mardi 22 février 2022

SUBWAY de Luc Besson (1985) - par Pat Slade


Troisième chronique sur les films qui m’ont marqué et «Subway» fait partie de ceux-là.



Métro c’est trop !



Des films avec des scènes dans le métro ils en existent beaucoup, mais ceux où  l’action ne se passe que dans les couloirs du métropolitain, il y en  a peu. J’oserais citer «La Grosse Caisse» d’Alex Joffé en 1965 avec Bourvil et Paul Meurisse, mais nous sommes sur la ligne 5 station Quai de la Rapée, une station en extérieur. «Subway» fait partie de ces exceptions où l’intrigue se déroule dans le milieu clos, étouffant et oppressant des couloirs et des dessous de la RATP et où l’action reste confiner dans la lumière blafarde des néons. J’ai toujours aimé Luc Besson, ses films ont changé l’image du cinéma français. Que ce soit «Le Dernier Combat», «Le Grand Bleu», «Léon» ou «Nikita» (mon préféré !), nous n’avions jamais vu des films avec de tels scénarios dans le paysage cinématographique français. 

Un cinéma qui sortait d’une certaine léthargie, une nouvelle vague émerge, plus jeune, plus branchée que l’ancienne. L’influence de la publicité et du clip y sont pour quelque chose. Dans les années 60,  la nouvelle vague était représentée par Truffaut, Chabrol, Godard ou Resnais pour ne citer que ceux-là, pour les années 80, il faudra compter sur des Léo Carax, Jean-Jacques Beineix ou Luc Besson et ce dernier gardera une certaine aura auprès du public à l’inverse des deux autres. Il se fait connaitre avec «Le Dernier Combat» un film post-apocalyptique qui sort peu de temps après le succès de «Mad Max», tous ses synopsis de film sont empruntés au cinéma mondial, des gimmicks hérités du cinéma de Hong Kong, ou des polars comme «Nikita» ou «Léon», et même à l’imagerie des BD signées Bilal ou Moebius dans «Le Cinquième élément». Pourquoi évoquer «Subway» ? Parce qu’il contient déjà tout ce qui impressionne dans le cinéma de Besson, l’énergie, le coté rock’n’roll, l'atmosphère pesante. 

C.Lambert
Les rôles : Pour Fred le blond peroxydé, les noms de Sting et de François Cluzet furent avancés avant que Besson ne rencontre Christophe Lambert, un inconnu du grand public qui venait d’achever le tournage de «Greystoke, la légende de Tarzan» qui n’était pas encore sorti. Pour Héléna le réalisateur aurait bien vu Charlotte Rampling, mais l’actrice anglaise insistera pour que Jean-Michel Jarre, son compagnon de l’époque compose la musique. Heureusement, Luc Besson reste fidèle à son compositeur de prédilection, Eric Serra. Il propose alors le rôle à Isabelle Adjani avec qui il avait tourné le clip du morceau de Serge Gainsbourg «Pull marine».  

J.Reno
Le rôle du roller est initialement prévu pour Richard Anconina et ce sera finalement Jean-Hugues Anglade qui sera retenu, il avait le même agent qu’Isabelle Adjani. Les autres rôles seront distribués après des rencontres sur d’autres tournages comme Michel Galabru, Jean-Pierre Bacri et le chanteur Arthur Simms. Pour le rôle du mari d’Héléna, Luc Besson engage Constantin Alexandrov un homme d'affaires d'origine russe qui avait en partie financé son premier film «Le Dernier Combat». Et puis il y a le batteur tenu par Jean Reno, un rôle avec à peine dix mots de dialogue, il ne fait que jouer avec ses baguettes pratiquement tout le long du film, le réalisateur a toujours eu tendance à être avare pour faire parler Léon dans ses longs métrages. «Subway» est presque un huis-clos, il y a très peu de scènes en extérieur, une seule exactement : la poursuite en voiture au début du film. Un scénario assez minimaliste qui ne sert pas à grand-chose, toute la narration étant portée par l’action et le visuel. Mais l’intrigue reste intéressante car très nouvelle et inattendue.

