mercredi 1 septembre 2021

SHAW DAVIS & The Black Ties "Tales From The West" (2018), by Bruno



     Hep ! Toi ! Oui, 👉 toi ! Je te sens esseulé, attristé. Tu sens un vide au fond de toi. Tu te languis des temps héroïques où Robin Trower de sa seule Stratocaster blanche, enflammait des stades entiers ? Des instants stratosphériques (blancs également) d'Uli Jon Roth périodes Scorpions et Electric Sun ? J'ai ce qu'il te faut... Shaw Davis et ses Cravates Noires ! Mais attention mon gars, c'est du chaud bouillant. Vas-y, goûte. Tu m'en diras des nouvelles. A consommer sans modération.  


 Pour sûr, le sieur Shaw Davis a scrupuleusement étudié le style et le son du grand Robin Trower. A croire qu'il a pris toute la discographie des années 70 de Trower pour établir ses propres tables de la Loi. A moins que cela ne soit que coïncidence... Cependant, si donc le style de Davis doit beaucoup à Trower, il n'en est aucunement un ersatz. Déjà parce que d'autres influences marquantes ne manquent de ressurgir, mais aussi parce que ses chansons et sa récente discographie démontrent qu'il travaille pour ne pas se laisser totalement enfermer dans un style précis. A ce titre, le dernier et troisième disque, sorti tout récemment, durcit le ton, épousant un Hard-rock plus rugueux et rigide. Shaw délaisse même parfois la Strato au profit d'une Gibson SG Junior (à un seul P90). 

     Forcément, le fantôme de Jimi Hendrix est présent, surtout en concert, où quelques uns de ses morceaux sont mis à l'honneur ("Crosstown Traffic", "Little Wing", Voodoo Child", Foxy Lady", "Hear my Train Comin'") - lors d'une interview, humblement, il dit travailler encore pour jouer certaines chansons du gaucher Apparemment, Shaw ne se satisfait pas d'une approximation. Aussi bonne soit elle.  Mais l'attaque des cordes et la vélocité sur des Blues-rock rapides laisse à penser que la musique de Stevie Ray Vaughan a été assez déterminante. Encore plus évident lorsque Davis réduit son taux d'overdrive et qu'il passe à un grain crunchy (il reprend aussi "Tell Me"). C'est un amateur de la célébrissime Tube Screamer d'Ibanez, la pédale qui a en partie sculptée le son de Stevie Ray. Ainsi, dans un même morceau, que cela soit une reprise ou un original, ces trois maîtres - Robin, Jimi, Stevie - peuvent surgir au détour d'un chorus, d'un gimmick, ou d'un solo. Doit-on préciser qu'avec les trois prophètes mentionnés comme "maîtres à penser", Davis se révèle être un fin et subtil utilisateur de wah-wah. Sa Stratocaster est ample et dotée d'une spatialisation savoureuse. Les notes s'envolent, et, par une réverbération céleste, ou emportées par un phaser crémeux, ou encore enrobées d'univibe , endossent une teinte séraphique.


   Amusant, mais même lorsqu'il s'attaque à des chansons emblématiques de Canned Heat, Johnny Cash (un savoureux "Folsom Prison Blues" délivré en Funk Hendrixien), Albert King, Albert Collins, ça sonne toujours comme une mixture des trois apôtres de la Stratocaster susnommés. Même le "Blue Jeans Blues" de ZZ-Top ressemble à une jam entre les barbus Texans et Trower. De même lorsqu'il inclut le break de "Dazed and Confused" (de Led Zep). 😉 A croire qu'il est tombé dedans lorsqu'il était petit. Mais ce qui est important, c'est que ce gus semble avoir le feu sacré. Le don de ne faire qu'un avec sa guitare, de savoir s'exprimer à travers elle. Et si sa technique paraît époustouflante, on n'a jamais l'impression qu'il se laisse aller à des démonstrations gratuites et stériles. Il renoue ainsi avec cet art de savoir étirer un solo sans lasser ou fatiguer l'auditeur (à une ou deux exceptions près). Il possède aussi cet art de savoir faire chanter une note, notamment en déployant de beaux bends vertigineux. Des bends apparentés à des plongées dans une psyché chatoyante, bariolée de lumineuses couleurs pourpres et ocres s'enlaçant dans une danse sans fin. 

     Shaw revendique aussi l'influence du Texan Eric Tessmer. Ainsi, ce serait après avoir assisté à l'un de ses concerts qu'il décida d'arrêter définitivement le base-ball pour se consacrer entièrement à la musique. Cependant, en dépit des maîtres de la Stratocaster sus-présentés, il est certain que le Blues pour le moins robuste et éruptif de Shaw Davis, conviendra bien plus aux amateurs de Hard-rock 70's et de Blues-rock US stéroïdé qu'aux puristes des douze-mesures. 


