- Salut Claude… En vacances la miss Sonia, en général c'est à cette
heure que vous préparez en duo ton billet ?
- Oui Pat ! Encore partie dieu sait où avec Nema, elle m'a presque
harcelé avec ses histoires de bikinis, de naturisme, et patati et
patata…
- Mouais, j'entendais ça depuis mon burlingue, mort de rire ! Tiens
Schubert- Sawallisch dans les grandes messes chez Philips, pas EMI ?
- Bonne remarque, le maestro a en effet enregistré toute la musique
religieuse de Schubert chez EMI, mais plus tard, je préfère celle-ci.
- Intégrale… Intégrale… Il n'y en a que deux, par contre, distribution
vocale et la Staastkapelle de Dresde ! Bigre, la grande classe !!
- Oui, j'ai mis la photo de la jaquette de la réédition avec coffret et
livret complet, mais on trouve encore dans la collection
DUO…
Masque mortuaire de Schubert |
Pat a raison ! Dans les décennies 70-80, Wolfgang Sawallisch a enregistré la totalité des six messes et autres œuvres sacrées, de nos jours un coffret les réunit en 11 CD, une intégrale avec l'Orchestre De la Radiodiffusion Bavaroise et de bons chanteurs également. Mais avec ces deux premiers LPs (la messe N°6 plus la N°5 en la bémol majeur D 678 de 1822) gravés en 1972, on atteint des sommets de spiritualité, d'autant que Schubert n'était pas a priori un fan assidu de l'Église catholique, et cela au point de modifier le Credo pour marquer cette distance !? Mais le miracle Schubert pour reprendre l'expression de Max-Paul Fouchet est de transcender tous les genres qu'il a abordés, surtout pour cette partition D950 composée en fin de vie.
Doit-on considérer cette messe comme une œuvre secondaire tardive dans le parcours de l'agnostique Schubert ? Bon, ok, Schubert est le père des quatuors, sonates pour piano, quintettes, trio et lieder parmi les plus légendaires de l'histoire de la musique, toutes époques confondues, sans compter les symphonies 8 "Inachevée" et la 9 dite "la Grande". Pourtant d'aucun prétendent à juste titre que ces deux messes ont vraisemblablement influencé la messe en Fa de Bruckner, une partition qui marquait le début d'une carrière incomparable de symphoniste à la complexe polyphonie et au romantisme mystique sans guère de concurrents au XIXème siècle. L'article de taille démesurée publié il y a quelques mois (le plus long de ma carrière dans le blog) montre à quel point la musique religieuse peut donner des ailes (d'ange) aux compositeurs qu'ils soient distants avec les encensoirs comme Schubert ou Beethoven ou inversement un tantinet bigot comme l'était Bruckner.
Wolfgang Sawallisch vers 1975 |
Puisque je parle de
Beethoven, un autre article paru peu de temps avant celui consacré à la messe de
Bruckner
encensait une interprétation sidérale d'Otto Klemperer des années 50 et en live de la
Missa Solemnis
de l'auteur de l'ode à la joie, là encore un ouvrage tardif et démesuré, une forme d'oratorio de
l'ordinaire de la messe résumant tout l'art du maître et toutes les
inventions que la musique lui devait… Il est devenu d'usage par
association, tant sur le plan musicologique que sur le plan de
l'émotion, de surnommer les trois
œuvres de "Missa Solemnis". Je vous
rassure, l'article du jour ne sera pas un pensum,
Schubert
ayant préféré une bouleversante unicité dans l'écriture qu'une
inventivité un peu factice pour faire plaisir aux paroissiens mélomanes…
Pour un résumé bref de la biographie de
Schubert, voir la chronique consacrée au quintette "La truite" de 2012
(Clic). Sinon Wikipédia propose un panorama de la vie et de l'œuvre assez
complet et pertinent. En ce qui me concerne je reste fidèle à l'ouvrage
de taille biblique de Brigitte Massin chez Fayard.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Otto Erich Deutsch (1883-1967) |
