vendredi 12 mars 2021

TREMORS de Ron Underwood (1990) par Luc B.

Il parait que c’est un film culte. Reste à savoir ce qu’on entend par culte. Le spectre est large. A une extrémité des films à l’influence majeure qui ont pu dérouter les spectateurs à leurs sorties, au choix des CITIZEN KANE, 2OO1, MULHOLLAND DRIVE, ou à l’inverse des nanars qui ont gagné leur public au fil de projections clandestino-coupables, THE ROCKY HORROR PICTURE SHOW, PLAN 9 FROM OUTER SPACE, FLASH GORDON, FASTER PUSSYCAT KILL KILL

Sans être un navet, loin de là, TREMORS se situerait tout de même davantage dans la seconde catégorie. Sorte d'hommage au série B. comme DES MONSTRES ATTAQUENT LA VILLE (Gordon Douglas, 1954) l’aspect nanar est – je l’espère – parfaitement assumé par son auteur Ron Underwood, dont on ne peut pas dire qu’il soit passé à la postérité. Levez le doigt ceux qui connaissent ce type et peuvent citer un autre de ses films ? Allo ? Y’a quelqu’un ? Il a réalisé ensuite DRÔLES DE FANTÔMES (1993) avec le jeune Robert Downey Jr, mouais, ou PLUTO NASH (2002) avec Eddie Murphy, qui décroche la palme du plus gros bide commercial depuis l’invention des frères Lumières. C'est bizarre, mais après cet exploit, Underwood n'a réalisé que des téléfilms de Noël.

Si je subodore que TREMORS est à prendre au second degré, c’est par la présence à l’écran des acteurs Kevin Bacon et Fred Ward, qui n’ont pas tourné que des âneries, le second est un fidèle de Robert Altman. Ils surjouent comme ce n’est pas permis, grimaçant comme le loup de Tex Avery sur des "Oh mon dieu mais que ce passe-t-il donc ici ?" ils semblent s’amuser comme des p’tits fous, et le pire, c’est qu’ils nous amusent aussi, puisque TREMORS se laisse regarder à chaque fois avec un plaisir coupable.

Est-ce un film d’horreur à prétention humoristique, ou une comédie d’aventure horrifique ? Vaste débat, ce qui est sûr c’est que ça a été un bide à sa sortie, le film est donc devenu culte avec le temps et les rediffusions télé. Une popularité qui engendrera cinq suites, sorties en DTV, Direct To Vidéo, en gros ça veut dire qu'on ne mise pas un kopeck pour les distribuer en salle, ça part direct à l’usine de DVD. En 2003 une série TV est dérivée du film, et un nouveau métrage sort en 2020, avec comme héros Burt Gummer, personnage secondaire du premier film.

Je vous vois baver devant votre écran : alors, ça raconte quoi ton truc ? Deux potes, Valentine et Earl sont témoins d’étranges phénomènes. Plutôt sanglants, les phénomènes. Underwood enchaîne les découvertes macabres à un rythme soutenu, des ouvriers aspirés par le bitume, un ferrailleur presque momifié en haut d’un pylône électrique, un fermier et ses moutons comme recrachés par une moissonneuse batteuse, mention spéciale pour le couple de campeurs dont la voiture est littéralement engloutie. Earl et Valent tombent ensuite sur la jolie Ronda LeBeck, sismologue de son état, qui observe sur ses engins de drôles de perturbations. C'est la jolie Finn Carter avec ses beaux yeux bleus clairs, qui plus tard pour échapper au pire devra se défaire de son pantalon et courir en petite culotte. Mais où les scénaristes trouvent-ils ces idées de génie ?

Le trio pris en chasse trouve refuge dans le patelin, alerte tout le monde sur le danger. Mais quel danger ? Ca vient du sous sol, et ça attaque à la moindre vibration en surface. Donc quoi ? Un ver de terre géant ? Contrairement à ce qui est montré sur l'affiche, qui pastiche LES DENTS DE LA MER, le machin n'a pas de dent ! Ca ressemble à l'asticot gavé d'OGM de DUNE, autre film culte, et pas pour les meilleurs raison. La bestiole s’appelle un graboïde, et c’est très laid.

