mercredi 15 décembre 2021

ROBERT JON & The Wreck "Shine A Light On Me Brother" (2021), by Bruno



     Robert Jon & The Wreck
est un sérieux combo mettant à l'œuvre toutes ses forces afin de pérenniser le Rock sudiste. Encore un ? Oui, effectivement, ce Rock dit "sudiste" a actuellement le vent en poupe au pays de l'oncle Sam. Toutefois, à la différence de nombre de ses congénères qui ont souvent le pied lourd sur la pédale d'overdrive ou de Fuzz, celui-ci, en tempérant l'ardeur de ses guitares et en laissant vaquer librement piano ou orgue, retrouve peu ou prou une tonalité affiliée aux années 70. Cela dit, rappelons au passage que de l'avis même des frères Allman, le terme de "Southern Rock" était un pléonasme, sachant que pour eux, le Rock venait des états du Sud des USA. Tout comme le Blues et le Jazz.


   Bref, ce joyeux groupe mené par Robert Jon Burrison s'évertue depuis quelques années déjà à faire vivre ce Southern-rock. Dans une certaine tradition mais sans se complaire dans la redite ou la copie. Tant bien même le combo est Californien, originaire d'Orange County (là où l'on mélange télé-réalité et confection de magnifiques Choppers). Depuis ses débuts discographiques, il émane de cette troupe une probité et une fraîcheur bienvenues ; quelque chose de foncièrement organique, humain, exempt de tricherie. Ce qui en fait l'un des groupes du genre parmi les plus sympathiques et attachants. Néanmoins, tous ses albums ne sont pas du même tonneau. 
Mais chacun contient quelques pépites. Cependant, le départ de leur premier lead guitariste semble avoir été une épreuve. Kristopher Butcher était un excellent musicien qui apportait du mordant et de la densité au groupe. Il a tout simplement participé aux meilleurs opus ; à savoir "Glory Bound" et "Good Life Pie" (1). Avec ce gaucher amateur de Gibson Firebird, ça partait parfois dans de bien chaudes vibrations typées 70's, avec quelques envolées consistantes proches des moments de génie de jam band. De quoi faire de l'ombre au meilleur des Black Crowes et de Gov't Mule. En espérant que ce gars refasse un jour parler de lui.

     Le remplacement par Henry James Schneekluth a donné de prime abord quelques sueurs froides. L'album "Take Me Higher", en dépit tout de même de quelques très bonnes chansons, donne la sensation d'un groupe qui se cherche, hésitant entre un Heavy-rock carré et des choses plus en lien avec la Country. Et puis, malgré ses indéniables compétences - pas un manchot le James - ce nouveau venu ne parvenait pas à faire oublier le regretté Butcher. Pourtant, James avait été auparavant rodé par une tournée ; ce qu'atteste le très bon "Live in Hawaii" où il se révèle d'ailleurs bien plus fougueux et intense qu'en studio. Pour le coup, l'avenir de Robert et ses épaves semblait compromis. Et puis, l'année suivante débarque un remarqué "Last Light On the Highway" qui a été salué - à juste titre - par la critique. Bien qu'aucun album ne se ressemble vraiment, celui-ci se différencie de ses prédécesseurs par son penchant plus posé, plus calme. On a limité les watts, ainsi que tout effort physique inconsidéré, et on est allé se ressourcer à la campagne, tournant le regard vers des cieux étoilés et les pensées vers l'introspection. Pas trop quand même. Robert Jon & The Wreck a choisi d'emprunter une route parallèle, bien moins bordée de grosses guitares. C'est une franche réussite qui a séduit un plus large public et qui lui a permis de rebondir de plus belle.


  Depuis 2015, Robert Jon et sa troupe ne dérogent pas à la règle d'un album tous les ans - même lors de l'année de transition qui a été comblée par un live. Ils sont encore jeunes et plein d'énergie, et visiblement bien décidés à gravir les échelons, à gagner leur place parmi les groupes de Rock dont on parle. Et il se pourrait bien que le petit dernier, "Shine a Light On Me Brother", ait réussi son coup. Car il pète le feu. 

     Ce dernier essai opère un sérieux tournant, amenant la troupe à pénétrer plus profondément qu'auparavant vers de chaudes sonorités copieusement imbibées de Soul et de Rhythm'n'blues. Cela tout en délivrant une musique plus serrée, plus compacte et en même temps un poil plus festive. Un engouement exacerbé par des cuivres et des chœurs chaleureux. Notons que parmi les choristes, on retrouve Mahalia Barnes, la petite protégée de Bonamassa (et fille de Jimmy), qui se distingue aisément parmi ses consœurs (quel dommage qu'elle ne se produise pas plus en solo). Ainsi que ses compatriotes Juanita Tippins et Prinnie Stevens. L'apport de ce trio de talentueuses choristes est assez déterminant. Il renforce les liens avec la Soul et le Rhythm'n'blues, et greffe aussi des ailes au groupe, ce qui lui permet d'atteindre quelques hauts sommets.

     Henry James se lâche un peu plus qu'auparavant, en forçant rarement sur le volume, préférant fusionner alors avec la troupe dans une explosion de joie. Le grain de sa guitare a pris un peu de gras, refourguant un peu de densité à la musique.


   Gonflée à bloc, la troupe entame les festivités avec la chanson éponyme, premier single de l'album, énergique en diable et véritable souffle de rhythm'n'blues torride, invitant la danse, ou à gigoter comme un demeuré. La rencontre des Blues Brothers avec les Allman Brothers. "Everyday" fait un peu redescendre la température, mais garde un tempo marqué et enlevé. Cette fois-ci grâce au piano de Steve Maggiora, qui n'est pas sans évoquer celui de feu-Leon Russell. Ce morceau évoquant le bon temps passé entre potos, sent bon les chaudes soirées de New Orleans, où les manifestations de bonne humeur se mêlent à la musique ; particulièrement sur le dernier et long mouvement aux allures de fiesta, emporté par ce terrible trinôme Aussie.

   "Ain't No Young Love Song" retourne sur un terrain plus classique, voire radiophonique - en terme américain. Quelque chose qui n'aurait pas déplu à Bruce Springsteen. "Chicago" invite à nouveau les cuivres, offrant une saveur Soul ; un écrin pour le chant expressif de Robert Jon qui conte un chagrin d'amour comme s'il s'agissait d'une difficile expérience personnelle.

   La ballade quasi acoustique - James reste fidèle à son électrique, et l'a fait ici pleurer avec son bottleneck -, "Hurricane", est un tapis soyeux sur lequel Robert Jon n'a plus qu'à poser sa voix de "velours-éraillé", coincé entre une Soul âpre et robuste et un franc Blues-rock, pour dérouler, sans excès, sans pathos, ses tumultueuses histoires d'amour, de passions contrariées. "Desert Sun", initialement une pièce acoustique d'Henry James, a été électrisée par le groupe qui l'a plongée dans un Country-rock à l'orchestration assez conventionnelle ; seules les paroles ont été épargnées. Il était épineux de toucher à ce déballage où le guitariste se livre à nu, en narrant l'histoire d'un amour à sens unique, voué à l'échec, laissant de profondes cicatrices. "Movin'" revient sur de saines sensations Rock'n'roll ; un instant magique, médium des grandes formations de Rock des 70's, qui mélangeaient sans complexes la Soul et le Rock avec l'énergie et l'insouciance d'une jeunesse optimiste, confiante en l'avenir d'un monde meilleur, moins mercantile et plus tolérant.

   De ses notes aérées, le piano de Maggiora transporte "Anna Maria" vers un Southern-rock mélancolique et tempéré, porteur de quelques rémanences de Lynyrd Skynyrd, tandis que derrière, le batteur et les chants paraissent laisser s'exprimer d'hypothétiques racines irlandaises. "Brother" prend une tonalité plus sombre. Ce qu'impose le sujet traitant des problèmes de santé mentale. Un sujet naissant d'une expérience douloureuse avec des proches. La troupe clôture le chapitre, comme elle l'a commencé, sur un ton nettement festif et entraînant, au tempo allegro. "Radio" est telle une catharsis effaçant des mémoires les sombres et obsédants souvenirs (la chanson précédente). Un terme pareil à celui d'un concert, avec bouquet final où chacun, à la fois exalté et fourbu, dérape un peu.

