jeudi 9 septembre 2021

SCHUBERT – Messe N°6 D 950 en mi bémol majeur (1828) – Wolfgang SAWALLISCH (1972) – par Claude Toon


- Salut Claude… En vacances la miss Sonia, en général c'est à cette heure que vous préparez en duo ton billet ?
- Oui Pat ! Encore partie dieu sait où avec Nema, elle m'a presque harcelé avec ses histoires de bikinis, de naturisme, et patati et patata…
- Mouais, j'entendais ça depuis mon burlingue, mort de rire ! Tiens Schubert- Sawallisch dans les grandes messes chez Philips, pas EMI ?
- Bonne remarque, le maestro a en effet enregistré toute la musique religieuse de Schubert chez EMI, mais plus tard, je préfère celle-ci.
- Intégrale… Intégrale… Il n'y en a que deux, par contre, distribution vocale et la Staastkapelle de Dresde ! Bigre, la grande classe !!
- Oui, j'ai mis la photo de la jaquette de la réédition avec coffret et livret complet, mais on trouve encore dans la collection DUO… 


Masque mortuaire de Schubert

Pat a raison ! Dans les décennies 70-80, Wolfgang Sawallisch a enregistré la totalité des six messes et autres œuvres sacrées, de nos jours un coffret les réunit en 11 CD, une intégrale avec l'Orchestre De la Radiodiffusion Bavaroise et de bons chanteurs également. Mais avec ces deux premiers LPs (la messe N°6 plus la N°5 en la bémol majeur D 678 de 1822) gravés en 1972, on atteint des sommets de spiritualité, d'autant que Schubert n'était pas a priori un fan assidu de l'Église catholique, et cela au point de modifier le Credo pour marquer cette distance !? Mais le miracle Schubert pour reprendre l'expression de Max-Paul Fouchet est de transcender tous les genres qu'il a abordés, surtout pour cette partition D950 composée en fin de vie.

 

Doit-on considérer cette messe comme une œuvre secondaire tardive dans le parcours de l'agnostique Schubert ? Bon, ok, Schubert est le père des quatuors, sonates pour piano, quintettes, trio et lieder parmi les plus légendaires de l'histoire de la musique, toutes époques confondues, sans compter les symphonies 8 "Inachevée" et la 9 dite "la Grande". Pourtant d'aucun prétendent à juste titre que ces deux messes ont vraisemblablement influencé la messe en Fa de Bruckner, une partition qui marquait le début d'une carrière incomparable de symphoniste à la complexe polyphonie et au romantisme mystique sans guère de concurrents au XIXème siècle. L'article de taille démesurée publié il y a quelques mois (le plus long de ma carrière dans le blog) montre à quel point la musique religieuse peut donner des ailes (d'ange) aux compositeurs qu'ils soient distants avec les encensoirs comme Schubert ou Beethoven ou inversement un tantinet bigot comme l'était Bruckner.

Wolfgang Sawallisch vers 1975

Puisque je parle de Beethoven, un autre article paru peu de temps avant celui consacré à la messe de Bruckner encensait une interprétation sidérale d'Otto Klemperer des années 50 et en live de la Missa Solemnis de l'auteur de l'ode à la joie, là encore un ouvrage tardif et démesuré, une forme d'oratorio de l'ordinaire de la messe résumant tout l'art du maître et toutes les inventions que la musique lui devait… Il est devenu d'usage par association, tant sur le plan musicologique que sur le plan de l'émotion,         de surnommer les trois œuvres de "Missa Solemnis". Je vous rassure, l'article du jour ne sera pas un pensum, Schubert ayant préféré une bouleversante unicité dans l'écriture qu'une inventivité un peu factice pour faire plaisir aux paroissiens mélomanes…

 

Pour un résumé bref de la biographie de Schubert, voir la chronique consacrée au quintette "La truite" de 2012 (Clic). Sinon Wikipédia propose un panorama de la vie et de l'œuvre assez complet et pertinent. En ce qui me concerne je reste fidèle à l'ouvrage de taille biblique de Brigitte Massin chez Fayard. 

