Ange, le groupe qui a fêté son demi-siècle au Trianon en janvier 2020
avant que la Covid ne prenne le haut de l’affiche. Je vais revenir 46 ans
en arrière pour parler de l'un de leurs chefs-d’œuvre.
LES FILS DE LUMIÈRE AU DELÀ DU DÉSIR
Le 31 janvier 2020, j’aurais du être au Trianon pour le concert des
cinquante ans de l’un des meilleurs groupes français, ou du moins l'un des
plus prolifiques grâce à sa longévité, «Célèbre à être passé inaperçu» comme le dit si bien
Christian Decamps, mais des circonstances
indépendante de ma volonté m'ont empêché de voir un concert que je ne
voulais louper pour rien au monde. Enfin de compte j’ai gardé ma place et
ronger mon frein dans mon coin. Pourtant bon sang !! Qu’est ce
j’aurais voulu y être !!! Mais bref ! Ce ne sera pas le premier
concert que je louperais. Mon plus grand regret restera celui de
Led Zeppelin en 1980 alors qu’il devait
passer à Paris et que j’avais mon billet en poche, toute la tournée sera
annulée suite au décès du batteur
John Bonham. Mais
Ange avant de parler concert, c’est
une carrière ponctuée d’albums (24 en studio et 14 live).
Antony Phillips
Dans le rock progressif, les histoires sur le moyen-âge sont
légions, pour prendre deux exemples parmi tant d’autre,
Anthony Phillips et
«The Geese and the Ghost» en 1977 et que j’avais chroniqué dans nos colonnes
(clic), «The Six Wives of Henry VIII» en 1973 ainsi que «The Myths and Legends of King Arthur and the Knights of the Round
Table» en 1975 du clavier Rick Wakeman
connu pour avoir joué avec le groupe
Yes. Ce mouvement musical que l’on
appellera le Médiéval rock dans les années 70 émergeait des mouvements
Electric folk et folk progressif. A l’heure actuelle, le groupe le
plus connu reste
Blackmore’s Night avec l’ex
«souriant» guitariste de
Deep Purple et sa dame. J’aurais pu
mettre Genesis dans la liste avec «Nursery Cryme» mais je trouve que leur univers est plus victorien que moyenâgeux.
Puisque la perfide Albion était prolifique dans le domaine, il se
fallait que la France réagisse. Toujours l’éternelle guéguerre entre
les deux pays comme le Crunch en rugby au moment du tournoi des six
nations, Ange va nous sauver de
l’invasion britannique. Fort du succès d’estime de leur second album
«Le Cimetière des Arlequins», le groupe belfortain va enfoncer le clou qui les rendra célèbre
Outre-manche.
Oyez, oyez, gentes dames, nobles seigneurs, damoiselles et damoiseaux,
sortez vos plus beau atours et que l’olifant soit sonné car seront
données moultes réjouissances en votre présence. Quel beau
langage !! Mais s’il fallait faire un saut dans le passé à l’époque
du film «Les Visiteurs», déjà nous ne comprendrions pas le langage des autochtones et avec
notre manière de nous exprimer, ces derniers nous prendraient pour des
hérétiques et nous finirions tout droit au bûcher de l’inquisition. Les
sieurs Decamps et frères, Brezovar, Haas et Jelsch
vont nous narrer l’histoire de Godevin des Alouettes qui vit avec sa
femme Céline et ses enfants. Nous sommes en 1358
en pleine guerre de cent ans sous le règne de Jean II le Bon. Godevin
est un "vilain" (paysan du Moyen-âge) qui souhaite s’émanciper. «Godevin le vilain» On commence avec une mélodie lente au violon avant un rythme
martelé et l’orgue Viscount de Francis au premier plan. «Les Longues Nuits d’Isaac» notre croquant part en quête de spiritualité et d’émancipation, il
rencontre Isaac l’alchimiste, il lui raconte sa misérable vie et
l’hermétiste lui enseignera une partie de ses connaissances. Brezovar
passe sur le devant de la scène avec un riff ravageur qui pour l’époque
était très hard. Entre des passages en douceur et des parties fortes, il
reste mon titre préféré de l’album.
«Si j’étais le Messie» les incantations du sorcier éclairent l’esprit de Godevin, de retour
dans son village, il parle à ses compagnons de misère et décide de fomenter une révolte pour qu’ils deviennent des hommes
libres.
