« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens ». Cette phrase de Mitterrand colle si bien à l’histoire de Marc Bolan. Histoire où, le plus souvent, le mythe côtoie la réalité. Marc Bolan n’a jamais été aussi adulé que quand il apparaissait dans son costume d’apollon glam, sa flamboyante beauté masquant sa véritable personnalité artistique. « Ride a white swan » était le titre qui le révéla au public, c’est aussi le signal de son déclin, le fardeau qui l’empêchera de monter vers les mêmes sommets que Dylan et Morrison.
Si la fausse biographie « In the east of your heads » est aussi bonne, c’est parce qu’elle montre bien ce déchirement entre le besoin de reconnaissance et l’envie de construire une œuvre durable.
« Je suis sérieux au sujet de la musique, mais je ne suis pas sérieux au sujet de la fantaisie. Ce n’est pas grave de passer à la télévision ! » Voilà comment Bolan résumait cette schizophrénie commune à tous artistes, qui rejettent la gloire alors qu’ils viennent de l’obtenir au terme d’années de combat.
C’est que le public avait vite fait de l’enfermer dans sa petite case de héros sulfureux, leader d’une génération de musiciens androgynes, et tisseur de mélodies légères. Les vieux, eux, reconnurent seulement dans ses riffs le lointain écho du rock le plus pur, celui de Cochran, qui fascine tant le jeune Bolan.
La musique, elle aussi, reflétait le personnage avec une fidélité touchante, la naïveté revigorante du blues y côtoyait le lyrisme grave inspiré par ses lectures des grands poètes anglais. Pygmalion autant que groupie, Tony Visconti n’a jamais caché son admiration pour ce jeune rêveur rock, qui l’incita à quitter Bowie pour se consacrer entièrement à son nouveau protégé.
On le retrouvera aux manettes de « Electric warrior », sommet rock classieux, où celui qui n’était qu’un barde mystique donne ses lettres de noblesse à l’électricité. On regrettera encore que le public, acquis à un rock de plus en plus basique, retienne avant tout les riffs viscéraux de « Jeepster » et autres « Get it on » plutôt que la poésie musicale de « Mambo sun » et « Life’s a gaz ».
Plus encore que ce disque flamboyant, « The slider » restera le plus grand chef d’œuvre de celui qui mixa fantastique et rock’n’roll avec bien plus d’énergie que les pompeux héros psychédéliques. L’électricité est ici célébrée avec force, les riffs marquant le rythme avec la précision d’un Chuck Berry glam.
« Telegram sam », « Metal guru », « Rock on » et autres « Baby boomerang » représentent la face la plus primaire de Bolan, c’est le défouloir du gamin qui a vu son avenir dans un riff cochranien. Et puis le rocker ressort les violons, lançant ses histoires de « Rabbit fighter », « Mystic lady » et autres récits fantasmagoriques sur une mélodie plus rêveuse, sa voix envoûtante soutenant cette poésie surréaliste.
On n’a pas encore trouvé meilleur résumé de sa musique que sur les vers envoûtants de « Spaceboy ricochet » :
I'm just a man
I understand the wind
And all the things
That make the children cry
With my Les Paul
I know I'm small
But I enjoy living anyway
Book after book
I get hooked
Every time the writer
Talks me like a friend
Voilà ce qu’est la prose de Marc Bolan, l’expression d’une certaine insouciance infantile, à l’époque où celle-ci n’était pas dénaturée par une culture moderne juste bonne à transformer l’homme en gamin capricieux.
C’est la poésie musicale de tous ceux qui vont vers l’âge adulte en freinant des quatre fers, et cherchent une autre voie dans tout ce qui peut nourrir l’ « east » de leur tête, cet imaginaire qu’il faut sans cesse défendre contre les assauts du réel.
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