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Otto Erich Deutsch (1883-1967)

En juillet 1828, Schubert termine-t-il la composition de sa messe N°6 D950 ou une autre future messe N°7 ? Brigitte Massin s'interroge au sujet de la proposition faite par le compositeur à l'éditeur Schott en février de fournir une messe achevée ?! Une autre source épistolaire de juin confirme qu'il travaille d'arrache-pied sur cette messe. La 6 ou la 7 ? Bof, question plutôt secondaire ; mais cette anecdote démontre l'incroyable capacité de travail de Schubert, même un pied dans la tombe car rongé par la syphilis. Elle sera créée en octobre 1829, soit presque un an après sa mort. Il est vrai que l'ambition de ce monument d'une heure aurait exigé un travail de répétition bien difficile à satisfaire pendant l'automne 1828

Le numéro de catalogue sera attribué à la partition bien plus tard, puisque jusqu'à sa mort, le 19 novembre de la même année, seule une centaine d'ouvrages de Schubert a été publiée officiellement. Le catalogue de Otto Erich Deutsch remplaçant un fouillis de numéros d'opus ne paraîtra qu'en 1951 dans sa première version et en 1978 dans une version plus définitive. À vrai dire, de temps à autre, des corrections et ajouts ont encore lieu.

Si les milliers de personnes, dont Schubert en tête, accompagnent Ludwig van à sa dernière demeure, témoignage de son immense popularité et célébrité, Franz n'est guère connu que dans des milieux intellectuels restreints grâce à ses lieder et sa musique de chambre, et encore… Et cela même s'il a commencé à se faire une petite place dans le monde musical viennois depuis 1823 en devenant membre d'honneur de la Société musicale de Styrie à Graz (Salieri et Beethoven l'avaient précédé). Ses plus grands chefs-d'œuvre composés avant son trépas à 31 ans ne seront jamais édités et exécutés de son vivant : quatuor N°15 et le quintette avec violoncelle attendront leurs créations vers 1850, pareil pour l'imposante 9ème symphonie que l'on entendra "allégée" seulement en 1839 sous la baguette de Mendelssohn… (Merci à Brahms d'avoir fait exécuter tout ce qui était répertorié en 1897 à l'occasion du centenaire de la naissance du compositeur.) 


Hieronymus von Colloredo-Mansfeld
(1732-1812)

Schubert et la foi catholique. Un sujet délicat à cerner ? Depuis la mort de Bach, fervent chrétien, le siècle des lumières a changé la donne dans les relations entre les intellectuels et notamment les musiciens, le Divin et les Religions, surtout la Sainte Eglise Catholique et romaine… La révolution française conjuguera l'athéisme et l'anticléricalisme jusque dans les excès les plus sanglants. Il est incontestable que Mozart, Haydn et Beethoven ne remettent pas en cause l'existence de Dieu (au sens large voire extrahumain) de manière scientifique (comme on le fait au XXème siècle, à tort comme l'a démontré Gödel*😊) mais les trois génies prennent leurs distances avec les princes de l'Église et l'institution, le prosélytisme de l'époque nourrissant la peur de l'enfer. Sans compter leur irritation face à l'absolutisme des Prince-évêque du Saint-Empire romain germanique, plus prince richissime que prélat. (Certains n'étant même pas prêtre !)

(*) Le mathématicien Kurt Gödel (1906-1978) a démontré l'existence de Dieu en recourant à l'argumentation formelle de la logique Modale 😵 (toutes les divinités sont concernées). Les ordinateurs ont confirmé le résultat qui était remis en cause par des concurrents qui ne sont jamais parvenus à le réfuter à cet instant. Bonne nouvelle, Satan ne peut pas exister, même si subjectivement on peut en douter (Clic).

Mozart et Haydn se tourneront vers des loges maçonniques tolérées en cette fin du XVIIIème siècle. Beethoven n'écrira que deux messes ; une à des fins alimentaires et un chef-d'œuvre d'exception : la Missa Solemnis que je tends à considérer comme un dialogue entre lui et le Très-Haut, sans intermédiaire 😉. Quant à Schubert, qui mieux que l'animateur de Radio Classique, entre autres activités, Olivier Bellamy, a défini la spiritualité du compositeur de cette messe ? "Sans être un libre penseur ou un dévot, Schubert possède une foi teintée d’inquiétude, qui est la marque des grands esprits sensibles. Il se tient à l’écart du catholicisme rigoureux de son époque, car à ses yeux l’amour de Dieu et des Hommes ne fait qu’un."

Ce rejet de l'omnipotence du Vatican, de ses ors et de ses dogmes destinés à assoir un pouvoir millénaire, se caractérisera chez Schubert par des coupures dans les prières de l'Ordinaire des messe catholiques qu'il composera. La nature de ces censures dans le Gloria et le credo évoque une attirance pour le protestantisme : le rejet du concept de sainte Trinité, la domination du Christ par rapport au Père comme seigneur du Royaume divin et du jugement dernier, l'obéissance exclusive à la Sainte Église Catholique et enfin la résurrection de la chair… Je citerai quelques exemples…

Ci-dessus, le portrait de Hieronymus von Colloredo-Mansfeld, prince-archevêque de Salzbourg jusqu'en 1802, date à laquelle il perd son pouvoir temporel. Il sera le protecteur un temps de Michael Haydn et de Leopold Mozart et de son fils Wolfgang Amadeus. Très franchement, il n'inspire pas la pauvreté et l'humilité du Christ en sandales ou de Saint-Vincent de Paul !

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Je vous renvoie au RIP de 2013 écrit en hommage à Wolfgang Sawallisch décédé en février de cette année-là à 90 ans pour lire la biographie de ce chef majeur du XXème siècle. (Schubert étant l'un de ses compositeurs fétiches). Nous l'avons ainsi écouté dans le blog magnifiant Bruckner (6ème symphonie) ou Schumann (3ème symphonie "Rhénane"). (Index)

L'orchestration présente une curiosité pour l'époque, pas de flûte ni d'orgue mais trois trombones bien sollicités. Soit : 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones, timbales, et cordes. Une couleur générale assez ténébreuse. Autre innovation, même si la partition ne le mentionne pas explicitement, Wolfgang Sawallisch fait appel au quatuor vocal habituel plus un second ténor. Un casting d'exception en ce début des années 70.

Helen Donath : Soprano (née en 1940) texane, célèbre pour le rôle de Sophie dans le Chevalier à la rose de Richard Strauss. Enregistrements très nombreux avec Solti et Sawallisch… (Les photos suivent l'ordre de présentation.)

Ingeborg Springer : Alto (née en 1939) allemande, une carrière a priori classique dans divers opéras, mais aussi célèbre pour sa participation dans des oratorios même peu entendus à l'époque comme Judith Triomphante de Vivaldi. Et bien sûr le Chevalier à la rose dans le rôle d'Octavian de Richard Strauss, le compositeur d'opéras dans lesquels quasiment tous les premiers rôles sont féminins.

Peter Schreier : (1935-2019) célébrissime, chanteur et chef d'orchestre dans tous les genres, a beaucoup chanté et même dirigé les passions et messes de Bach. Je lui dois un article perso 😊.


Hans-Joachim Rotzsch : Ténor (1929-2013) Peu connu des amateurs d'art Lyrique sur scène, ce chanteur n'a exercé son talent que dans les oratorios et la musique sacrée. Logique pour cet homme, professeur de chant et chef de chœur de l'église Saint-Thomas de Leipzig entre 1972 et 1991, devenant ainsi le quinzième Thomaskantor depuis Johann Sebastian Bach. Son professeur était le 12ème Cantor : Günther Ramin (1898-1956). Les amateurs des œuvres sacrées et de la musique d'orgue de Bach connaissent évidement ce nom.