En juillet 1828,
Schubert
termine-t-il la composition de sa
messe N°6
D950
ou une autre future messe N°7 ? Brigitte Massin s'interroge au
sujet de la proposition faite par le compositeur à l'éditeur Schott en février de fournir une messe achevée ?! Une autre source épistolaire
de juin confirme qu'il travaille d'arrache-pied sur cette messe. La 6 ou
la 7 ? Bof, question plutôt secondaire ; mais cette anecdote démontre
l'incroyable capacité de travail de
Schubert, même un pied dans la tombe car rongé par la syphilis. Elle sera créée
en octobre 1829, soit presque un an après sa mort. Il est vrai
que l'ambition de ce monument d'une heure aurait exigé un travail de
répétition bien difficile à satisfaire pendant l'automne
1828…
Le numéro de catalogue sera attribué à la partition bien plus tard,
puisque jusqu'à sa mort, le 19 novembre de la même année, seule une
centaine d'ouvrages de
Schubert
a été publiée officiellement. Le catalogue de
Otto Erich Deutsch remplaçant un fouillis de numéros d'opus ne
paraîtra qu'en 1951 dans sa première version et en
1978 dans une version plus définitive. À vrai dire, de temps à
autre, des corrections et ajouts ont encore lieu.
Si les milliers de personnes, dont
Schubert
en tête, accompagnent
Ludwig
van
à sa dernière demeure, témoignage de son immense popularité et célébrité,
Franz n'est guère connu que dans des milieux intellectuels restreints
grâce à ses lieder et sa musique de chambre, et encore… Et cela même s'il
a commencé à se faire une petite place dans le monde musical viennois
depuis 1823 en devenant membre d'honneur de la
Société musicale de Styrie à Graz
(Salieri
et
Beethoven
l'avaient précédé). Ses plus grands chefs-d'œuvre composés avant son
trépas à 31 ans ne seront jamais édités et exécutés de son vivant :
quatuor N°15
et le
quintette avec violoncelle
attendront leurs créations vers 1850, pareil pour l'imposante
9ème symphonie
que l'on entendra "allégée" seulement en 1839 sous la baguette de
Mendelssohn… (Merci à
Brahms
d'avoir fait exécuter tout ce qui était répertorié en 1897 à
l'occasion du centenaire de la naissance du compositeur.)
Hieronymus von Colloredo-Mansfeld (1732-1812) |
Schubert
et la foi catholique. Un sujet délicat à cerner ? Depuis la mort de
Bach, fervent chrétien, le siècle des lumières a changé la donne dans les
relations entre les intellectuels et notamment les musiciens, le Divin et
les Religions, surtout la Sainte Eglise Catholique et romaine… La révolution
française conjuguera l'athéisme et l'anticléricalisme jusque dans les excès
les plus sanglants. Il est incontestable que
Mozart,
Haydn
et
Beethoven
ne remettent pas en cause l'existence de Dieu (au sens large voire
extrahumain) de manière scientifique (comme on le fait au XXème
siècle, à tort comme l'a démontré Gödel*😊) mais les trois génies
prennent leurs distances avec les princes de l'Église et l'institution, le
prosélytisme de l'époque nourrissant la peur de l'enfer. Sans compter leur
irritation face à l'absolutisme des
Prince-évêque du
Saint-Empire romain germanique, plus
prince richissime que prélat. (Certains n'étant même pas prêtre !)
(*) Le mathématicien Kurt Gödel (1906-1978) a démontré l'existence de Dieu en recourant à l'argumentation formelle de la logique Modale 😵 (toutes les divinités sont concernées). Les ordinateurs ont confirmé le résultat qui était remis en cause par des concurrents qui ne sont jamais parvenus à le réfuter à cet instant. Bonne nouvelle, Satan ne peut pas exister, même si subjectivement on peut en douter (Clic).
Mozart
et
Haydn
se tourneront vers des loges maçonniques tolérées en cette fin du XVIIIème
siècle.
