mardi 13 avril 2021

LE VIEIL HOMME ET L’ENFANT de Claude Berri (1966) - par Pat Slade


La tendresse, la tolérance et l’amour en temps de guerre, Claude Berri nous narre une page de sa vie de jeune israélite dans un monde troublé.



Ce Sacré Grand-Père !


C.Denner - A.Cohen)
En 1944 il n’était pas bon de se promener dans les rues de Paris (Et d’ailleurs aussi !) quand on portait une étoile jaune sur le cœur, et le petit Claude Langmann (Alain Cohen) (Nom d'état-civil de Claude Berri) arrivera à éviter les rafles nazies en étant envoyé aux pieds de la Grande Chartreuse chez un couple de vieux retraités.

Le petit Claude vie avec ses parents (Charles Denner et Zorica Lozic) à Paris et, après avoir volé un jouet dans un magasin, il va être envoyé chez les parents de sa mère, un couple de vieux retraités (Michel Simon et Luce Fabiole). Ils sont naïfs et dépassés par les événements dans leur vie en vase clos, deux vieillards qui essaient vainement de comprendre cette guerre qu'ils suivent passionnément à domicile. Ils sont très influencés par la propagande et craignent tout ce qui ne fait pas partie de leurs microcosmes. Anglais, francs-Maçons, bolcheviques, juifs... sont leurs bêtes noires. Mais si on leur demandait ce qu’est un franc-maçon, leur réponse témoignerait d’une profonde ignorance. 

Un beau matin le petit réfugié arrive et transforme leurs solitudes. Le couple pétainiste et antisémite ne saura jamais que Claude est juif. Une tendre amitié lie rapidement le petit Claude et Pépé, inséparable de son chien. Pépé est un personnage haut en couleur. Vétéran de la Première Guerre mondiale, Pépé se vante de ses convictions anticléricales et anti-gaullistes, déteste les juifs et les anglais et comme beaucoup de français de sa génération, il voue une fidélité indéfectible au Maréchal Pétain, héros de Verdun et sauveur de la patrie. Le tour de force de Claude Berri est de présenter le couple sous un jour positif.

La campagne est aussi un havre de tranquillité, un lieu de rires et de jeux grâce à Pépé en dehors de brimades et du cadre strict du monde des enfants et de l’école. Ah l’école, avec la maitresse qui fait la chasse aux poux le matin sur la tête des enfants et, quand elle en trouve un, sort sa tondeuse de sa poche avec une joie sadique non dissimulée. Claude sera tondu. Claude et Pépé font ensemble l’école buissonnière et les quatre cents coups à grand coup de joute verbale. L’enfant est plus malin que le vieil homme et lui dame souvent le pion chaque fois qu'ensemble ils abordent des discussions sérieuses. Comme la scène ou Claude demande au pépé «Pépé, parle moi encore des juif !» et de fil en aiguille, le vieil homme va se retrouver coincé au pied du mur, et aussi la scène de la fausse terreur alors que le petit juif joue au vieux bonhomme, en qui il feint, un soir, de reconnaître, à cause de son grand nez et de ses cheveux bouclés, le youpin croquemitaine, si souvent décrit par le pépé. Le film ne se limite pas à une série de duos entre le vieil homme et l'enfant, c’est une image pittoresque d’un coin de campagne française sous l’occupation un peu dans le style de «Jeux Interdit». 

Même s’il aborde des thématiques graves (guerre, antisémitisme) en les saupoudrant d’humour et de tendresse, Claude Berri ne tombera pas dans des excès larmoyant. C’est  une chronique lumineuse, positive, fraîche avec ses scènes pittoresques et bucoliques malgré les contradictions qui sclérosaient la France de l’époque. Tendresse et poésie portées par Michel Simon dans son personnage de pépé coincé entre bêtise et tendresse qui ne comprend plus le monde des hommes et se réfugie dans celui des animaux et des enfants. Pour l’anecdote, la mère de Claude (Zorica Lozic) deviendra la petite amie de ce dernier dans «Le Pistonné» (clic) quatre ans plus tard, autres film autobiographie de Claude Berri. Il ne faut pas oublier de bons seconds rôles comme Roger Carel, Paul Préboist et Marco Perrin en curé barbu. Un film à voir pour sa poésie et son lyrisme emprunt de tendresse.




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