Contrairement aux anglo-saxons, le cinéma français fraye assez peu avec la politique. Des films comme LE BON PLAISIR (1984, Francis Girod) ou QUAI D’ORSAY (2013, Bertrand Tavernier) s’inspiraient de personnages réels, Mitterrand, De Villepin, alors que LA CONQUÊTE (2011, Xavier Durringer) nommait clairement Nicolas Sarkozy en campagne électorale. Le même Sarko est de nouveau sur grand écran, avec François Hollande, dans cette comédie sur le pouvoir, ou plutôt, l’absence de pouvoir.
Bon, disons-le, PRÉSIDENTS est un petit film sympathique, dont le synopsis est original et la bande annonce alléchante. Nous sommes en décembre 2021, six mois avant les présidentielles, Emmanuel Macron est au plus bas dans les sondages, Marine Le Pen a un boulevard devant elle pour accéder à l’Élysée. Nicolas Sarkozy, qui se morfond dans son appartement, où il développe une passion pour les aspirateurs, a l’idée de monter un binôme avec l’autre ex, François Hollande, lui aussi retraité en Corrèze, où il tâte du saxophone et élève des ruches.
C’est ensemble, unis, qu’ils feront front contre la peste brune qui menace la République. Reste à convaincre Hollande…
Le film ne repose que sur les personnages réels et ce qu'en font leurs interprètes. Un encart pré-générique annonce : « Nicolas mesure 1,82m, François est très colérique, pourtant toute ressemblance avec des personnes existantes n’est purement pas fortuite ». La réalisatrice Anne Fontaine se plaît à mélanger les caractères, les vêtir et les déshabiller, avec allusions à l'actualité et aux affaires. D'ailleurs, les protagonistes ne cessent de se plaindre de l’image qu'ils projettent dans les médias.
Si Nicolas Sarkozy en prend pour son grade au début du film, les tics, les fautes de français (à propos de Le Pen : « qui pour la battre, nous sommes deux, donc "qui" avec un "s") sa tendance à comploter, François Hollande nous apparaît sous un jour moins bonhomme une fois le projet politique sur les rails. Car finalement, après moult tergiversations, c’est Hollande le plus accro au projet, pour la simple raison qu’il s’emmerde à mourir dans sa cambrousse.
Après s’être mutuellement flatté, les deux ex reprennent les bonnes habitudes, des piques ici et là, duel d’égo, et c’est parce qu’on a à l’écran une représentation des réels personnages que le comique agit. Davantage vers Sarkozy parce que Jean Dujardin en reprend la gestuelle épileptique et les intonations de voix, sans pour autant en faire une stricte imitation, il n’a pas à forcer pour reproduire l’original, déjà caricatural. Grégory Gadebois a la rondeur qui sied à son modèle, et la teinture ad hoc, il ne l'incarne pas par la voix, trop basse, sans les petits bégaiements. Mais Gadebois parvient à faire exister son personnage dans la seconde partie. Coté actrice, si Pascale Arbillot est impeccable, Doria Tillier offre un jeu un peu limité, ou forcé…
Sarkozy et Hollande vont s’apprivoiser, se requinquer mutuellement, et se relancer dans l’arène politique au grand dam de leurs épouses respectives, une chanteuse (lyrique) pour l’un, une vétérinaire aux velléités nationales pour l’autre. Une arène qui reste très locale (manque de moyen ou pathétique assumé) : le meeting se tiendra devant une petite centaine de spectateurs, dans une salle des fêtes, animé par le maire du coin. A qui les prétendants à la magistrature suprême demanderont de les coacher à coups de questions bien senties, ils en prendront plein la gueule !
On espère que tout cela va décoller, mais Anne Fontaine ne développe pas son intrigue jusqu’à en faire une vraie politique-fiction, dommage, elle reste sur l’anecdotique, la surface, les ressorts s’apparentent plus au vaudeville qu’à la satire. Aucune méchanceté, un peu de moquerie et finalement beaucoup de bienveillance pour ces héros assez pathétiques qui voulaient sauver le monde. Anne Fontaine se contente de ses deux figures clownesques, qu’elle exploite au fil des scènes en s’appuyant sur la performance de ses comédiens, mais sans chercher à gratter sous la surface, à l’image de sa mise en scène tout juste décorative, et d’une bande son qui laisse dubitatif.
Le film est agréable, on s’y amuse, il repose sur des dialogues qui font souvent mouche, mais l’ensemble trahit un certain manque d’ambition, dans le fond comme dans la forme.
Le pitch est grotesque en soi ("Emmanuel Macron est au plus bas dans les sondages, Marine Le Pen a un boulevard devant elle") et Anne Fontaine n'y va pas avec le dos de la cuillère, convoquant jusqu'à la "nuit de cristal" (!)... La "piqure de rappel" et le prêchi-prêcha habituels...
RépondreSupprimerLe point de départ n'est pas si grotesque, plusieurs pays européens ces dernières années ont vu quelques populistes accéder au pouvoir. Mais d'accord, Anne Fontaine force le trait, la menace, tout simplement parce que ce film est une comédie, l'ensemble est sympathique et ne vaut pas que se fâche !
RépondreSupprimerLe plus cocasse étant la phrase d'Hollande "je ne pourrai pas vivre dans un pays où il n'y a que des blonds aux yeux bleus"... Je passe sur le fait qu'Anne Fontaine (je ne boirai jamais de ton eau) doit confondre la France avec la Suède ou sur l'argument (que vous jugeriez "populiste"...) selon lequel la seule "diversité" que nos "élites" côtoient est celle de leurs agents de sécurité ou femmes de ménage (c'est Ducon-Moretti qui a dit que s'il n'y avait pas d'immigration, y'aurait personne pour ramasser nos poubelles ! Ce qui en dit long sur la considération qu'il leur porte...) mais... imagine-t-on un président japonais dire à ses compatriotes "je ne pourrai pas vivre dans un pays où il n'y a que des petits bruns aux yeux bridés" ? :-)
RépondreSupprimerEnfin, je tiens à vous rassurer, la France est vaccinée (c'est le cas de le dire !), c'est verrouillé à triple tours et la clé est à 1000 lieues sous les mers (avec un requin qui rode, au cas où)... C'est sociologique. Et puis ça avait dû être le cas, ce serait déjà fait.