Beethoven
n'écrira que deux messes ; une à des fins alimentaires et un chef-d'œuvre
d'exception : la
Missa Solemnis
que je tends à considérer comme un dialogue entre lui et le Très-Haut, sans
intermédiaire 😉. Quant à
Schubert, qui mieux que l'animateur de Radio Classique, entre autres activités,
Olivier Bellamy, a défini la spiritualité du compositeur de cette
messe ? "Sans être un libre penseur ou un dévot, Schubert possède une foi
teintée d’inquiétude, qui est la marque des grands esprits sensibles. Il
se tient à l’écart du catholicisme rigoureux de son époque, car à ses
yeux l’amour de Dieu et des Hommes ne fait qu’un."
Ce rejet de l'omnipotence du Vatican, de ses ors et de ses dogmes destinés
à assoir un pouvoir millénaire, se caractérisera chez
Schubert
par des coupures dans les prières de l'Ordinaire des messe catholiques qu'il
composera. La nature de ces censures dans le
Gloria et le
credo évoque une attirance pour le
protestantisme : le rejet du concept de sainte Trinité, la domination du
Christ par rapport au Père comme seigneur du Royaume divin et du jugement
dernier, l'obéissance exclusive à la Sainte Église Catholique et enfin la
résurrection de la chair… Je citerai quelques exemples…
Ci-dessus, le portrait de Hieronymus von Colloredo-Mansfeld,
prince-archevêque de Salzbourg jusqu'en
1802, date à laquelle il perd son pouvoir temporel. Il sera le
protecteur un temps de
Michael Haydn
et de
Leopold Mozart
et de son fils
Wolfgang Amadeus. Très franchement, il n'inspire pas la pauvreté et l'humilité du Christ en
sandales ou de Saint-Vincent de Paul !
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Je vous renvoie au RIP de 2013 écrit en hommage à
Wolfgang Sawallisch
décédé en février de cette année-là à 90 ans pour lire la biographie de ce
chef majeur du XXème siècle. (Schubert
étant l'un de ses compositeurs fétiches). Nous l'avons ainsi écouté dans
le blog magnifiant
Bruckner
(6ème
symphonie) ou
Schumann
(3ème symphonie
"Rhénane").
(Index)
L'orchestration présente une curiosité pour l'époque,
pas de flûte ni d'orgue mais trois
trombones bien sollicités. Soit : 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2
cors, 2 trompettes, 3 trombones, timbales, et cordes. Une couleur générale
assez ténébreuse. Autre innovation, même si la
partition
ne le mentionne pas explicitement,
Wolfgang Sawallisch
fait appel au quatuor vocal habituel plus un second ténor. Un casting
d'exception en ce début des années 70.
Helen Donath
: Soprano (née en 1940) texane, célèbre pour le rôle de Sophie dans
le Chevalier à la rose
de
Richard Strauss. Enregistrements très nombreux avec
Solti
et
Sawallisch… (Les photos suivent l'ordre de présentation.)
Ingeborg Springer
: Alto (née en 1939) allemande, une carrière a priori classique dans divers
opéras, mais aussi célèbre pour sa participation dans des oratorios même peu
entendus à l'époque comme
Judith Triomphante
de
Vivaldi. Et bien sûr
le Chevalier à la rose
dans le rôle d'Octavian de Richard Strauss, le compositeur d'opéras dans lesquels quasiment tous les premiers rôles
sont féminins.
Peter Schreier
: (1935-2019) célébrissime, chanteur et chef d'orchestre dans tous les
genres, a beaucoup chanté et même dirigé les passions et messes de Bach. Je lui dois un article perso 😊.
Hans-Joachim Rotzsch
: Ténor (1929-2013) Peu connu des amateurs d'art Lyrique sur scène, ce
chanteur n'a exercé son talent que dans les oratorios et la musique sacrée.
Logique pour cet homme, professeur de chant et chef de chœur de l'église Saint-Thomas de Leipzig
entre 1972 et 1991, devenant ainsi le quinzième Thomaskantor depuis
Johann Sebastian Bach. Son professeur était le 12ème Cantor :
Günther
Ramin (1898-1956). Les amateurs des œuvres sacrées et de la musique d'orgue de
Bach
connaissent évidement ce nom.
