- Hello Le Toon… Tu bosses sur quoi là ? Hummm… Les créatures de
Prométhée de Beethoven ; pas hyper connu ; un ballet je crois…
- Oui Pat, le seul ballet du grand Ludwig van ; une commande. L'histoire
classique du vol du feu à Zeus, avec Appolon, Dionysos, etc…
- Tout ça a une réputation d'écrit vite fait sur le gaz, de décousu… On
entend des parodies de la symphonie héroïque m'semble…
- À tort quand même. Beethoven, même sous pression, pioche des idées
mélodiques sympa, une suite symphonique assez agréable…
- Il est vrai Claude que du mauvais Beethoven, ça sentirait la critique
facile ; un disque de l'Orpheus Orchestra que tu aimes beaucoup…
- Oui, cet ensemble de solistes des orchestres Yankee trouve toujours le
ton juste pour nous divertir, super pour l'été…
Prométhée sculpte un homme... |
Je rassure tout de suite les âmes sensibles. La punition de Prométhée par Zeus n'est pas au programme ; Prométhée est condamné à se faire bouffer le foie (qui repousse éternellement) par un aigle sur le mont Caucase…
- Oui très bien Claude, ce détail glauque me bouffe la tête,
haha…
- Très drôle Pat cette remarque, j'espère que l'aigle est anorexique…
Stop les vannes, sinon Luc va gueuler… Un p'ti noir bien dégueu au
distributeur avant que je rentre dans le sujet sérieusement ?
- Ouaip ! Merci Claude… Celui de Sonia nous manque, enfin le café pas
le foie (sans misogynie…)
Beethoven n'aurait sans doute jamais écrit un ballet en ce tout début du XIXème siècle, car trop occupé à poser les bases du romantisme. Nous sommes en 1801, il a déjà révolutionné le style concerto avec des ouvrages d'une grande profondeur psychologique le 3ème concerto (Clic). Il s'apprête à faire de même avec la symphonie en composant sa 3ème symphonie dite "héroïque", une heure, un dramatisme inconnu jusqu'alors… La méconnue 2ème symphonie conserve les caractéristiques de l'époque classique malgré des qualités d'écritures étonnantes (Clic). Je ne détaille pas et vous invite à consulter l'Index… L'utilisation du thème du final de l'"héroïque" dans la musique du ballet montre qu'il a en 1801 la "tête dans le guidon" pour ce projet symphonique novateur ; la création aura lieu en 1803 ! Oui ok, ma rhétorique musicologique faiblit, en ce moment il y a le tour de France.
Comme souvent évoqué dans les articles sur les derniers chefs-d'œuvre
mozartiens, le public viennois cherche divertissement et frivolité. On se
rappelle l'insuccès de
Don Giovanni
de
Mozart
boudé dans la capitale autrichienne mais accalmée à Prague… Laissons le
grand
Ludwig
de côté quelques instants.
Salvatore Viganò (1769-1821) |
Entre en scène un personnage pittoresque : Salvatore Viganò, un
neveu de
Boccherini
mais surtout un danseur de talent, un chorégraphe imaginatif, et hélas pour
lui un piètre compositeur…
Salvatore Viganò sera l'inventeur du
chorédrame. Les chorégraphies inventées par Viganò conjuguent certes les solos
et pas de deux, mais aussi les pantomimes et des ensembles. Les livrets sont
effectivement dramatiques, empruntant même à des tragédies de Shakespeare
tel Othello ou autre récit épique comme le martyre de Jeanne d'Arc… Une
nouveauté : les récits parlés ou chantés disparaissent complètement ; en
opposition aux comédies-ballets ou autres opéras-ballets si à la mode en
France depuis Louis XIV jusqu'à la fin de la Régence (Mouret,
Campra,
Rameau). Les "dialogues" sont mimés par les danseurs. En écrivant ces petites
informations, car le sujet est vaste, je pense au cinéma muet accompagné de
musique… Ce style composite disparaîtra avec son inventeur en 1821.
Salvatore Viganò était né en 1769 et deviendra une célébrité
comme chorégraphe à Venise et à La Scala de Milan. Stendhal était
l'un des ses plus fervents admirateurs. Nota : Viganò et Beethoven
sont quasiment contemporains.
Pour le ballet écouté ce jour sous forme orchestrale, dédié à l'impératrice
Marie-Thérèse de Naples et de Sicile, Vigano fait appel
à
Beethoven. Pour le compositeur les nuages s'assombrissent : les débuts de la surdité
et des acouphènes, l'incompréhension du public envers ses nouveautés, le
manque d'argent. Une commende est la bienvenue, même si Ludwig van ne sera
guère satisfait de son travail. Le livret du ballet
Les créatures de Prométhée
a été perdus, mais pas la partition ni le synopsis.
L'ouvrage est créé le 28 mars 1801 au Théâtre de la Cour et repris
29 fois jusqu'en 1802. Les créatures étaient dansées par Viganò et
Maria Casentini, la prima donna du corps de ballet d'origine
italienne. Comme la plupart des créations de Viganò, le spectacle
sera oublié après son trépas puis réhabilité de nos jours…
Beethoven vers 1801 |
Salvatore Viganò (1769-1821) |
Maria Casentini |
La musique du ballet s'écoute comme une suite orchestrale. Le récit
mythologique donne lieu à 18 intermèdes ou tableaux réunis en deux actes.
L'orchestration choisi par
Beethoven
est très classique à une exception près : la présence d'une harpe,
instrument que le maître n'utilisera jamais.
2/2/2/2, cors, trompettes, timbales, une harpe, cordes.
La vidéo est une playlist de 18 vidéos. Les indications sur le sujet des
différentes danses sont adaptées d'un texte un peu confus de Wikipédia in
english.
Ah, dernier détail : comme le soulignait Pat dans notre échange, je vous
propose l'enregistrement de 1987 de l'Orpheus Chamber Orchestra, un ensemble qui joue sans chef et réunit divers solistes des grands
orchestres de la côte est des USA.
(Clic)
Acte I : [V1]
Ouverture
– Il s'agit d'une ouverture classique souvent jouée en concert ou inscrite
au programme des anthologies d'ouvertures composées par
Beethoven
telles
Egmont,
Coriolan,
Leonore
I, II et III. De vous à moi ce n'est pas la plus prenante, ce qui confirme
l'intérêt modeste que portait le compositeur à cette composition sur
commande… Le ton épique est bien reconnaissable !
Deux statues encore inertes modelées par le titan
Prométhée
symbolisent l'humanité dans l'Olympe. Désobéissant à
Zeus,
Prométhée
offre le feu et la vie aux statuettes.
[V2] Introduzione – Le Dieu des
dieux s'y oppose en vain en provoquant une tempête.
-
[V3] Poco adagio - Les
statues prennent vie (Monsieur, puis
madame
– misogynie 😊). Le couple danse
saisn s'interroger sur leur origine…
Prométhée
en est furax.
-
[V4]
Adagio - allegro con brio
-
Prométhée
est en colère contre ce dédain de cette ébauche d'humanité. Il veut les
annihiler Mais le ciel intervient. Une intervention divine le
dissuade.
-
[V5] Minuetto - Prométhée
désire instruire l'humanité en les conduisant au
Parnasse. Rideau.
Nota : L'acte 2 comprend 13 autres numéros :
Acte 2 : [V6]
Maestoso – Andante - Les dieux,
conduits par
Apollon, ont pris place dans un temple du Parnasse.
Prométhée
y conduit les deux humains et explique qu'ils ont besoin d'éducation tant
pour leur esprit que pour gérer leur affect leurs émotions.
-
[V7] Adagio –
Andante quasi allegretto -
Leurs sentiments sont éveillés par le jeu de harpe d'Amphion, le jeu de flûte d'Euterpe
et le jeu de violoncelle d'Orphée. L'homme et la femme tombent amoureux l'un de l'autre.
Ça devait arriver cette affaire
😊.
-
[V8]
Un poco adagio – Allegro
- Danse joyeuse des deux humains qui découvre le monde.
-
[V9] Tombe - Les
humains montrent du respect pour
Prométhée
et
Apollon. Ils avaient intérêt… La leçon continue.
-
[V10] Allegro con brio – Presto
- Le dieu
Mars, divinité de la guerre, leur enseigne le défilé militaire lors d'une
grande procession.
-
[V11]
Adagio – Allegro molto
–
Melpomène
amène la mort. Elle considère qu'il est juste de le punir Prométhée de
mort.
Il faut toujours qu'il en un ou une pour gâcher la fête ! 😆
Prométhée
s'effondre. Une longue pause. Dans le noir,
Prométhée
semble mort.
-
[V12] Pastorale -
Thaleia
est en désaccord avec cette sanction.
Prométhée
se réveille et regarde la scène.
-
[V13] Andante - Sur un signe
de
Dionysos,
Silène
entre. (Heu, vous réviserez sur le web votre mythologie, moi je m'y perds
un chouia…)
-
[V14] Maestoso (également
connu sous le nom de "Solo di Gioia"
pour le danseur solo Gaetano Gioia). Procession de Silène ou
Dionysos, le manuscrit étant perdu, chacun son choix. Danse comique à
grand renfort de vin.
-
[V15] Allegro –
Comodo - Danse de
Pan
et de deux
faunes
ou de
nymphes
(suivant arrivage 😊).
-
[V16] Andante –
Adagio (également connu sous
le nom de "Solo della Casentini",
écrit pour la danseuse étoile de
Beethoven, Maria Casentini) - Les trois grâces continuent de
préparer la femme à contrôler ses émotions. Solo de la danseuse étoile.
Les
Cupidons
arrivent. Le mariage se prépare.
-
[V17] Andantino -
Adagio (également connu sous
le nom de "Solo di Viganó"). L'homme
est amené devant
Apollon. Solo de la première ballerine et duo.
-
[V18] Finale
- Mariage où différents groupes entrent, rendent hommage aux dieux et
célèbrent le succès de la mission de
Prométhée. Tout est bien qui finit bien. On entend le cèlèbre thème du final de
l'Eroïca. Pour Prométhée, le Caucase et l'aigle anthropophage façon Hannibal
Lecter, on verra plus tard.
La musique est guillerette et simple dans cette mythologie d'opérette,
parfaite pour les sorties scolaires. On doit admette que même obligé à
coucher un pensum sur des portées, le
Beethoven
a du génie (Ce n'est pas un scoop). Ce disque, comme tout ceux de l'Orpheus Orchestra n'est pas facile à trouver. Les bonnes versions sont nombreuses ; cette
œuvre n'a rien de métaphysique… Sir
Charles Mackerras
; ou encore une version "d'époque' par le
Freiburger Barockorchester
dirigé par
Gottfried Von Der Goltz.
Bonne écoute 😎
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