Une musique démarrant sur la douceur de la flûte rythmée par quelques
frétillements de cymbales pour finir sur une envolée d'orgue.La révolte des vilains sera vite réprimée et les barons inviteront
Godevin au château pour connaitre son secret. Devant son refus, ils le
brûleront comme hérétique. Godevin mort, son âme spirituelle s’élèvera
pour rejoindre le cosmos. Il reviendra sur terre au XXVe siècle ou la
race humaine aura disparu. A ce stade de l’histoire on se retrouve
coincé entre Pétrarque et
Jules Verne.
«Ballade pour une Orgie» une
page médiévale qui trouve sa place comme un interlude dans l’histoire.
Nous ne sommes plus au Moyen-âge, mais sous Louis XV. Ambiance et
atmosphère douces, le mariage de la guitare classique et des claviers en
font un titre à l’alchimie parfaite. «Exode» Un morceau particulièrement brillant avec une ligne classique avec
l’attaque des synthés, des percussions et ensuite centré sur la guitare
acoustique et qui finira par un final rapide avec de furieux soli qui
finiront ce très bon morceau. «La Bataille du Sucre» Elle a vraiment eu lieu et sera mené par Napoléon Bonaparte en
1806 en faisant un blocus des produits venant d’Angleterre et
parmi eux, la canne à sucre. Dans ce titre nous sommes entre le futur et
le passé : «C’était en 2015 et Noël approchait et comme en 1515 les enfants
attendaient..» on se retrouve maintenant dans une ambiguïté temporelle coincé entre
François Villon (Même s’il était un contemporain de l’histoire ci-dessus) et H.G Wells. L'histoire de la
disparition totale du sucre et des conséquences que cela entraine. Un
morceau qui commence comme celle du rythme d’un orgue de barbarie, une
mélodie douce et triste avec la voix d’un enfant en pleine détresse de
son monde qui s’effondre, le titre ce termine par une longue phrase
musicale «La Colère des Dieux». «Fils de Lumière» le plus rock de l'album, avec un magistral crescendo des claviers et
guitares sur fond de roulements de batterie qui restera comme un des
grands moments de la carrière du groupe, la version live sur «Tome VI»
(clic)
est tout bonnement génial ! «Au-delà du Délire» le titre éponyme qui s’enchaine directement au précédent titre avec
un Brezovar à la mandoline. Une
première partie acoustique, toute en arpèges au rythme du tambourin et
une deuxième partie qui s'envole dans un duo de synthés et guitares de
plus de quatre minutes.
Ange 1995
Mais l’histoire de Godevin pourrait être racontée plus simplement,
plus rationnellement, Godevin fort de la connaissance d’Isaac va, en
ce révoltant, devenir une sorte d’idole. Invité au château
du baron, il va être le témoin d’une scène d’orgie.
La foudre va tomber et frapper le château qui
va brûler, accusé du drame provoqué par sa connaissance, il parvient
à s’échapper et entre dans l’ascenseur du temps c’est l’ «Exode» ; on se retrouve à la fin de notre ère «La Colère des Dieux» vient tout écraser, le soleil envoie des bactéries anéantir la race
humaine. Le «Fils de Lumière» c’est Godevin qui traverse le soleil pour revenir sur terre (Christian au moment de la répétition
de la tournée «Bivouac 74» ce casse
les talons lors d'un saut au travers un soleil au dessus de la
batterie pendant les répétitions), tous les animaux se présentent à lui un à un, c’est le renouveau de
la planète.
Dans la tournée d’adieu en 1995,
Christian faisait une
introduction : «Il réintègre la planète et devient le premier Noé sans eau, le roi
des animaux. Au-delà de son délire une biche lui fait l’amour
(l’image de la femme de Godevin, Céline), ensemble ils créent la nouvelle race. Ici dans l’univers on
appelle ça la race du peut-être, oui, peut-être..»
Ange signe ici un de ses
albums les plus aboutis. Il est essentiel dans l’image du rock progressif
français, notons le chant de
Christian qui ne surjoue pas ses propre
textes, il les vit ! «Au-delà du Délire» sera salué unanimement par la critique comme par le public. Même
si la technique de l’époque parait un peut désuète et mériterait une
remasterisation digne de ce nom. Il se vendra à plus de 100.000
exemplaires et se classera 11e dans les charts pendant 28
semaines.
L'édition française du magazine
Rolling Stone le classera 73e meilleur album de rock français.
La pochette recto-verso de
Philippe Huart est splendide et
l’encart intérieur de
Philippe Umbdenstock écrite en
caractère Old English est très beau.
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