Theo Adam
: Baryton-basse (1926-2019) le complice de
Peter Schreier
à la ville comme à la scène… Un chanteur wagnérien habitué des grands rôles
pour son registre : Wotan, Gurnemanz, Kaspar ou d'autres personnages
incontournables du répertoire comme Boris Godounov. Un habitué des
interprétations dirigées par
Herbert von Karajan,
Karl Böhm,
Carlos Kleiber,
Otto Klemperer,
Karl Richter, et…
Hans-Joachim Rotzsch
dans les cantates de
Bach
et un pilier du festival de Bayreuth.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Eglise de la Sainte-Trinité d'Alsergrund |
La messe sera créée un an après la mort de son frère
Ferdinand
dans l'église de la Sainte-Trinité d'Alsergrund, en banlieue de Vienne.
Ferdinand Schubert
(1794-1859) était tout comme le troisième frère
Ignaz
(1785-1844) un compositeur modeste mais surtout l'un des organistes les plus
talentueux de Vienne. Il remettra à
Robert Schumann le manuscrit de la
9ème symphonie
"la grande", ce dernier se précipitera à Leipzig où
Mendelssohn
en assurera, enfin, la création en 1839.
La messe comporte les six parties traditionnelles, les chœurs ayant un rôle
prépondérant.
Schubert
recourt à ce qui caractérise la maîtrise totale de son art en cette ultime
année de vie : le chromatisme, les changements fréquents de tonalité et ne
lésine pas sur les passages en contrepoint, notamment les fugues.
Quand je signalais que la couleur orchestrale sonnait de manière un peu
sombre, je n'entends aucunement que cette messe est triste, pieuse et
mystique mais ne flirtant en aucun cas avec le style Requiem…
Ferdinand Schubert (1794-1859) |
Ignaz Schubert (1785-1844) |
Bernard Schott (1748-1809) Clarinettiste et fondateur Éditeur des éditions Schott |
1 – Kyrie
[0:00] Andante con moto, quasi Allegretto. La messe débute par une
courte ouverture de dix mesures chantées pp par l'harmonie et les
cordes graves à l'unisson ; de la religiosité, mais aucun accent
sulpicien…
•
Christie. [2:05] Supplique enfiévrée du chœur sur une scansion fz affirmée des cordes.
• Kyrie II. [3:44] Reprise du Kyrie marquée par une tendre incantation des
hautbois et des clarinettes. Les cors interviennent dans la coda de
manière intimiste. Bouleversant.
2 - Gloria
[7:10] Allegro moderato e maestoso. Le chœur a capella énonce avec
énergie la glorieuse première intention. Il est rejoint par les bois et
les cuivres qui appuient l'esprit incantatoire propre à cette prière. La
Staastkapelle de Dresde
des grands jours…
• Laudamus
/ Domine Deus
[9:26] Andante con moto. Seconde sous-partie enjouée du gloria ; la
musique s'écoule en trio chœur-cordes-groupe des bois. Un hymne
passionné et empreint de sérénité, une gratitude délicatement en accord
avec le texte :
Nous te louons… te bénissons… t'adorons… te glorifions… nous te
rendons grâce pour ton immense gloire.
(Schubert
s'accorde une grande liberté dans les répétitions des syntagmes.)
• Qui tolis / Quoniam tu solus sanctus
[11:53] Allegro moderato e maestoso. Nouvelle thématique liée à la
supplication du pêcheur impénitent… Des traits des cordes basses et des
clusters de trombones terrifiés accompagnent le Chœur. La musique se
développe jusqu'à la véhémence éperdue :
Toi qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous.
• Cum sancto Spiritu
[16:25] Moderato. La fin du Quoniam affirmant la foi en la sainteté divine
débute avec énergie, puis comme il est souvent d'usage, à [17:29], le
gloria se conclut par une fugue martiale. Moins tarabiscoté que l'écriture
d'un
Bruckner, les différentes parties assurent une cohésion à cette prière tripartite
sur le plan eucharistique. On entendra dans les dernières mesures des
interventions des cuivres qui nous renvoient aux couleurs éclatantes du
baroque primitif d'un
Gabrielli
!
3 - Credo [0:00]
Moderato. Comme le gloria, le credo se récite (chante) en trois
phases. L'affirmation de la foi en Dieu Créateur, en son fils né de la
Vierge Marie et en l'Esprit Saint. À l'opposé d'un
Bruckner
dont le chœur clame plus qu'il ne prie,
Schubert
introduit le texte avec déférence après un léger roulement de timbale
pianissimo, "je crois en seul dieu" (c'est la base du propos 😊)
ponctué par lumineux motif basson-cors-trombones traduisant le bonheur du
croyant. A noter les pizzicatis violoncelles-contrebasses, une forme de
basse continue héritée de l'époque baroque. Ceci résume, je pense, le style
imposé de la première partie, une continuité sur le fond, une élégante
variété sur la forme : chœur homophone ou traité en contrepoint.
- Non Pat, les solistes ne restent pas assis sur leurs chaises pendant
une heure même si on ne les a pas encore entendu…
-
Et incarnatus est [24:17]
Andante. La religiosité cède le pas au lyrisme. Au Ténor I d'énoncer
l'intention "A pris chair…", l'orchestre se veut intime, une inclusion chambriste dans cet ouvrage
qui, malgré sa longueur, rejette toujours le moindre pompiérisme.
Schubert
serait-il sensible à cette naissance promise par les prophètes, à son
image pastorale et familiale de préférence à la dimension transcendante de
l'évènement ? [25:34] Le Ténor II rejoint son confrère, puis à [26:20] la
soprano; la voix séraphique d'Helen Donath complète ce trio illuminé par une cantilène des bois, violons et
pizzicati des cordes de basses. [27:10] Peu de gravité extatique (à
l'inverse de
la messe en si
de
Bach) pour le Crucifixius mais un
chœur aux accents dramatiques soutenus par quelques clameurs des cuivres
et les frissons des cordes pour signifier la mort sur la croix. Désolé de
développer, mais cette page est sans doute l'une des plus belles jamais
écrites pour solistes, chœur et orchestre. Étrangeté ! à [28:25] nous
écoutons une reprise de l'incarnatus et des trois solistes avant, également, [29:14] une reprise du
Crucifixius…
-
Et resurrexit [30:55]
Moderato. Souvent, la résurrection donne lieu au rugissement de toutes les
forces musicales en présence…
Schubert
prolonge, en plus allant, la méditation entre le chœur et l'orchestre. La
troisième et dernière partie du Credo et ses diverses intentions de foi
(amputées) est fuguée et joyeuse, chantée par le chœur de manière
polyphonique.
4 - Sanctus [37:28] Adagio.
Schubert
suit la tradition par la puissance crescendo très rythmée de ce passage.
-
Osanna in excelsis [39:41]
Allegro ma non troppo. De nouveau une petite fugue très affirmée.
5 - Benedictus [40:47]
Andante. Mes lecteurs savent à quel point cette rencontre entre le
divin et ses créatures me touche ; l'idée que les seconds bénissent l'enfant
futur ressuscité me séduit. Une courte introduction aux cordes confie au
quatuor de solistes le texte. Il faut attendre comme ironisait Pat plus de
quarante minutes pour que les solistes se réunissent… On ne peut nier la
ferveur du discours musical malgré une mélodie sans grande originalité. Le
chœur aura sa place en mode polyphonique.
-
Osanna in excelsis [46:23]
Allegro ma non troppo. Reprise in extenso, une tradition séculaire à
l'époque…
6 - Agnus Dei [47:31] Andante con moto. Curieusement, l'agnus dei sera le passage le plus plaintif de la partition. L'orchestre est utilisé dans sa totalité avec force. Les voix mâles des trombones presque terrifiés accentuent la sonorité tragique du phrasé.
