mardi 11 janvier 2022

PAUL SIMON - GRACELAND (1986) - par Pat Slade



Ah ! Un album que je souhaitais chroniquer depuis longtemps (3 ans exactement !)



Quand la musique s’empara de l’Apartheid




Miriam Makeba - Paul Simon
Dans les années 80, le public en général et le rock en particulier va se passionner pour l’Afrique du Sud, le combat contre l’Apartheid, et surtout pour le charismatique   Nelson Mandela. L’ex-moitié du duo Simon and Garfunkel digère mal le flop de son dernier album «Hearts and bones». Alors que la musique s’empare des vibrations sud-africaines, des artistes comme le regretté Johnny Clegg, Miriam Makeba ou Sipho Mchunu et beaucoup d’autres deviennent très présents  sur le marché européen. 
  

«Graceland» est considéré comme le premier album de world music, Paul Simon est un compositeur éclectique et a toujours su intégrer à sa musique des influences étrangères. Il se rendra directement sur place pour auditionner des groupes locaux, bravant l’embargo culturel imposé par les pays occidentaux en réaction à l’apartheid. Il ira jusqu'à faire venir des musiciens sud-africains à New-York ainsi qu’un groupe vocal : General MD Shirinda & The Gaza Sisters (groupe de chant traditionnel Shangaa, une polyphonie qui repose sur des chants alternés hommes femmes). Le Shangaa est un chant traditionnel du Lesotho.


En raison de la politique de l’apartheid et du régime autoritaire,  nationaliste et ségrégationniste de P.W Botha, l’enregistrement sur place ne durera qu’une quinzaine de jours, les paroles ne seront écrites qu’après.


Comme à son habitude, Paul Simon invite toujours des guest-stars sur ses albums et celui la ne dérogera pas à la règle. Les Everly Brothers, Linda Ronstadt, Los Lobos et dans les zicos, on retrouve le batteur Steve Gadd qui fera sept albums avec lui et le guitariste Adrian Belew un habitué de King Crimson et qui participera avec de multiples artistes de renom. Le mélange de rythmes de la langue anglais/zoulou donne le signal de départ de la world music. Et dès le premier titre «The boy in the bubble», avec son accordéon en intro et en rythmique, nous met dans le bain. «Graceland» Rien à voir avec l’Afrique du Sud, Paul Simon y raconte un voyage avec son fils en direction de Graceland la résidence d’Elvis Presley.   

Retour en Afrique avec «I Know What I Know» avec ce chœur féminin «sautillant». «Gumboots» Le gumboots dancing ou danse en bottes de caoutchouc. En général, les danseurs portent tous ce type de botte et effectuent une chorégraphie sur un rythme de percussion et de chants. Cette danse trouve son origine au début du xxe siècle, durant l’Apartheid auprès des mineurs noirs qui travaillaient dans les mines d'or de l'Afrique du Sud. «Diamond On The Soles Of Her Shoes», une intro en zoulou avec les voix du chœur masculin sud-africain Ladysmith Black Mambazo. Youssou N’Dour apparait dans les percussions. «You Can Call Me Al» Le hit de l’album qui se classera n°4 au Royaume-Uni, un titre empli de cuivre et un super riff de basse de Bakithi Kumalo. Un morceau qui a été indirectement inspiré à Paul Simon par le compositeur Pierre Boulez. «Under African Skies» on reste sur le même tempo avec ce titre chanté en duo avec Linda Ronstadt.



«Homeless », une chanson entièrement à cappella avec Paul Simon et le chœur Ladysmith Black Mambazo. La musique vient d’un air de mariage traditionnel zoulou. Pourquoi «Homeless» (sans-abri) ? L'expression est similaire aux mots qu'une personne zoulou utilise lorsqu'elle fait sa demande en mariage. «Crazy Love Vol II» Une musique lumineuse avec ses guitares cristallines, mais je ne comprends pas un traitre mot des paroles. «That Was Your Mother», un retour en Louisiane ou le chanteur raconte à son fils comment il a rencontré sa mère dans la ville de Lafayette. Un genre de rock cajun avec l’accordéon qui va avec. «All Around the World or the Myth of Fingerprints», on finit sur les bords de l’océan indien avec ce titre très rythmé.

«Graceland». Alors que l'apartheid battait son plein, l’album fût considéré comme politiquement incorrect. Paul Simon fut notamment accusé de briser le boycott du régime ségrégationniste de Botha. Pourtant l’album ne prend aucune part idéologique à la différence de Peter Gabriel et son titre «Biko» ou Johnny Clegg un an plus tard. L’ONU reconnaitra que l’album n’apportait pas d’eau au moulin au gouvernement Sud-Africain et que le fait que Paul Simon ait été au devant des musiciens sud-africains était en quelques sortes une prise de position contre l’Apartheid. Il y aura quelques polémiques mais l’album n’en souffrira pas. Il se classera n°1 en Grande-Bretagne et recevra le Grammy Award de l’album de l’année.

L’Apartheid sera aboli en 1991 mais le pays de nos jours est toujours en équilibre instable que ce soit économiquement et politiquement.     




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire