Dirt River Radio est un combo tout droit sorti des clubs de Melbourne. Une ville d'Australie déjà réputé en sérieux groupes de Rock, sans faux cols. En plus des Kylie Minogue et Tina Arena 😏. C'est là, dans la capitale australienne de la culture et des sports que Danger Alexander et Heath Brady, deux multi-instrumentistes et chanteurs, deux vieux copains, qui, à force de se croiser décident un jour de réunir leurs efforts.
Formé donc en 2007, Dirt River Radio réalise un premier opus auto-produit en 2009, "Beer Bottle Poetry". Une production qui reste encore aujourd'hui, limitée à l'Australie. Un bon disque de Country-rock, parfois bluesy, parfois tendance Pub-rock. Et puis plus rien jusqu'en 2012 où, grâce au label français Bad Reputation Records, une seconde galette "Come Back Romance, All Is Forgiven" est mise à la disposition de l'Europe. Trois longues années entre les deux disques, mais le temps fut bénéfique, car ce second jet dévoile un groupe mûr, maître de sa musique. Son savoureux mélange de Country-rock rustaud, de Folk viril élevé en fût d'eucalyptus a pris du corps, et est désormais bien arrosé de Rock sec et tendu.
Entre temps le quatuor embauche à plein temps un claviériste. Là où précédemment les claviers avaient généralement la saveur d'une pièce rapportée, désormais, avec le second disque, et bien plus encore avec le troisième, "Rock'n'Roll is my Girlfriend", ils font partie intégrante du groupe. Les compositions s'en ressentent. Sans être particulièrement dominants, ils étoffent la musique du groupe, l'extirpent de contrées arides et le projettent dans une atmosphère festive et conviviale. Une atmosphère où le groupe paraît partager sans retenu ses humeurs, ses joies et ses peines avec une chaleur non feinte. Plus que jamais, il émane de Dirt River Radio, une ambiance conviviale de pub d'habitués, amateurs de pression, de Rock et de gros Blues. Ca sent le bois patiné, le houblon, le cuir vieilli, le jeans élimé. Même si à l'évidence, ces lascars doivent apprécier la fréquentation assidue de quelques débits de boissons, il ne s'agit nullement d'une musique de soiffards 😁 Même si parfois... les chœurs, certes chaleureux, paraissent un tantinet alcoolisés. Certes, ça ne tangue pas comme une barque prise dans la tempête, mais c'est délivré avec une force plus proche de la clameur, d'un rugissement dans la joie, que dans un souci de mélodie (de quoi ?).
Il se passe quelque chose de magique, dès le premier mouvement, dès l'introduction de "Blackhearted". Un piano percussif, une guitare laconique couplée à un tremolo vintage (Fender Vibrolux ?), laissant résonner ses accords, une basse chantante (tel un pinson heureux de retrouver le printemps) et une voix rocailleuse et habitée contant une histoire. Comme si c'était celle de sa vie, ou un moment clef, chargé de sensations mêlant désabusement et espoir. "Quand tu sais qu'il n'y a rien à faire, quand tes jours sont comptés et que c'est à toi. Et tu sais qu'il est temps de quitter cette ville... Je t'attendais depuis si longtemps...". Et puis les percussions s'installent, martelant le rythme, jusqu'à l'accélérer dans une courte course effrénée. "Ce n'est pas comme si tu avais sauté par la fenêtre au milieu de la nuit. C'était juste si facile quand vous me laissiez seul" Avant de, essoufflée, se caler sur un tempo plus posé. "quand je t'entends au téléphone, c'est tout bon... pour toi." Puis, final sur un chapelet de notes au piano "Si j'étais resté, je ne t'aurais pas quitté... (?)" pendant qu'un larsen intervient, perçant les tympans. Comme si la guitare avait été négligemment posée, abandonnée, délaissée suite à une subite montée d'une douloureuse amertume.
Blues mid-tempo avec "New-York City" qui dépeint le désespoir d'un musicien déchiré entre un irrépressible désir de rejoindre la ville qui ne dort jamais, - eldorado où tout devient possible pour un groupe de Rock -, et celui de rester auprès de ses proches, de son foyer. Comme si New-York était une aguicheuse, une séductrice à laquelle il est difficile de refuser les avances, les promesses. Fantasme d'une possible réussite "... Je n'ai jamais dit que ce serait aisé de vivre avec un homme pris par le Rock'n'Roll. Alors si vous m'aimez, soutenez moi... J'ai vendu tout ce que je possédais sauf ma guitare en main. Chérie, épargne tout mon argent pour un gros jet... New-Yoorrk, ouvres tes bras ! New-Yoorrk, prends moi... Ici, tout ce dont j'ai besoin c'est d'être le chanteur de ce groupe de Rock'n'roll. Oui, je sais, c'est tout pour une chanson. J'espère que tu sais que je ne suis pas parti trop longtemps. Oui, oui, je sais... c'est juste une chanson".
Le Rock'n'roll pur et dur sommeille toujours au fond du cœur de tout groupe australien qui se respecte. Ainsi, Dirt River Radio reprend le tube mémorable de Stevie Wright, "Hard Road". A l'origine une composition du fameux duo Harry Vanda et George Young, par ailleurs anciens compagnons de route du même Wright du temps des Easybeats. Le chant se fait plus rude, nettement plus écorché, pas loin de Bon Scott et de Wright, pour donner une des meilleures versions de ce brûlot de Hard-rock'n'roll, longtemps mètre-étalon pour les Rose Tattoo, AC/DC, Buster Brown et autres The Angels. Rod Stewart, qui n'a pas les oreilles dans sa poche, reprend aussi le morceau à son compte sur l'album "Smiler".
"The Big One" fait un bond jusqu'au Royaume-Uni, en Irlande même, en retrouvant une verve et un lyrisme évoquant la fraîcheur et l'engouement de combos de la verte Erin. Comme si Blackwater Conspiracy jammait avec U2 et Ricky Warwick ? "Antique Store Girl" prend de robustes accents Country-rock, du style outlaws, empreint de quelques volutes celtiques "... puis elle me ment et me dit qu'elle aime ma cuisine..." - Bien plus John Mellecamp et Steve Earle que Rock aussie.
On dit les cieux anglais peu engageants, plutôt enclins à engendrer spleen et morosité, la pluie et l'humidité menaçant incessamment d'étreindre les corps. Ce que pourrait traduire "England Skies", un slow rhythm'n'blues appuyé, à l'arrache, manquant parfois de déraper par faute de guitares emportées par l'émotion, submergées par les regrets. Plus la complainte d'un pauvre hère, un adieu à un amour perdu, qu'une chanson. " ... " Tonight" suit à peu près le même registre, Moins brut de décoffrage, le morceau laisse le piano prendre l'avantage ; probablement tenter de contenir la verdeur des guitares. "Déchirez vos vêtements et envoyez moi un morceau... écrivez-moi des lettres que je ne lirais jamais. Juste, ne me dîtes pas au revoir. Quand vous partirez je pourrais déchirer mon cœur... une dernière chose avant de partir, je ne changerais jamais, je suis toujours en chemin pour un spectacle. Je sais bien ce que tu veux, j'essaye et j'essaye juste d'être pour toi "
Après ces instants de spleen, de doutes et de peines, "Fuck You - I Miss You" débarque avec sa dose de bonne humeur et d'énergie. Moment spécial de fin de soirée copieusement arrosée de litrons de bières, ressuscitant l'esprit foutraque et galvanisant de The Pogues. Avec "All the Good Girls", banjo, harmonica, guitares folks et électriques (cleans) s'entendent pour faire danser l'auditoire sur un pur Country aux semelles crottées.
Le groupe tire sa révérence sur une chanson crépusculaire mi-Blues, mi-Country. "Broken English Baby" à des parfums du Rolling Stones des "Exile on Main Street" et "Sticky Fingers", mélangés à d'autres, plus poussiéreux, de Waylon Jennings.
Finalement, il semblerait que Dirt River Radio ait le cœur aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, leurs tripes restant liées à leur Land Down Under. A savoir qu'après avoir vécu deux ans au Texas, à El Paso, Danger Alexander - chanteur, guitariste, harmoniciste, claviériste - a été effectivement profondément marqué par la musique américaine. Toutefois, malgré tout, il y a cette faconde typique aux antipodes. Cette façon de faire résonner les guitares, avec puissance et crument ; sans excès de distorsion, avec cette tonalité distinctive de guitares branchées en direct dans l'ampli (ou tout comme). Une production aussi(e) sobre, tranchante, dépourvue d'arrangements, d'overdubs, franchement ancrée dans un esprit authentiquement Rock. Moins rude et direct que son prédécesseur, "Rock'n'Roll is my Girlfriend" gagne par contre en émotion et en intensité.
Malgré un silence radio, Dirt River Radio n'a pas raccroché (du moins, jusqu'ne 2020). Le groupe s'est étoffé avec deux choristes, dont l'une d'elles occupe occasionnellement le devant de la scène. La formation continu bon an mal an un discret chemin. Deux albums supplémentaires ont été réalisés. Le dernier en 2019. Hélas, tous deux uniquement disponibles en digital. Ou alors en import, de la lointaine Australie.
A classer quelque part entre Beat Farmers, John Mellecamp, The Saints, Cold Chisel, Ricky Warwick, Steve Earle, Potliquors, The Pogues, Rolling Stones, Leroy Powell.
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