-
Dona nobis pacem [51:30]
Andante. Plus vivant, moins pathétique, on sera surpris de voir cette
supplication ne pas intervenir uniquement en conclusion, cette aspiration
à la paix éternelle. C'est encore l'un des rares moments d'entendre le
quatuor des solistes chanter une délicate mélodie, un hymne de
reconnaissance, soutenu par le chœur.
-
Agnus Dei [55:03] Andante.
Reprise da capo.
-
Dona nobis pacem [55:55]
Andantino. Ultime reprise de la dernière intention, mais sans intervention
des solistes. Là encore,
Schubert
modifie le texte usuel pour combiner les deux idées force de l'Agnus Dei dans sa conclusion… Pourquoi pas ?
Schubert
égratigne la liturgie mais sans la trahir.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Annexe sur les textes :
Pour ceux que l'évolution de la liturgie catholique pendant le romantisme
intéresse, voici les textes latins (officiels) du
Gloria et du
Credo avec les suppressions (en
rouge, avec traduction en vert) effectuées par
Schubert. On constate deux idées directrices : redonner à Dieu le Père une place
prépondérante en regard de celle du Christ et des réserves quant à la
"sainteté" de l'Église catholique. Une prétention punie du bûcher au
Moyen-Âge ! C'est discret, car de vous à moi, la partie centrale du
Gloria originale a une fâcheuse
tendance à la répétition, Schubert ne change pas en profondeur la signification.
Dans le Credo, Schubert laisse planer un doute quant à la nature virginale de Marie (concept plutôt luthérien) tout en conservant l'appellation María Vírgine… et, il émet un doute bien connu des fans de Schubert : son déni quant à la sainteté, la suprématie et l'éthique douteuse des dogmes de l'Eglise Romaine…
Ce que se permet Schubert ne durera qu'un temps. En réaction aux turbulences sociales et laïques de la fin du XIXème siècle, on verra l'arrivée pour un très long pontificat (31 ans) de l'hyper réactionnaire Pie IX remettant les pendules à l'heure ! Exemple : l'infaillibilité pontificale 😦…
Kyrie eleison Christe eleison
Kyrie eleison |
|
Glória
in excélsis Deo
et in terra pax homínibus bonae voluntátis.
Laudámus te
benedícimus te, adorámus te, glorificámus te
grátias ágimus tibi propter magnam glóriam tuam
Dómine Deus, Rex cæléstis
Deus Pater omnípotens.
Dómine Iesu Christe, Fili Unigénite,
Dómine Deus, Agnus Dei, Fílius Patris,
qui tollis peccáta mundi, miserére nobis;
(Toi qui es assis à la droite du Père, prends
pitié de nous)
Quóniam tu solus Sanctus, tu solus Altíssimus,
tu solus Dóminus,
cum Sancto Spíritu, in glória Dei Patris. Amen. |
Credo
in unum Deum,
factόrem cæli et terræ, visibílium όmnium, et invisibílium.
Credo in unum Dόminum Iesum Christum, Fílium Dei unigénitum. Et ex Patre natum ante όmnia sæcula.
per quem όmnia facta sunt.
Qui propter nos hόmines, et propter nostram salútem descéndit de
cælis.
Et incarnátus est de Spíritu Sancto ex María Vírgine : et homo
factus est. Crucifíxus étiam pro nobis : sub Pόntio Piláto passus,
et sepúltus est.
Et resurréxit tértia die, secúndum Scriptúras.
Et ascéndit in cælum : sedet ad déxteram Patris.
Et íterum ventúrus est cum glόria iudicáre vivos, et mόrtuos :
cuius regni non erit finis.
Credo in Spíritum Sanctum, Dόminum, et vivificántem :
qui ex Patre, Filiόque procédit.
Qui cum Patre, et Filio simul adorátur, et conglorificátur :
qui locútus est per Prophétas.
(Je crois en l'Église, une, sainte, catholique
et apostolique.)
