Sonia rentre de shopping : elle s’est achetée un joli manteau rose chez Naf
Naf. Elle chantonne en se regardant dans la grande psyché de son
séjour :
- Ah𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮, je riiiiiiiiis𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮 de me voir𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮 si roooooose𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮 en ce miroir𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮… (pastiche du célèbre air de Marguerite dans le Faust de Gounod)
Nema lui balance :
- Arrête de couiner comme un porcelet ou de barrir comme un éléphant ! Ce
n’est pas parce que tu es toute rose qu’il faut te prendre pour une
diva.
- OK, OK, mais je ne ressemble pas du tout à Naf-Naf (ni à Nif-Nif ou à
Nouf-Nouf d’ailleurs) et les éléphants roses, franchement Nema, faudrait
arrêter de te shooter à la colle à béton…
Maman et bébé (Afrique) |
Mais si, un éléphant rose de nos jours c’est possible. Non, je ne vous
balade pas. Je ne me le permettrai pas, cher lecteur. Alors voilà
l’histoire…
Partons à Zurich. C’est la ville du chocolat Lindt ; il s’y trouve
également un Zoo avec des éléphants ; mais il n’y a aucun lien entre les
deux, et la consommation de chocolat par les éléphants ou par les humains
n’est pas le sujet du roman qui nous intéresse aujourd’hui. Le fil
conducteur de ce roman, ce sont les éléphants et non le chocolat. Sinon,
l’auteur aurait écrit tout autre chose intitulé "chocolat" et non pas
"éléphant".
À Zurich, comme malheureusement partout, il y a des sans-abri.
Schoch est l’un d’eux. Même s’il semble avoir une histoire un peu
différente et qu’il se tient très à l’écart des autres, il vit avec son sac
à dos, ses petites combines pour avoir un café le matin, un lieu pour la
journée quand il pleut, un coin bien caché pour la nuit. Il faut parfois
trouver refuge le long du fleuve, mais attention, c’est un fleuve méchant et
on s’y noie facilement. On partage les bières quand on peut s’en acheter
avec la petite indemnité que l’on touche. On se croise, on se connaît de
vue. Bolle a une bonne descente, ce borgne à la langue bien pendue
qui tente en vain d’arracher une sorte de conversation à Schoch. Et
puis il y a Lilly, l’ex-copine d’un junkie mort d’overdose et qui
zone avec Georgio et un autre gars. Ces deux-là ont des chiens. Ils y
tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Alors pour éviter de se les
faire confisquer, ils les font vacciner et suivre en allant dans une
clinique vétérinaire pas comme les autres : la
Clinique de la Rue où œuvre
bénévolement Valérie Sommer, la véto au grand cœur.
Zurich et son fleuve trompeur |
Savez-vous ce qu’est un oozie ? C’est quelqu’un capable de parler aux
éléphants. Le cirque Pelligrini a la chance d’en avoir un : un
réfugié birman, Kaung, qui s’occupe avec beaucoup de talent et de
vénération des éléphants. Ce petit cirque a bien du mal à boucler ses fins
de mois, alors quand il s’agit de "prêter" contre rémunération une
éléphante à un scientifique pour en faire une mère porteuse, le patron du
cirque n’hésite pas. Peu importe qu’il s’agisse de contribuer à des
expériences sur des modifications génétiques. D’ailleurs toutes ces
modifications peuvent parfois être bénéfiques comme par exemple pour
permettre aux éléphants d’Asie de mieux résister à l’herpès… C’est ainsi
qu’à la demande du Dr Roux, généticien chercheur et fondateur de
Gentecsa, l’éléphante Asha attendra un éléphanteau. La
gestation sera suivie par le vétérinaire du cirque, le Dr Reber,
avec l’aide de Kaung. Reber adore les animaux. Pas forcément
les manipulations génétiques. Il y aura une naissance. Surprenante. Je
vous rassure la maman éléphant se porte très bien.
Evidemment, tout ne se passe pas comme l’aurait voulu le Dr Roux. L’éléphanteau a-t-il vécu ? où est-il passé ? Il n’est pas au cirque quand le Dr Roux demande de ses nouvelles. Est-il mort et son petit corps a-t-il été incinéré ? Auquel cas tout est perdu car il n’y a plus moyen de faire des études sur ce que la modification génétique a pu apporter. Il comptait au moins pouvoir étudier le bébé éléphant avorté en cas d’échec. Un bébé qui aurait dû être tout rose et luminescent. Roux a besoin d’argent pour faire d’autres inséminations artificielles. Il travaille sur un champ de recherches déjà exploré par les Chinois : les "glowing animals" ! (Comme par exemple des lapins bleus ou des singes verts phosphorescents…). Grâce à des relations avec la Chinese Genetic Company de Pékin, il sera épaulé par le sérieux et pointilleux Tseng Tian pour retrouver trace de l’éléphanteau et si possible le récupérer.
Martin Suter et son petit cochon rose |
Schoch
et Valérie Sommer d’un côté, et le cirque Pelligrini avec son oozie et son vétérinaire attitré, le Dr Roux
et ses recherches de l’autre ? Le lien entre les deux, vous n’allez pas
me croire : c’est à cause du lait pour les bébés éléphants. On ne donne
pas n’importe quoi à un bébé éléphant et bien sûr, comme pour les bébés
humains rien ne vaut un lait maternel. Mais sachez que pour traire une
éléphante, il faut qu’en même temps un petit soit en train de téter… Je
n’en dirai pas plus.
Très originale histoire que nous livre
Martin Suter ! Un savoureux
mélange de vie des animaux en captivité, de science pas si fiction que
cela, de sociologie contemporaine avec la dynamique d’un enlèvement et une
course poursuite style gangsters à cols blancs.
Martin Suter
est né en 1948 à Zurich. Cet écrivain Suisse a écrit de nombreux
romans traduits notamment en français. Certains de ses romans ont
donné lieu à adaptation au cinéma comme par exemple "Lila, Lila" devenu "Un homme idéal" réalisé par
Yann Gozlan avec Pierre Niney
en 2015.
Bonne lecture !
Christian Bourgeois Editeur
354 pages
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire