"Mais... ? Que se passe-t-il ?" C'est la révolte des sexagénaires ? Depuis son retour, Thunder réalisait tranquillement des disques bons certes, mais finalement ne présentant que bien peu de choses réellement excitantes. Les "Backstreet Symphony", "Behind Close Doors", "Laughing On Judgement Day" (surtout) et "The Thrill of It All" sont bien loin. Comme il est difficile de maintenir un certain niveau, surtout lorsqu'on touche l'excellence, en essayant de ne pas se répéter. Des albums sympathiques mais qui semblaient se complaire dans une forme de conformisme. Un peu dommage pour ce groupe anglais qui avait réussi dans les 90's, avec son Heavy-rock que les accros aux modes auraient jugé dépassé, à percer l'épaisse muraille édifiée par le Grunge.
Loin du Hair-metal - du Hard-rock typé 80's - qui a fini par se trucider lui-même à force de se pavaner et de répéter des formules (imposées ?), Thunder avait remis au goût du jour au début des années 90, un fringant et viril Heavy-rock que l'on pourrait définir comme un substitut, ou plutôt un savoureux brouet de Trapeze, Bad Company, Humble Pie, Whitesnake, Def Leppard, Fastway et Aerosmith. A quelques exceptions près, ce quintet londonien cultive des ingrédients "so British" pour en faire une entité qui a redoré le blason anglais en matière de Heavy-rock de classe.Malheureusement, à partir du nouveau siècle et en dépit de quelques beaux sursauts, Thunder peinait à retrouver de sa superbe. Sa troisième reformation de 2011 ne dérogeant pas à la règle. Toujours de bons disques, mais rien de transcendant. Mais quel groupe ou artiste serait parvenu à réaliser une douzaine d'albums sans failles ? D'autant plus que le groupe se repose quasiment essentiellement sur Luke Morley pour composer et écrire les chansons. Enfin comme la plupart de leurs collègues musiciens ayant dépassé les vingt ans de carrière, la formation s'arrange pour incorporer à leurs disques quelques séduisantes chansons qui parviennent à maintenir l'illusion. A savoir l'activité du noyau dur, Luke Morley, Danny Bowes et Gary Harry James remontent à la première moitié des années 80's. Alors ralliés sous le patronyme de Terraplane, ils ont commencé à fréquenter les charts en 1985 (1er single en 1983 et album en 1985). Leur tort est aussi dû à une générosité, une habitude de faire des disques copieusement fournis, tournant autour des 50 minutes et plus. Ainsi, nombre de leurs galettes auraient gagné à être plus modestes. La plupart n'aurait été que meilleures tronquées d'une à trois chansons.
Et puis là, au moment où le quintet briton aurait pu lasser, débarque un "All The Right Noises" qui, sans rivaliser avec le diptyque gagnant "Laughing On Judgement Day" et "Behind Close Doors", ni rien révolutionner, s'affiche parmi les meilleures réalisations du groupe. Décomplexées, certaines compositions osent afficher sans retenue les influences diverses d'hier et d'aujourd'hui. Morley propose aussi quelques textes reflétant son ressenti en matière de politique (il n'était visiblement pas favorable au brexit ) interne et externe. Ainsi que ses inquiétudes en matière d'évolution sociale.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, vu l'âge des musiciens, cette dernière fournée de pièces de Heavy-rock exsude d'une énergie encore bien chargée de testostérone. C'est certain qu'il y a du monde derrière qui participe à ces décoiffants souffles de Marshall en rut et de Gibson rageuses (mais il semblerait que les Fender aient fait une percée, notamment sur "Force of Nature"). A commencer par la frappe de Mister James. Il n'a pas l'air comme ça, chauve comme un genou, éternellement caché derrière une paire de verres noirs, mais le monsieur cogne dur. Sa batterie, correctement mise en valeur par le mixage de Mike Fraser, résonne telle une mandale signée Tyson (également Mike de son prénom) (1). Mais il y a aussi un soin particulier apporté aux choristes, dont les quelques prestations sont généralement mises en avant, donnant ainsi un léger cachet de rhythm'n'blues. Même si derrière, les lascars continuent à labourer sec. Ainsi que d'occasionnels et cossus cuivres qui épicent et enjouent les morceaux, leur procurant du volume tout en restant dans un cadre (heavy-)rock'n'roll.Thunder a la mauvaise habitude de débuter ses disques par un titre se focalisant sur la puissance de feu au détriment de l'originalité. Ici, la formation ne déroge pas à la règle. Mais "Destruction" remet les pendules à l'heure ; ça rue dans les brancards avec un flegme tout britannique et une classe innée. Un brin Led Zep, réhaussé de la lourdeur et l'agressivité boueuse d'un Black Sabb' (ou plutôt des sessions Iommi et Hughes). Bien que catchy, le morceau planche sur les problèmes de santé mentale, dont la courbe ne cesse pas de s'élever (Morley lui-même y étant confronté via sa belle-mère). Crânement, le combo s'offre le luxe de placer en troisième bordée, sans craindre de refroidir l'auditeur, une pièce acoustique, avec guitares folk et mandoline, et talk-box papillonnante. "The Smoking Gun" met en garde, à sa manière, sur les menteurs prêchant le changement (ou la révolte) en se fondant sur l'ignorance et en attisant les peurs. "Clair dans son esprit dérangé, le jour était venu pour l'insurrection. Des rues comme des veines ouvertes, saignements de colère et de frustration. Alors il a prêché avec fureur dans ses yeux devant la congrégation". Mais après l'intermède boisé, la troupe remet les watts avec un "Going To Sin City" qui s'ébroue dans les eaux d'AC/DC - avec des effluves de poudre noire, de "T.N.T." -. Avec solo pentatonique nerveux de rigueur. Quelques cuivres s'époumonent, tentant de supplanter les guitares rageuses, ne parvenant qu'à épaissir le son et néanmoins à lui donner une nouvelle énergie de rhythm'n'blues torride ; parfums bohèmes d'Aerosmith. Regard acerbe sur la vie urbaine et nocturne, truffée de personnes perdues, en quête de sensations et d'intégration... des proies. Mais aussi évocation d'une certaine liberté offerte une fois la nuit tombée. Mais gare aux prédateurs à l'affut. Une chanson inspirée de leurs souvenirs puisés lors de leur premier séjour à Los Angeles (pourtant, sans équivoque, le clip pointe montre du doigt Las Vegas) "Je veux être là tous les soirs, car tout le monde fait partie de la pantomime. Dans Sin City, vous traînez avec la tribu... Tous les vampires et les monstres sont à la recherche de ce qui est bon à manger. Vous pouvez incarner qui vous voulez jouer. A Sin City vont les "enfants" perdus. Sin City est un bel enfer ".
Pour continuer avec la catégorie des gros riffs syncopés, on a aussi "Don't Forget Go to Live Before You Die " qui explore la face obscure de Def Leppard ; la cultive même en l'embellissant d'une couche bluesy. Ainsi que le fringant "Young Man", où l'on retrouve les cuivres sur la seconde partie qui avec parcimonie, et toujours sans contrarier la suprématie des grattes, injectent un poil de funk à ce morceau de Hard-blues teigneux au soupçon de Glam (british, of course). Une résonnance de The Union, l'incartade de Morley et de Chris Childs (le bassiste) pour une poignée de bons albums de rugueux Heavy-rock bluesy. Tout comme "You're Gonna Be my Girl", irradiant de bonne humeur, qui évoque (vaguement) aussi le souvenir des Faces et de Mott The Hoople. avec un piano en toile de fond.
Les ballades sont un passage obligé chez Thunder. Cependant, étrangement, ce n'est pas particulièrement là où il excelle. "I'll Be The One", avec son piano autiste à la manière de "Dream On" (des Bostoniens volants), ne fera jamais chavirer les cœurs.
Seule, - avec The Smoking Gun" -, "She's a Millionairess" s'invite en territoire Nord-américain, dans les chaudes contrées de la Floride, en se pavanant fièrement sur cette orchestration enthousiaste bien proche du Lynyrd Skynyrd ère Medlocke.
Le Hard-rock Anglais fait de la résistance. Alors que The Darkness accuse un coup de mou, Thunder prend aussitôt la relève avec un album solide et goûteux. Même s'il n'offre aucune réelle surprise, "All The Right Noises" se glisse aisément parmi les meilleures réalisations du quintet londonien, et incontestablement la meilleure des années 2000. Le son, la tonalité, la patte "Thunder" sont immédiatement identifiables. Et puis, il y a la voix de Danny Bowes qui, en trente années n'a quasiment pas bougé (!). Certains le jugeront "Old School", d'autres "Classic-rock", mais qu'importe la branche de cet Heavy-rock. L'essentiel c'est qu'il est pourvu d'une étonnante fraîcheur qui aurait été plus logiquement le fruit de jeunes loups plutôt que de celui de sexagénaires au long cours.
(1) Sachant que l'emploi du temps de Mike Fraser ne lui a pas permis de travailler sur tout l'album, accaparé par "Power Up", dernier disque en date d'Australo-écossais.
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