jeudi 8 juillet 2021

NEKTAR "...Sounds like this" (1973) par Benjamin

Groupe anglais formé en Allemagne, Nektar est un gang oublié dont les albums sont aujourd’hui devenus cultes. Fan des Beatles, le groupe se forme à Hambourg, la ville qui fut le théâtre des premiers concerts des quatre garçons dans le vent. A une époque où les rythm’n’bluesmen anglais font swinguer Londres, les musiciens de Nektar ont d’abord formé leurs propres formations. Mais la perfide Albion n’a pas voulu d’eux, obligeant ainsi les musiciens à s’exiler au pays de la choucroute.

Parmi ces losers, seul le guitariste Ray Allbrighton connut son heure de gloire. Nous étions alors au milieu des sixties, et Ray donna la réplique à un Hendrix venu trouver en Angleterre la notoriété que son pays lui a refusée. Nektar a ensuite la chance de rencontrer Mick Brockett, l’alchimiste génial ayant inventé le light show délirant de Pink Floyd, qui accepte de produire ses effets délirants pour les concerts de Nektar.

Mis en valeur par un ses effets visuels, Nektar attire vite l’attention d’une Allemagne en pleine ébullition psychédélique. Pour oublier le traumatisme du nazisme, une horde de musiciens se sont jetés sur la pop anglaise et américaine, dont elle commence à réadapter la grandiose inventivité. Cette fin de sixties voit donc Amon Düll repousser les limites de l’acid-rock dans de grandes improvisations, Can oublier la virtuosité de ses musiciens pour produire une musique se rapprochant de l’énergie primaire du Velvet, Guru Guru creuser le sillon d’un heavy rock hypnotique…

Amusé par l’invasion de ces hippies teutons, les anglais qualifie cette musique de krautrock, ce qui signifie littéralement rock choucroute. Sous ses ricanements, un de ses groupes est en train de surfer sur la vague de ce rock choucroute. A une époque où les labels locaux signent des groupes à tour de bras, du moment qu’ils jouent une musique planante, Nektar enregistre vite un premier album. « A tab in the ocean » (1972) fait clairement du pied à la scène locale, ce premier album sera d’ailleurs le seul à reprendre aussi clairement les codes des contemporains d’Amon Düll.

L’album suivant tentera de retrouver les faveurs d’une terre natale qui est maintenant envahie par la vague des prog rockers. Menée par des figures de proue tels que Yes, Genesis et Emerson Lake and Palmer, cette vague rallonge la durée des titres rock, qui dépassent souvent les dix minutes, et commence à centrer ses albums autours de concepts alambiqués. « A tab in the ocean » entre dans le rang des grandes fresques rock, ses deux titres deviennent les principaux chevaux de batailles des concerts du groupe. Les radios sont séduites par ce clavier électronique flirtant avec l’avant-garde progressive, ne se lasse pas de cette guitare jouant le blues du cosmos. Bien que très longs, les titres du groupe tournent en boucle sur plusieurs stations de radio, et les journalistes saluent cette verve cosmique.

On place aussi Nektar dans le rang du proto hard rock, on compare ses fresques heavy aux trips plombés de Vanilla Fudge et Iron Butterfly. Encouragé par cette bonne presse, Nektar s’enferme en studio, où il se contente de laisser les bandes tourner pendant qu’il improvise. Libéré de toute contrainte, un clavier gothique semble rivaliser avec la violence hard blues de Deep Purple, la guitare baigne son swing implacable dans le chaudron délirant du psychédélisme. La fluidité d’une rythmique puissante sans être assourdissante permet au groupe de se poser sur des mélodies charmeuses, qui rappellent furieusement ses origines anglaises.

Solidement fixées sur une rythmique lourde comme un défilé de mammouths défoncés, des explorations cosmiques telles que « A day in the life of a preacher » font le lien entre le space rock et le hard rock naissant. Marqué par son expérience derrière Hendrix, Roy Allbrighton semble avoir absorbé un peu de cette fièvre voodoo qui changea à jamais le rock'n'roll.

Après avoir entendu ce bouillonnement space rock, Elton John parlera d’un album extraordinaire. « Sound like this » arrive malheureusement au plus mauvais moment. Poussé par un succès qui ne fait que croitre, Nektar enregistre rapidement un autre album. Porté par un son plus mélodique, « Remember the futur » fait un carton aux Etats Unis, éclipsant ainsi son petit frère heavy. « Sound Like this » reste pourtant l’album le plus brillant du plus allemand des groupes anglais. Il montre une bande de renégats arrivés au carrefour des avant-gardes, des explorateurs fous prenant tous les chemins non balisés de leur époque.  

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