   Shaw Davis
ne pourrait pas avoir autant de liberté sans l'indéfectible support de sa section rythmique. Soit le bassiste Patrick Stevenson et l'ami d'enfance (pote depuis le primaire) et batteur Bobby Van Stone ; tous deux également choristes. Des gaillards qui savent allier le groove à la puissance, le funk au heavy-rock et au Blues. 

     Ce "Tales From the West" est le deuxième essai du power trio. En comparaison avec le premier opus, déjà fort réussi, il a pris du poil de la bête. Comme sous l'emprise d'une influence occulte. Peut-être que les sessions se seraient déroulées pendant la lune ascendante, jusqu'à son zénith, éclairant la nuit de ses rayons ternes et bleutés, troublant les esprits égarés et euphorisant les "enfants de la nuit". Ainsi, la reprise de Frank Zappa, "Willie The Pimp", prend ici quelques menus accents démoniaques ; le solo est une cérémonie vaudou au milieu d'un marais où même les alligators demeurent sur leurs gardes. Et que dire de la seconde reprise, "I Gotta Try You Girl" de Junior Kimbrough, qui respire le souffre à plein nez  - et sans d'autre effet qu'un léger écho dans la voix et une profonde et intermittente réverbe à la guitare. 


   Le versant Hard(-blues) est un peu plus cultivé qu'auparavant, donnant parfois même la sensation de quelques influences Grunge (Pearl Jam) et aussi carrément Heavy-rock, dans le genre Revival 70's. Ainsi, la chanson-titre évoque sans détours Rival Sons. Tandis que "Fire Inside" empoigne le Country-hill blues pour le badigeonner de Hard-rock 70's et de chœurs vindicatifs. Un peu comme si un jeune Nugent se mettait en tête de remonter Audioslave en s'emparant de la place de Morello. La chanson éponyme, après une introduction en forme de Gospel corrompue, a aussi malicieusement pioché dans le patrimoine d'Hendrix, et de Rival Sons. Le riff, lui, dégoulinant de fuzz sèche et épaisse, est résolument Hard. Tandis que sur le brûlant "Know Where You Been", c'est la Strato volcanique de Trower (ère 70's) qui vient mettre le feu aux broussailles, en s'inspirant de la seconde partie du fabuleux "Too Rolling Stone". Toutefois, cette fois-ci, Shaw se montre moins inspiré pour ses soli.

   L'addictif "Atomic Groove" joue à alterner les ambiances en passant cycliquement d'un rythme marqué à la "Treat or Right" à un plus trébuchant, légèrement psychédélique à la Hendrix et quelques instants typés Rival Sons. Hendrix encore, avec "Mamma Told Me", mais passé au travers d'un voile tissé de grunge, ou plutôt de celui de combos de Heavy-rock biberonnés au Blues et au Hard 70's, tels que Cry Of Love (avec Audley Freed) ou Burning Tree (avec Marc Ford). On pourrait tout aussi bien mentionner Frank Marino - autre disciple d'Hendrix - dont on retrouve la fougue et la vélocité.

   Un disque qui déborde de générosité, d'énergie, jusqu'au final "My Friend". Ballade Hendrixienne crépusculaire, implorant les cieux d'offrir un orage pour atténuer la torpeur des chaudes nuits d'été. Ballade progressant doucement en tension jusqu'à ce que la guitare crève les digues, laissant se déverser des torrents de wah-wah boueuse. Tandis qu'au loin, l'orage gronde. Mais l'atmosphère de la nuit reste lourde, moite.



🎶♻😈

4 commentaires:

  1. Chouette... ça fiche la pêche cet album et j'en ai besoin pour ce retour des alpages...
    Sympa la pochette en plus.
    Album disponible en totalité sur deezer ;o)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, une pochette qui échappe aux sempiternelles poses de "guitar-hero" en extase 😁 ; et qui d'ailleurs, généralement, n'augure aujourd'hui rien de particulièrement intéressant.

      Un peu surpris que la musique de Shaw Davis te touche 😉 . Dans ce cas, je te conseillerai de prêter une oreille à Robin Trower, notamment à l'album "Bridge of Sighs" (à partir de la chanson du même nom)

      (Haaa... la fraicheur et le bon air des alpages)

      Supprimer
    2. Je note la proposition... à écouter
      Toute les musiques imaginatives me touchent... Bon j'avoue préférer une symphonie de Mahler ou du Bach, etc., mais un peu de changement ne nuit pas 😉.

      Supprimer
    3. Parfois, d'aller voir (écouter) ailleurs, peut permettre de (re)découvrir avec un nouvel enthousiasme ses œuvres préférées.

      Question Bach, il est indéniable que nombre de ses compositions demeurent de magnifiques chefs-d'œuvre intemporels et incomparables. Qui ne peuvent certainement pas s'apprécier à travers les gadgets criards de téléphone portable.

      Supprimer