C.Lambert - I.Adjani
On se souvient bien des trois lignes qui introduisent le film, une phrase de Socrate (To be is to do), une phrase de Sartre (To do is to be) et une phrase de Sinatra (Do be do be do), ce qui relie bien les côtés créatif et musical. Un film que l’on pourrait résumer en disant qu’un certain Fred se réfugie dans les bas-fonds du métro parisien après avoir dérobé des documents compromettants chez le riche mari de la belle Helena dont il est secrètement amoureux. Pourchassé à la fois par les flics et les sbires du mari, il va vite se mêler à une étrange faune souterraine. Le métro devient un repère, une nouvelle cour des miracles pour Fred qui est un personnage adulte mais très ado dans sa tête presque naïf, il fait exploser des coffres justes pour s’amuser comme un gamin avec des pétards à mèche, avec ses désirs de monter un groupe de rock, ses réactions face à Héléna, il se déplace dans la vie comme s’il était dans un jeu.

M.Galabru
Des flics pas très malin comme Batman (J.P Bacri) et Robin (J.C Lecas), le premier courant dans les couloirs avec pour objectif d’attraper le roller et, chaque fois qu’il se fait avoir, pousse toujours la même insulte : «Merde !........Chier !». Il y a aussi le commissaire Gesberg (M.Galabru) un vieux flic râleur mais qui a roulé sa bosse, et qui en arrêtant le roller aura une réplique qui restera célèbre : «Police, menottes, prison !», elle sera reprise dans le film «Polisse» de Maïwenn en 2011.

La faune de «Subway» reste en tout point fascinante, il y a même un fleuriste magouilleur (R.Bohringer) qui peut te fournir en fringues. Isabelle Adjani est d'une beauté hypnotique. Elle sortait du tournage de «L’été Meurtrier» dans le rôle de l’épouse bourgeoise qui vire rebelle  La scène où elle insulte ses hôtes au cours d’un dîner mondain avec un look iroquois, reste assez marrante. Il est évident que ce n’est pas Jean-Hugues Anglade qui saute en roller au dessus de la voix du métro, c’était Thierry Penot le champion du monde de vitesse de la spécialité. Et il y a toujours des acteurs fétiches comme Jean Bouise qui tient le rôle du chef de station et qui joue les faux imbéciles. Pour l’anecdote, quand Richard Bohringer et Christophe Lambert braquent la rame du R.E.R, le conducteur n’est autre que Luc Besson lui-même.

«Subway» sera le premier film français à utiliser la Steadicam, un système stabilisateur pour avoir des vues plus fluides.  

A.Simms - E.Serra
 Puis il y a Eric Serra qui joue le rôle du bassiste (Evidemment !) du groupe. Le musicien va pondre une B.O considérablement rock. Le groupe dans le film était (presque) de vrai zicos, Jimmy Blanche le percussionniste, Arthur Simms le chanteur qui accompagnera Michel Jonasz, et Alain Guillard au sax qui comme Eric Serra sera l'un des compagnons de route de Jacques Higelin. Dans la dernière scène, Jean Reno était à la batterie mais c’était Amaury Blanchard qui a joué sur le disque. Les paroles du titre «Guns and People» ont été écrites par Corinne Marienneaul’ex. Bassiste de Téléphone et «It’s Only Mystery» par C. Marienneau, Jean-Louis Bertignac et Eric Serra. Le compositeur recevra une victoire de la meilleure musique de film en 1985 et l’album se vendra à 100.000 exemplaires. Un seul titre que l’on entend dans le film n’apparait pas sur le disque : «A Lucky Guy» un morceau de Ricky Lee Jones.

 «Subway» mon film de chevet avec Adjani en vamp (La vamp de chevet !), les bénéfices serviront à nourrir les dauphins dans son film suivant. La route sera pavée d’or jusqu’en 1997 avec «Le Cinquième Élément» avant se ce perdre dans un conglomérat de films ou il laissera de coté l’audace de ses débuts (Hormis peut-être avec «Lucy»).

Un film avec de l’action, des décors que tous les parisiens connaissent, du rock, de l’amour, de l’humour, le tout additionné et vous passez un bon moment. Avec «Subway», t'as le ticket chic, t'as le ticket choc !                                                                        




2 commentaires:

  1. Oh yes! Je crois que je le connais par cœur ce film!
    C'est là que je découvre Bacri ("Tu fais chier là, c'est vrai tu fais chier là...").
    Rien à jeter, j'sais pas à quoi il carburait Besson à cette époque...il aurait jamais dû arrêter...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. tout a fait d'accord avec toi, Besson était dans son âge d'or, "Subway" comme "Nikita" restes mes préférés alors que "le grand bleu" me laisse de marbre !

      Supprimer