mardi 13 juillet 2021

LES RISQUES DU MÉTIER d’André Cayatte (1967) - par Pat Slade



J’aime le cinéma même les films qui commencent à avoir ou ont de la bouteille ou même qui sentent la poussière. L’industrie cinématographique actuelle ne vaudra jamais ce que l’on faisait il y a  un demi siècle (un sentiment perso), mais surtout, ce qui a disparu : c’était une certaine catégorie d’acteurs qui avait de la gueule !


SALES GOSSES !!!



En plus d’avoir été une bête de scène, Jacques Brel était un acteur de talent. Que ce soit dans les films d’époque comme «Mon Oncle Benjamin» d’Edouard Molinaro, dramatique et ambigu dans «Les Assassins de l’Ordre» de Marcel Carné ou «Mont-Dragon» de Jean Valère ou la comédie avec «l’Aventure c’est l’Aventure» de Claude Lelouch ou «l’Emmerdeur» également d’Edouard Molinaro, il sait se fondre dans ses rôles et devenir le personnage qu’il doit jouer. En 1967 «Les Risques du Métier» sera son premier long métrage et l’intrigue du film à la fin des années soixante était des plus risquée.  

A.Cayatte - J.Brel
Ecrit par André Cayatte et Armand Jammot (L’homme des chiffres  et des lettres et «Les Dossiers De L’Ecran») les deux hommes vont adapter au grand écran le livre éponyme publié la même année par Simone et Jean Cornec. Un livre inspiré d’une histoire vraie sur les témoignages ambigus d’élèves accusant leur professeur de pédophilie.

Quittant l'école en pleurs et en courant, une jeune fille traverse tout son village pour aller s'enfermer dans sa chambre. Que s'est-il passé ? Selon elle, son instituteur lui a fait des attouchements, ce qu'il dément, puis deux autres élèves vont l'accuser de pédophilie. André Cayatte met peu à peu son récit en place et va mettre cet instituteur face aux témoignages des trois filles en question. Le sujet est très délicat, aborder la pédophilie, les faux témoignages ou encore la parole des enfants. L'importance de l'opinion publique avec sa galerie de personnages, où chaque rôle a son importance, montre comment elle peut influer sur l'humiliation que va subir le personnage principal. Les gamines, que ce soit Delphine Desyeux, Christine Simon ou Nathalie Nell qui reste toujours stoïque avec les yeux exorbitée, te donnent quelque fois l’impression d’être sorties du film «Le Village Des Damnés». Pour jouer le rôle de Jean Doucet, il n’y avait qu’un type comme Brel pour jouer un rôle aussi casse gueule et pour son premier rôle, on le découvrira comme un réel acteur né.

J.Brel - E.Riva
Cette plongée dans les années 60 nous donne un portrait saisissant de l'éducation à cette époque. La liberté pour les jeunes filles était tellement restreinte, qu'elles en venaient à mentir pour protéger leurs escapades, et la victime en sera un brave instituteur. Jean Doucet est gentil, s’adressant à ses élèves avec un équilibre très juste d'autorité, d'empathie et de connivence mais il va commettre une erreur celle d'humilier la belle Catherine (Delphine Desyeux), la ramenant à son rang de petite fille. Ce sera le point de départ d'une mythomanie collective, relayée par les parents. Heureusement qu’il a sa femme (Emmanuelle Riva) qui n’a aucun doute sur sa non culpabilité, va, heureusement, faire sa propre enquête qui fera basculer l’affaire sinon l’instituteur aurait fini lynché.

Le film qui vous prend aux tripes et le pari qu'avait fait le réalisateur en misant sur Brel acteur fut un triomphe avec 3,5 millions d'entrées en salles. André Cayatte étant avocat de formation a toujours su mettre en scène un de ces films à thème sur le fonctionnement de la machine judiciaire. Pour l'époque il posait de vraies questions qui restent d'actualité (plus aujourd'hui qu'à cette époque d'ailleurs). Il remettra le couvert quatre ans plus tard avec le très beau «Mourir D’aimer», encore une histoire dans le milieu de l’enseignement ou Annie Girardot y trouvera un de ses plus beaux rôles. L’Histoire vraie de Gabriel Russier professeure agrégée de lettres condamnée à un an de prison avec sursis pour enlèvement et détournement de mineur après une liaison amoureuse de plus d'un an avec un de ses élèves âgé de dix sept ans.

«Les Risques du Métier» : un film sur l’école dans une commune rurale loin des problèmes des échecs scolaires dans les citées de la région parisienne. A voir pour sa distribution et son jeu d’acteurs. Que ce soient les seconds rôles ou même les jeunes filles, la direction d’acteurs est impeccablement maîtrisée sachant que beaucoup n’étaient même pas professionnels. Et Jacques Brel et Emmanuelle Riva y jouent un couple attachant.


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