mardi 11 mai 2021

« Z » (1969) de Costa-Gavras - par Pat Slade



Aujourd’hui je vais dévoiler un peu de ma personnalité avec un film qui m'a marqué et qui reste culte.



« Il est Vivant ! »




Costa-Gavras
J’ai commencé très tôt des collections en tout genre, la première étant les disques vinyles, (mais ça ce n’est un secret pour personne !) la seconde étant tous ce qui est bouquins et bandes dessinées et surtout tout ce qui concerne Tintin (Objet compris !) et la troisième  a été les affiches de films et de concerts. Cette passion m’a pris un samedi alors que je me promenais au marché au puce porte de Clignancourt. Une échoppe vendait toutes sorte d’objets en lien avec le cinéma et la musique : des affiches, des photos, des autographes et mille bricoles qui te mettent des étoiles dans les yeux. Et en farfouillant dans tout ce stock de papiers, je trouve l’affiche de « » le film de Costa-Gavras qui pour moi représentât un moment culte dans une salle obscure. Pourquoi était-il culte ? Parce qu’il ma forgé mes convictions politiques, le refus de toutes dictatures, la défense de la liberté d’expression et la bataille pour la liberté en général, et mes idéaux se trouveront renforcés quand je verrais le film suivant de Costa-Gavras «L’Aveu». Mais « » est avant tout un thriller politique avant d’être un film politique. 

Nous sommes à la fin des années 60, c’est l’époque du Flower Power, les fleurs poussaient dans les cheveux et aux States soufflait une bouffée d’air frais de liberté, et pourtant les dictatures militaires et les régimes autoritaires faisaient régner un régime de terreur dans beaucoup de pays, surtout en Amérique Latine. Plus proche de nous, le Portugal subissait le régime autoritaire salazariste, En Espagne Franco depuis 1936 dirigera d’une main de fer un pays qu’il essayera de faire vivre avec un système autarcique, mais la dictature la plus représentative qui laissera des marques sur le vieux continent sera celle des colonels en Grèce. Plus tard ce sera le Chili avec le coup d’état d’Augusto Pinochet suivi par l’Argentine avec Jorge Rafael Videla. Et tout ces dictateurs en uniforme qui feront subir les pires sévices au peuples ne feront que forger mon idée que les régimes totalitaires sont des choses à anéantir et comme disaient les partisans de la Seconde République espagnole : ¡No Pasaran!.

 

Grigoris Lambrakis
La Grèce revendique une histoire très longue et très riche, mais je ne remonterais pas jusqu’à l’antiquité, juste au début des années soixante ou le climat politique est plutôt tendu. Les démocrates, la famille royale et les militaires essayent chacun d’avoir une part du pouvoir. En 1963 Grigóris Lambrákis un député de l’EDA (Union de la Gauche Démocratique) est assassiné par une milice paramilitaire, un meurtre qui entrainera indirectement un coup d’état en 1967 et qui instaurera la dictature des colonels. Son assassinat sera le sujet du roman non fictionnel « » de Vassilis Vassilikos et du film éponyme de Costa-Gavras.

« » est un film dur et âpre. Un film qui se dit de fiction mais qui ne l’est pas. Au tout début, on peut lire « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire ». Une distribution à la hauteur de l’œuvre, Yves Montant dans le rôle de Z aussi appelé le Docteur, ses lieutenants et amis, Charles Denner, Jean Bouise, Bernard Fresson, Irène Papas qui interprète la femme de Z, Jean Louis Trintignant le juge d’instruction et Jacques Perrin pour ne citer que les rôles principaux, tellement la liste est longue. Z est l'initiale du mot grec ancien zêta qui signifie « il vit » ou « il est vivant », Les opposants inscrivaient cette lettre sur les murs pour protester contre l'assassinat de Grigóris Lambrákis.

Denner-Fresson-Montant
 Nous sommes dans un pays méditerranéen (La Grèce, bien qu'elle ne sera jamais citée !) la police et la gendarmerie estiment qu’ils doivent  s’opposer à tous les mouvements subversifs qu'ils soient pacifistes, communistes ou anarchistes. Le nouveau chef de l’opposition surnommé le Docteur arrive dans une grande ville pour tenir une conférence en faveur du désarmement. Le climat est tendu, après son allocution, alors qu’il sort de la salle, un triporteur va surgir et « heurter » le député qui s’écroule et décèdera de ses blessures à l’hôpital. La préfecture s’empresse de passer un communiqué disant qu’il s'agirait d'un malheureux accident causé par deux ivrognes. Entrent en scène un journaliste (Jacques Perrin) qui va mener son enquête en parallèle et mettre son nez un peu partout et un juge d’instruction qui n’est ni pour la gauche, ni pour la droite, il est tout simplement intègre. Il va découvrir rapidement à parir du faisceau d'indices qu’il s’agit d’un assassinat organisé par un organisme d’extrême droite le C.R.O.C (Combattants Royalistes de l'Occident Chrétien). Il comprend que toute l’affaire a été planifiée par les commandants de la gendarmerie de la région et que les plus hautes autorités de l’état sont aussi impliquées. Acculé, le pouvoir en place va reconnaitre les faits et la hiérarchie militaire sera mise au banc de l’accusation pour avoir organisé et couvert l’assassinat. Au procès, le jugement sera clément, ce qui déclenchera une vague d’indignation, le gouvernement démissionnera. Les sondages donnent l’opposition de gauche vainqueur aux prochaines élections, pourtant les militaires prendront le pouvoir.

J.L. Trintignant
Le juge d’instruction joué par Jean-Louis Trintignant était Khrístos Sartzetákis. En 1968, pendant la dictature des colonels, il sera arrêté, emprisonné pendant un an et renvoyé du corps des magistrats qu’il réintégra en 1974. Il sera élu en 1985 président de la République. Costa-Gavras avec « » commence on cycle de films politiques qui resteront dans sa filmographie, s’en suivra « L’Aveu », « Etat de Siège », « Section spéciale », « Missing »  et aussi « Amen ». Le réalisateur demandera à Mikis Theodorakis de composer la musique, mais ce dernier étant emprisonné sous le régime des colonels en raison de son opposition à la dictature, ne pourra que faire passer le mot : « prends ce que tu veux dans mon œuvre ». Il découvrira le film et sa musique qu'une fois libéré et exilé en France.

Pourquoi dit-on "aller se faire voir chez les Grecs" d’ailleurs ?? Il valait mieux éviter à cette époque !

Nota : au sujet de cette expression, d'après le Toon qui a vécu dans l'antiquité, elle prend souvent un sens erronée pour le moins vulgaire, quoique pas complètement faux sur ses origines. Autre temps autre culture "éducative" chez l'élite grecque pour les adolescents, parlons plutôt ,sans faire un dessin, de rite initiatique (facultatif) à travers des pratiques très condamnées par ailleurs en temps normal... paradoxe. Plus élégant, l'imprécation s'entend de nos jours pas "Aller brûler en enfer..."


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