mercredi 7 juillet 2021

Stevie WRIGHT "Black Eyed Bruiser" (1975), by Bruno

 


     Aujourd'hui encore, le patronyme Easybeats résonnent encore dans les mémoires ; ne serait-ce que par le succès de la chanson "Friday on my Mind" de 1966, qui s'est imposée dans les charts de nombreux pays, et qui a aussi fait l'objet de nombreuses reprises de 1967 jusqu'à nos jours ; par David Bowie (le premier ?), Peter Frampton, Blue Öyster Cult, Richard Thompson, Gary Moore, London, etc. Dans une moindre mesure, bien que meilleur, il y a aussi  l'énergique "Good Times" (avec Steve Marriott en guest !) que Jimmy Barnes a fait sienne. Chanson choisi par le même Barnes et INXS pour faire la bande son de "Génération perdue" ("The Lost Boys"), film de 1987 de Joel Schumacher. Mais qu'en est-il de Stevie Wright ? L'énergique chanteur à la chevelure blonde et flamboyante qui faisait des flips back sur scène. Stephen Carlton Wright, né le 20 décembre 1947 à Leeds (Angleterre), décédé le 27 décembre 2015 à Melbourne (Australie).

de G à D : Wright, Young, Vanda & ... Stevie Young

   Certains se souviennent encore que ce quintet parti d'Australie trouver le succès en Albion comportait une paire de compositeurs qui n'avait pas encore fini de faire parler d'eux. Evidemment, il s'agit de George Young et d'Harry Vanda. Deux émigrés, le premier Ecossais et le second Hollandais, entraînés par leur famille en Australie dans l'espoir d'une vie meilleure. Bien qu'assez discrets, ils vont devenir des célébrités de la scène Rock et Pop aussie. Une fierté nationale. Après la dissolution des Easybeats, ils travaillent pour Albert Productions de Sydney. En qualité de musiciens, d'auteurs-compositeurs et de producteurs. En fait, ils n'ont pas trop eu le choix, sachant que les Easybeats traînaient derrière eux une dette qu'il fallait éponger. 

     Chez Albert Productions, il règne encore une certaine ambiance familiale, certainement à la taille plutôt modeste de la société. Même si quelques artistes trouveront quelque chose à dire, à reprocher - généralement en nuançant -, la maison se targue de prendre soin de ses artistes. Effectivement, le label jouit d'une très bonne réputation qui s'étend au-delà des mers du Sud. La plupart des grands groupes aussies y ont fait au moins un passage. Et pour ceux qui sont parvenus à s'exporter, ce fut un solide tremplin.

     Le tandem Vanda-Young est mondialement connu par tous les fans (fort nombreux) d'AC/DC, sachant qu'il fut le producteur exclusif du premier album jusqu'au premier live "If You Want Blood... You've Got it". Et puis bien sûr, George Young n'est autre que le frère aîné de Malcom et d'Angus Young.

     Cependant, pendant que Vanda & Young s'épanouissent dans leur vie de cadres d'Albert Productions, leur ami Stevie Wright est déprimé, à la dérive, en proie aux drogues et à l'alcool. Depuis la fin des Easybeats - qui avaient fait le choix de refuser un contrat de Brian Epstein (le manager des Beatles), afin de pouvoir rentrer librement chez eux -, Wright a bien tenté de continuer en solo mais sans aucun succès. Ses addictions minent sa carrière et en dépit de son glorieux passé, les studios et les labels, lassés de son instabilité, lui tournent le dos. 


   Dans un moment de lucidité, voyant son avenir sous un jour sombre, il tente de se ressaisir et part quémander l'aide de ses anciens comparses. Au fond du trou, il les supplie de l'aider, promettant de se ressaisir. Vanda & Young interviennent alors personnellement auprès du boss, Ted Albert, afin qu'on lui donne une nouvelle chance. Connaissant les capacités de ses poulains et de Wright, en souvenir aussi de la saga des Easybeats, le patron acquiesce. 

     Outre la production , George prend la basse et Harry la guitare ; on fait appel à Warren Morgan, le pianiste des Aztecs (premier groupe à succès du label) et à Malcolm Young pour la rythmique. L'album, "Hard Road", sort en avril 74 et remporte un franc succès, notamment grâce à deux chansons, écrites par le tandem Vanda & Young, qui se hissent en tête des charts australiens : "Hard Road" et " Evie". La première est reprise par Rod Stewart sur "Smiler", édité la même année."Evie" est une œuvre ambitieuse en trois parties. Comme les trois parties d'une aventure amoureuse. La première décrivant l'attirance, l'émoi que suscite la personne désirée. La seconde, la joie et le bonheur d'une relation amoureuse. Et enfin, la troisième, sombre et amère, relatant la rupture dans la douleur et la rancœur. 

