Car pour un film comme celui-ci, il fallait des professionnels, Klapisch avouait « y’a beaucoup d’actrices qui dansent, mais peu de danseuses qui savent jouer ».
Les numéros sont réglés par le chorégraphe de Hofesh, qui joue son propre rôle, avec sa troupe. D’où certaines scènes de comédie parfois un peu justes, le Medhi est tout de même assez transparent, on ne croit pas trop à cette histoire. Hofesh signe aussi la musique avec Thomas Bangalter, une moitié des Daft Punk. Ainsi passe-t-on de Bach et Monteverdi à de l’électro, musique ethnique, du classique et du très contemporain.
Un bon Klapisch, différent, dont on regrette tout de même les ressorts dramatiques un peu rouillés.
** Le réalisateur a tourné en pleine pandémie, ce qui l'a fortement arrangé, puisqu'il avait à disposition les théâtres vacants, les salles de spectacles fermées, et les troupes de danse au repos forcé. Pas de souci de location ou de disponibilité !
couleur - 2h00 - format 1:1.85
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