    Est-ce que, mine de rien, Robert Jon & The Wreck contribuerait à redorer les lettres de noblesse du southern-rock ? Certains le pensent sérieusement, allant jusqu'à le considérer comme le seul digne remplaçant des Allman Brothers. Peut-être un peu exagéré. Cependant, il est probable que ce "Shine a Light On Me Brother" se place, dans sa catégorie, parmi les meilleures productions de l'année.



(1) La réédition de "Good Life Pie" a été révisée. Initialement, elle présentait une jeune femme à la poitrine généreuse, arborant un mini-short en jeans (des plus classique dans le Southern-rock) et un tee-shirt crop top blanc XXS, laissant le bas des seins prendre l'air. Dorénavant, la donzelle a mis un jean et un tee-shirt noir rentré dans le futal. Et pendant ce temps, "Scream Dream" et "Balls of Fire", par exemple, présentent toujours des olibrius quasi à poil.


🎶🚙

8 commentaires:

  1. Voui, très belle surprise que ce combo californien. Très varié, pétant le feu comme le dit la chronique. Cet album est l'un des plus rafraichissants sortis cette année. Youtube m'a permis de voir le talent de ces zicos sur Scène. Ça vaut le détour, ils sont excellents.

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    1. Effectivement, une bonne réputation scénique les précède. Ils adaptent d'ailleurs leurs chansons en fonction, donnant alors bien plus d'espace aux instruments. En particulier au guitares (évidemment). La filiation "Allman" qu'avance certains y est alors plus claire. On pourrait alors aussi mentionner les Lynyrd d'avant le crash, avec de la fuzz dans les grattes. Ils sont très potes avec les Rival Sons.
      Dès leurs débuts, leur comté les avait élu comme l'un des meilleurs groupes live.

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  2. Confirmation, album très agréable. Le deuxième titre en vidéo renvoie un peu au "Feelin' alright" de Joe Cocker (tu cites Léon Russell...) mais avec la voix de Phil Collins ! Le chant est sans doute le point faible, je n'entends pas d'identité vocale particulière.

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    1. Phil Collins ? Phil Collins !!?! Quoi Phil Collins ? ... ? ... 😕
      Mais, effectivement tu as raison. 😮 Sur d'autres chansons aussi, d'ailleurs. M'enfin. En un peu mieux tout de même.
      Si sa voix n'a peut-être pas une identité particulière, elle véhicule néanmoins, à mon sens, quelque chose de sympathique et de chaleureux. Probablement plus décelable sur les morceaux plus enlevés ou au contraire plus doux, plus intimistes.

      Bingo pour "Feelin' Alright". A ce titre, l'atmosphère de certains morceaux de cet album m'évoquent des formations telles que le Grease Band, mais aussi Delaney & Bonnie, Vinegar Joe et Wet Willie.

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  3. Du coup, je suis allé écouté les albums précédents, y'a de bonnes choses, plus burnées que sur ce dernier opus. Ils se frottaient à des instrumentaux lorgnant vers "In Memory of Elizabeth Reed" si tu vois ce que je dire dire... hum... En fait, il me semble que les références aux Allman's se calment avec le temps (entrelacs de guitares, suite d'accords très ABB).

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    1. Oui, tout'aff. Toutefois, ils les retrouvent en concert.

      Question "burné", les premiers opus flirtent avec un savoureux Heavy-rock bluesy (70's). Ainsi, "Glory Bound" et "Good Life Pie", bien que d'apparence moins travaillés que ce dernier, me paraissent meilleurs.

      (Tiens, en parlant de "Good Life Pie", sa pochette a été récemment censurée. Enfin, "révisée" 😁)

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  4. Excellent groupe en effet, que j'ai eu la joie de voir en live à plusieures reprises en 2019 . Sur scène le guitariste se lâche et nous envoie de belles envolées de slide . Ce dernier disque est excellent mais je lui préfère "Lost on the highway " . Le morceau qui donne son titre au cd est grand moment .

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    1. Avec le précédent qui m'avait une impression mitigée, c'est effectivement ce disque, "Lost on the Highway", qui m'a fait revenir vers eux - sur tes conseils.

      Si l'on s'en tient à leur "Live From Hawaii", le groupe paraît être sur scène dans son élément. Les morceaux changent, s'étirent, prennent leur temps. Bref, un vrai groupe de scène.

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