     Rassénérés par le succès - national - de l'album, et celui des singles (n° 1 pour "Evie"), Albert Productions, Stevie Wright, et le tandem Vanda & Young remettent le couvert. Avec cette fois une large majorité de chansons de ces derniers. Après tout, ce sont bien les leurs qui ont grimpé dans les charts et qui ont séduit le mod Ecossais.

     La chanson éponyme récupère le riff de "You Really Got Me" pour le restructurer et le régurgiter à la sauce australienne. On ne parle plus de fille et de désir mais de baston et de fanfaronnades. Les cuivres qui s'époumonent derrière les guitares ne parviennent pas à tempérer l'(h)ardeur de ce brûlot proto-hard. Rose Tattoo ne s'est pas trompé lorsqu'il a repris cette torpille sur son dernier (mé)fait. Au contraire. "The Loser" garde la même énergie mais dévie légèrement vers la Soul pour un résultat festif et galvanisant, auréolé de bonne humeur. Entre le slow-blues et une Soul sèche et langoureuse, "You" préfigure le "Ride On" des cousins d'AC/DC. A l'exception de la seconde partie qui tente de trouver un chemin menant aux cieux, portée par une puissante voix féminine (non créditée), un orgue en extase et un saxophone papillonant. La totale.


   Avec "My Kind of Music", Vanda & Young projette leur ami dans le Funk des Meters, avec une basse autoritaire, bien en avant, imposant son groove. Evidemment, c'est du funk traité avec la dureté et la sobriété de ces fripouilles aussies. Sans ornementations ou ostentations. "Guitar Band" retrouve le chemin d'un Rock dur sans fioritures, plutôt glam sur les bords.

   Funk à nouveau avec "The People and the Power". Un Funk vindicatif, revendicatif, politique "... Maintenant, les gens n'ont plus le pouvoir de changer les choses... Maintenant, l'imbécile a inventé l'argent, puis sont venus les impôts qu'il a levés pour obtenir plus de pouvoir de tant de manières subtiles. Les impôts ont levé une armé et elle a fait son travail pour garder le peuple tranquille quand l'imbécile est devenu roi... Le roi qu'ils avaient décapité était resté trop tard, la religion et les grandes entreprises régnaient maintenant sur le sort du peuple... c'est bien un pays libre tant que je sors pas de la ligne... Les riches créent les combats dans les tranchées boueuses. Les riches donnent les munitions et le peuple le sang"

   "Help ! Help !" fait un bond temporel en arrière, dans les sixties, renouant avec l'épopée des Easybeats. 

    L'album se termine sur deux chansons de Stevie Wright qui ne déméritent pas, même si elles souffrent d'une approche plus datée, bien moins ancrée dans le Rock rugueux et abrasif. A commencer par "Twenty Dollar Bill", qui résonne comme du Rhythm'n'Blues vaguement poppy, un poil honky-tonk, un peu bastringue, dont le rythme n'est pas sans évoquer la couleur de Mumgo Jerry (dont la carrière est loin de se résumer à un hit international). Et pour finir, "I've Got the Power" qui, avec une fougue euphorisante, soude le Rock à la Soul.

     "Black Eyed Cruiser" est bien meilleur que son prédécesseur. C'est un grand album de Rock, de Rock'n'roll (au sens large) australien. Un disque qui aurait dû être celui de la consécration, voire même un passeport pour l'Europe et le continent américain. Malheureusement, Wright n'a pas réussi à décrocher, et replonge même plus profondément dans ses addictions en devenant héroïnomane, ce faisant même surprendre pendant les séances d'enregistrement. Alors qu'il avait assuré ne plus y toucher. Il est incapable d'assurer la moindre tournée promotionnelle, et doit se résoudre à entamer rapidement une cure de désintoxication. Ce qui fait que cet excellent album ne sera jamais défendu sur scène. Ni ailleurs. Vanda et Young, dépités, déçus, baissent définitivement les bras.

     Stevie Wright fait l'objet d'un traitement à base d'une sur-médicamentation le plongeant dans un état comateux, et d'électro-chocs. Cette méthode douteuse et controversée a souvent des effets irréversibles sur la santé mentale du patient. Et Stevie en gardera des séquelles. Pointées du doigt, ces méthodes font scandales et le psychiatre mettra volontairement fin à ses jours

     George Young et Harry Vanda s'accordent pour considérer Stevie Wright comme l'un des meilleurs, sinon le meilleur du continent. Pour eux, il avait tout pour réussir et devenir une véritable Rock star. Le charisme, la vitalité, le talent. Mais il a tout saboté. Du gâchis. Certains d'ailleurs n'hésitent pas à dire que Bon Scott lui devait tout, de l'intonation du chant à la gestuelle scénique. Reste cet album, qui, bien pas vraiment Hard, ne dépareille pas au milieu des boulets rouges du Heavy-rock australien.

     La réédition du label français Bad Reputation, a eu la bonne idée de rajouter en bonus "Hard Road" et "Evie" qui s'harmonisent bien mieux avec cet album qu'avec le précédent.



🎼🎶🐨

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