Theo Adam : Baryton-basse (1926-2019) le complice de Peter Schreier à la ville comme à la scène… Un chanteur wagnérien habitué des grands rôles pour son registre : Wotan, Gurnemanz, Kaspar ou d'autres personnages incontournables du répertoire comme Boris Godounov. Un habitué des interprétations dirigées par Herbert von Karajan, Karl Böhm, Carlos Kleiber, Otto Klemperer, Karl Richter, et… Hans-Joachim Rotzsch dans les cantates de Bach et un pilier du festival de Bayreuth.

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Eglise  de la Sainte-Trinité d'Alsergrund

La messe sera créée un an après la mort de son frère Ferdinand dans l'église de la Sainte-Trinité d'Alsergrund, en banlieue de Vienne. Ferdinand Schubert (1794-1859) était tout comme le troisième frère Ignaz (1785-1844) un compositeur modeste mais surtout l'un des organistes les plus talentueux de Vienne. Il remettra à Robert Schumann le manuscrit de la 9ème symphonie "la grande", ce dernier se précipitera à Leipzig où Mendelssohn en assurera, enfin, la création en 1839.

La messe comporte les six parties traditionnelles, les chœurs ayant un rôle prépondérant. Schubert recourt à ce qui caractérise la maîtrise totale de son art en cette ultime année de vie : le chromatisme, les changements fréquents de tonalité et ne lésine pas sur les passages en contrepoint, notamment les fugues.

Quand je signalais que la couleur orchestrale sonnait de manière un peu sombre, je n'entends aucunement que cette messe est triste, pieuse et mystique mais ne flirtant en aucun cas avec le style Requiem…


Ferdinand Schubert (1794-1859)



Ignaz Schubert (1785-1844)



Bernard Schott (1748-1809)
Clarinettiste et fondateur
É
diteur des éditions Schott

1 – Kyrie [0:00] Andante con moto, quasi Allegretto. La messe débute par une courte ouverture de dix mesures chantées pp par l'harmonie et les cordes graves à l'unisson ; de la religiosité, mais aucun accent sulpicien…

  Christie. [2:05] Supplique enfiévrée du chœur sur une scansion fz affirmée des cordes.

 Kyrie II. [3:44] Reprise du Kyrie marquée par une tendre incantation des hautbois et des clarinettes. Les cors interviennent dans la coda de manière intimiste. Bouleversant.

2 - Gloria [7:10] Allegro moderato e maestoso. Le chœur a capella énonce avec énergie la glorieuse première intention. Il est rejoint par les bois et les cuivres qui appuient l'esprit incantatoire propre à cette prière. La Staastkapelle de Dresde des grands jours…

• Laudamus / Domine Deus [9:26] Andante con moto. Seconde sous-partie enjouée du gloria ; la musique s'écoule en trio chœur-cordes-groupe des bois. Un hymne passionné et empreint de sérénité, une gratitude délicatement en accord avec le texte : Nous te louons… te bénissons… t'adorons… te glorifions… nous te rendons grâce pour ton immense gloire. (Schubert s'accorde une grande liberté dans les répétitions des syntagmes.)

• Qui tolis / Quoniam tu solus sanctus [11:53] Allegro moderato e maestoso. Nouvelle thématique liée à la supplication du pêcheur impénitent… Des traits des cordes basses et des clusters de trombones terrifiés accompagnent le Chœur. La musique se développe jusqu'à la véhémence éperdue : Toi qui enlèves le péché du monde, prends pitié de nous.

 Cum sancto Spiritu [16:25] Moderato. La fin du Quoniam affirmant la foi en la sainteté divine débute avec énergie, puis comme il est souvent d'usage, à [17:29], le gloria se conclut par une fugue martiale. Moins tarabiscoté que l'écriture d'un Bruckner, les différentes parties assurent une cohésion à cette prière tripartite sur le plan eucharistique. On entendra dans les dernières mesures des interventions des cuivres qui nous renvoient aux couleurs éclatantes du baroque primitif d'un Gabrielli !