Confíteor unum baptísma in remissiόnem peccatόrum. Et expécto
resurrectiόnem mortuόrum.
Et vitam ventúri sǽculi.
Amen. |
Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus Deus Sábaoth. Pleni sunt caeli et terra glória tua. Hosánna in excélsis.
Benedíctus qui venit in nómine Dómini.
Hosánna in excélsis. |
Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis. Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis. Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, dona nobis pacem. Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis. (bis)
Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, dona nobis pacem. (bis) |
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
L'enregistrement de
Sawallisch
à Dresde demeure incontournable par sa grandeur contenue et la performance
des solistes. Certes la prise de son accuse son âge, celui des débuts de la
stéréo ; la lisibilité du chœur et de l'orchestre n'est pas sans faille. Il
est possible que les mélomanes des nouvelles générations friands de son aéré
souhaitent une approche plus moderne. La discographie n'est pas mince, sans
être aussi pléthorique que celle consacrée aux
œuvres pour piano, aux
symphonies, aux
derniers quatuors
ou autres grandes œuvres chambristes… Voici quelques propositions…
Sans transposer le discours à l'époque baroque, Nikolaus Harnoncourt nous offre une interprétation étrangement empressée pour un ouvrage sacré. L'orchestre de Chambre d'Europe allégé sonne brillamment et le chœur Arnold Schoenberg de Vienne apportent une clarté à une musique parfois empesée. Hélas, les solistes ne sont guère motivés et même si Schubert n'était pas un bigot, le souffle divin reste en retrait (Teldec – 5/6 - 1997). (Deezer)
Richard Hickox
(1948-2008) était un spécialiste gallois de la musique religieuse classique
et romantique ; son intégrale en 8 CD des ouvrages sacrés de
Haydn
est un modèle unique. En 1990, il co-fonde l'orchestre baroque Collegium Musicum 90
entendu dans cette gravure. Le maestro, comme son confrère allemand, allège
le trait. Comme la plupart des chefs british la maitrise des parties
chorales est exemplaire. Par contre dans
l'incarnatus, là où
Peter Schreier
nous bouleversait tel Joseph penché au-dessus de la mangeoire du bébé
messie, le ténor I
Mark Padmore
s'ennuie avec préciosité et nous avec ; vraiment dommage pour cette page
sidérale, "le clou" de cette messe. Le quatuor vocal du
Benedictus sauve la mise. Prise de son
excellente (Chandos – 5/6 - 2007).
Autre interprétation de qualité, Michel Corboz (87 ans) dirige comme souvent l'Orchestre de Chambre de Lausanne et l'Ensemble Vocal de Lausanne dans cette messe. On se demande quel répertoire sacré le chef suisse n'a pas abordé ? Le chef ne s'est jamais attardé sur les joutes musicologiques entre anciens et baroqueux. La mise en place est parfaite, cela dit on pourra trouver le phrasé plutôt impersonnel, les tempos semblent lents alors qu'ils ne le sont pas, un discours priant. On appréciera un bel équilibre entre les différents pupitres et les chanteurs. Enfin des solistes qui animent l'incarnatus avec humanité, quelques fausses notes comprises, bof… Avec Michel Corboz malgré les éternels petits défauts, la magie opère toujours, le crucifixius est le plus poignant de cette discographie (Mirare – 6/6 -2008) Un disque qui concurrence diablement (si je puis dire) Sawallisch. (Deezer)
RIP MICHEL CORBOZ (1934-2021)
En bouclant la publication de ce billet, j'apprends la disparition ce jeudi
2 septembre à l'âge de 87 ans du chef suisse
Michel Corboz. Le maestro cité dans la discographie alternative de la
messe D 950
était un spécialiste des musiques chorales du baroque au romantisme. Il
avait toujours eu le souci de revenir à la quintessence de la spiritualité
des œuvres, sans négliger les apports des nouveau courants baroqueux ni la
grandeur des interprétations sur instruments modernes de ces prédécesseurs.
En 2015, j'avais consacré un article à une gravure du Gloria de Vivaldi sous sa baguette. (Clic)
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