      3 - Credo [0:00]  Moderato. Comme le gloria, le credo se récite (chante) en trois phases. L'affirmation de la foi en Dieu Créateur, en son fils né de la Vierge Marie et en l'Esprit Saint. À l'opposé d'un Bruckner dont le chœur clame plus qu'il ne prie, Schubert introduit le texte avec déférence après un léger roulement de timbale pianissimo, "je crois en seul dieu" (c'est la base du propos 😊) ponctué par lumineux motif basson-cors-trombones traduisant le bonheur du croyant. A noter les pizzicatis violoncelles-contrebasses, une forme de basse continue héritée de l'époque baroque. Ceci résume, je pense, le style imposé de la première partie, une continuité sur le fond, une élégante variété sur la forme : chœur homophone ou traité en contrepoint.

      - Non Pat, les solistes ne restent pas assis sur leurs chaises pendant une heure même si on ne les a pas encore entendu…

      • Et incarnatus est [24:17] Andante. La religiosité cède le pas au lyrisme. Au Ténor I d'énoncer       l'intention "A pris chair…", l'orchestre se veut intime, une inclusion chambriste dans cet ouvrage qui, malgré sa longueur, rejette toujours le moindre pompiérisme. Schubert serait-il sensible à cette naissance promise par les prophètes, à son image pastorale et familiale de préférence à la dimension transcendante de l'évènement ? [25:34] Le Ténor II rejoint son confrère, puis à [26:20] la soprano; la voix séraphique d'Helen Donath complète ce trio illuminé par une cantilène des bois, violons et pizzicati des cordes de basses. [27:10] Peu de gravité extatique (à l'inverse de la messe en si de Bach) pour le Crucifixius mais un chœur aux accents dramatiques soutenus par quelques clameurs des cuivres et les frissons des cordes pour signifier la mort sur la croix. Désolé de développer, mais cette page est sans doute l'une des plus belles jamais écrites pour solistes, chœur et orchestre. Étrangeté ! à [28:25] nous écoutons une reprise de l'incarnatus et des trois solistes avant, également, [29:14] une reprise du Crucifixius
      • Et resurrexit [30:55] Moderato. Souvent, la résurrection donne lieu au rugissement de toutes les forces musicales en présence… Schubert prolonge, en plus allant, la méditation entre le chœur et l'orchestre. La troisième et dernière partie du Credo et ses diverses intentions de foi (amputées) est fuguée et joyeuse, chantée par le chœur de manière polyphonique.

      4 - Sanctus [37:28] Adagio. Schubert suit la tradition par la puissance crescendo très rythmée de ce passage.

      • Osanna in excelsis [39:41] Allegro ma non troppo. De nouveau une petite fugue très affirmée.

      5 - Benedictus [40:47]  Andante. Mes lecteurs savent à quel point cette rencontre entre le divin et ses créatures me touche ; l'idée que les seconds bénissent l'enfant futur ressuscité me séduit. Une courte introduction aux cordes confie au quatuor de solistes le texte. Il faut attendre comme ironisait Pat plus de quarante minutes pour que les solistes se réunissent… On ne peut nier la ferveur du discours musical malgré une mélodie sans grande originalité. Le chœur aura sa place en mode polyphonique.

      • Osanna in excelsis [46:23]  Allegro ma non troppo. Reprise in extenso, une tradition séculaire à l'époque…

      6 - Agnus Dei [47:31] Andante con moto. Curieusement, l'agnus dei sera le passage le plus plaintif de la partition. L'orchestre est utilisé dans sa totalité avec force. Les voix mâles des trombones presque terrifiés accentuent la sonorité tragique du phrasé.  

      • Dona nobis pacem [51:30] Andante. Plus vivant, moins pathétique, on sera surpris de voir cette supplication ne pas intervenir uniquement en conclusion, cette aspiration à la paix éternelle. C'est encore l'un des rares moments d'entendre le quatuor des solistes chanter une délicate mélodie, un hymne de reconnaissance, soutenu par le chœur.
      • Agnus Dei [55:03] Andante. Reprise da capo.
      • Dona nobis pacem [55:55] Andantino. Ultime reprise de la dernière intention, mais sans intervention des solistes. Là encore, Schubert modifie le texte usuel pour combiner les deux idées force de l'Agnus Dei dans sa conclusion… Pourquoi pas ? Schubert égratigne la liturgie mais sans la trahir.

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      Annexe sur les textes :

      Pour ceux que l'évolution de la liturgie catholique pendant le romantisme intéresse, voici les textes latins (officiels) du Gloria et du Credo avec les suppressions (en rouge, avec traduction en vert) effectuées par Schubert. On constate deux idées directrices : redonner à Dieu le Père une place prépondérante en regard de celle du Christ et des réserves quant à la "sainteté" de l'Église catholique. Une prétention punie du bûcher au Moyen-Âge ! C'est discret, car de vous à moi, la partie centrale du Gloria originale a une fâcheuse tendance à la répétition, Schubert ne change pas en profondeur la signification.

      Dans le Credo, Schubert laisse planer un doute quant à la nature virginale de Marie (concept plutôt luthérien) tout en conservant l'appellation María Vírgine et, il émet un doute bien connu des fans de Schubert : son déni quant à la sainteté, la suprématie et l'éthique douteuse des dogmes de l'Eglise Romaine… 

      Ce que se permet Schubert ne durera qu'un temps. En réaction aux turbulences sociales et laïques de la fin du XIXème siècle, on verra l'arrivée pour un très long pontificat (31 ans) de l'hyper réactionnaire Pie IX remettant les pendules à l'heure ! Exemple : l'infaillibilité pontificale 😦

      Kyrie eleison

      Christe eleison

      Kyrie eleison 


      Glória in excélsis Deo

      et in terra pax homínibus bonae voluntátis.

      Laudámus te

      benedícimus te, adorámus te, glorificámus te

      grátias ágimus tibi propter magnam glóriam tuam

      Dómine Deus, Rex cæléstis

      Deus Pater omnípotens.

      Dómine Iesu Christe, Fili Unigénite,

      Dómine Deus, Agnus Dei, Fílius Patris,

      qui tollis peccáta mundi, miserére nobis;

      qui tollis peccáta mundi (Toi qui enlèves le péché du monde)

      súscipe deprecatiónem nostram, (reçois notre prière)

      Qui sedes ad déxteram Patris, miserere nobis.

          (Toi qui es assis à la droite du Père, prends pitié de nous)

      Quóniam tu solus Sanctus, tu solus Altíssimus,

      tu solus Dóminus,

      Iesu Christe, (Jésus Christ)

      cum Sancto Spíritu, in glória Dei Patris.

      Amen.


      Credo in unum Deum, Patrem omnipoténtem, (le Père tout-puissant)

      factόrem cæli et terræ, visibílium όmnium, et invisibílium.

      Credo in unum Dόminum Iesum Christum, Fílium Dei unigénitum. Et ex Patre natum ante όmnia sæcula.

      Deum de Deo, lumen de lúmine, Deum verum de Deo vero.

      Génitum, non factum, consubstantiálem Patri : (Engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait.)

      per quem όmnia facta sunt.

      Qui propter nos hόmines, et propter nostram salútem descéndit de cælis.

      Et incarnátus est de Spíritu Sancto ex María Vírgine : et homo factus est. Crucifíxus étiam pro nobis : sub Pόntio Piláto passus, et sepúltus est.

      Et resurréxit tértia die, secúndum Scriptúras.

      Et ascéndit in cælum : sedet ad déxteram Patris.

      Et íterum ventúrus est cum glόria iudicáre vivos, et mόrtuos :

      cuius regni non erit finis.

      Credo in Spíritum Sanctum, Dόminum, et vivificántem :

      qui ex Patre, Filiόque procédit.

      Qui cum Patre, et Filio simul adorátur, et conglorificátur :

      qui locútus est per Prophétas.

      Et unam, sanctam, cathόlicam et apostόlicam Ecclésiam.

          (Je crois en l'Église, une, sainte, catholique et apostolique.)

      Confíteor unum baptísma in remissiόnem peccatόrum. Et expécto resurrectiόnem mortuόrum.

      Et vitam ventúri sǽculi.

      Amen.


      Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus Deus Sábaoth.

      Pleni sunt caeli et terra glória tua.

      Hosánna in excélsis.


      Benedíctus qui venit in nómine Dómini.

      Hosánna in excélsis.


      Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis.

      Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis.

      Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, dona nobis pacem.

      Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserere nobis. (bis)

      Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, dona nobis pacem. (bis)

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      L'enregistrement de Sawallisch à Dresde demeure incontournable par sa grandeur contenue et la performance des solistes. Certes la prise de son accuse son âge, celui des débuts de la stéréo ; la lisibilité du chœur et de l'orchestre n'est pas sans faille. Il est possible que les mélomanes des nouvelles générations friands de son aéré souhaitent une approche plus moderne. La discographie n'est pas mince, sans être aussi pléthorique que celle consacrée aux œuvres pour piano, aux symphonies, aux derniers quatuors ou autres grandes œuvres chambristes… Voici quelques propositions…

      Sans transposer le discours à l'époque baroque, Nikolaus Harnoncourt nous offre une interprétation étrangement empressée pour un ouvrage sacré. L'orchestre de Chambre d'Europe allégé sonne brillamment et le chœur Arnold Schoenberg de Vienne apportent une clarté à une musique parfois empesée. Hélas, les solistes ne sont guère motivés et même si Schubert n'était pas un bigot, le souffle divin reste en retrait (Teldec – 5/6 - 1997). (Deezer) 

      Richard Hickox (1948-2008) était un spécialiste gallois de la musique religieuse classique et romantique ; son intégrale en 8 CD des ouvrages sacrés de Haydn est un modèle unique. En 1990, il co-fonde l'orchestre baroque Collegium Musicum 90 entendu dans cette gravure. Le maestro, comme son confrère allemand, allège le trait. Comme la plupart des chefs british la maitrise des parties chorales est exemplaire. Par contre dans l'incarnatus, là où Peter Schreier nous bouleversait tel Joseph penché au-dessus de la mangeoire du bébé messie, le ténor I Mark Padmore s'ennuie avec préciosité et nous avec ; vraiment dommage pour cette page sidérale, "le clou" de cette messe. Le quatuor vocal du Benedictus sauve la mise. Prise de son excellente (Chandos – 5/6 - 2007). (Deezer) 

      Autre interprétation de qualité, Michel Corboz (87 ans) dirige comme souvent l'Orchestre de Chambre de Lausanne et l'Ensemble Vocal de Lausanne dans cette messe. On se demande quel répertoire sacré le chef suisse n'a pas abordé ? Le chef ne s'est jamais attardé sur les joutes musicologiques entre anciens et baroqueux. La mise en place est parfaite, cela dit on pourra trouver le phrasé plutôt impersonnel, les tempos semblent lents alors qu'ils ne le sont pas, un discours priant. On appréciera un bel équilibre entre les différents pupitres et les chanteurs. Enfin des solistes qui animent l'incarnatus avec humanité, quelques fausses notes comprises, bof… Avec Michel Corboz malgré les éternels petits défauts, la magie opère toujours, le crucifixius est le plus poignant de cette discographie (Mirare – 6/6 -2008) Un disque qui concurrence diablement (si je puis dire) Sawallisch. (Deezer) 








      RIP MICHEL CORBOZ (1934-2021)

       

      En bouclant la publication de ce billet, j'apprends la disparition ce jeudi 2 septembre à l'âge de 87 ans du chef suisse Michel Corboz. Le maestro cité dans la discographie alternative de la messe D 950 était un spécialiste des musiques chorales du baroque au romantisme. Il avait toujours eu le souci de revenir à la quintessence de la spiritualité des œuvres, sans négliger les apports des nouveau courants baroqueux ni la grandeur des interprétations sur instruments modernes de ces prédécesseurs.

      En 2015, j'avais consacré un article à une gravure du Gloria de Vivaldi sous sa baguette. (Clic)

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