Ron Underwood reprend le principe de Ridley Scott dans ALIEN. Moins on voit le monstre, plus on a peur. Mais contrairement à son illustre aîné qui confinait ses personnages dans l'obscurité, ici tout est filmé en plein jour et dans de vastes et splendides étendues désertiques. L'Amérique, la vraie, rurale et sauvage, avec musique country dans les auto-radios. Au départ on se marre, on découvre un tentacule coincé sous l’essieu d’un pick-up, on s’en fait une mascotte, les selfies n’existaient pas mais c’est tout comme, chacun veut être pris en photo avec le trophée sanguinolent autour du cou, un gros ver en guise de boa.

Ca rigole moins quand la populace se retrouve assiégée. Le film verse alors  dans un survival en milieu hostile, d'autant que vous savez quoi ? Les communications sont coupées, pas moyen d'appeler à l'aide. Mais comme on est aux États Unis, tout le monde porte un flingue. Futurs électeurs de Trump à n'en pas douter, Heather et Burt Gummer se retrouvent assiégés dans leur cave avec une collection d’armes et d’explosifs qui aurait suffi à gagner la guerre du Vietnam, et défouraillent joyeusement du calibre 12 sur la grosse limace.

Le film multiplie les péripéties et les scènes à suspens, chacun y va de son acte de bravoure. Les graboïdes détectant la présence humaine par les vibrations du sol, il faut donc se réfugier sur des toits, à moins que les bestioles ne parviennent à en becqueter les fondations. La bonne idée est là : comment s'enfuir sans mettre un pied par terre ? Valentine et Earl sont à la fois morts de trouille et prompts à jouer les héros, jouant à pierre feuille ciseaux pour désigner lequel courra jusqu’à un vieux bulldozer dont on espère que le réservoir contient encore trois gouttes du fuel.

Les monstres se déplacent sous terre, mais représentés par des travellings qui rampent au-dessus du sol ! C’est plus simple et moins cher à réaliser. On a tout de même quelques plans en caméra subjective souterraine, que le réalisateur recycle, on sent bien qu’il n’a que trois secondes d’images, à exploiter au maximum. Spielberg faisait venir le danger en filmant ses nageurs par en dessous, c'est plus facile de filmer sous l'eau que sous terre. La caméra d'Underwood prend donc de la hauteur, des plans en plongée depuis le ciel vers le sol, puisque le danger vient de là. Pas bête.

TREMORS est un film à l’humour volontiers potache, les graboïdes s'annoncent par des jets de vapeur qui sonnent comme de gros prout, avec l'odeur ad-hoc, dommage que ce ne soit pas en odorama. On est dans un buddie-movie, un film de potes, les situations sont ingénieuses, outrées, l’idée est exploitée au maximum, la fin est bien ficelée. C’est un film d’horreur pour rire, donc pour tout public, pas de quoi cauchemarder, absence de psychologie et d’amourettes, on se concentre sur l’action pure et le suspens, sans se prendre au sérieux. Un film sympa et plutôt addictif.


couleur  -  1h35  - format 1:1.85 

7 commentaires:

  1. Lu. Bon, un film d'horreur pour rire. Mouais, j'ai également visionné la bande-annonce... ça ne me dit rien qui vaille. Et pourtant, ton commentaire suscite chez moi la curiosité. Et puis, y a Kevin Bacon que j'aime beaucoup... Bon, tu me diras qu'on est alors loin, mais très loin de La Féline de Jacques Tourneur, hein ? ;) Mais là, ça n'était pas pour rire. ;) Mais quel film flippant c'était. Cela fait un baille que je ne l'ai pas revu d'ailleurs. Question : si John Carpenter avait été à la réalisation, ça n'aurait pas fait un gros bide à sa sortie. Punaise, quand j'y repense, ton commentaire met vraiment l'eau à la bouche... Arf, je sens que je vais craquer... ;)
    freddiefreejazz

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  2. Jamais vu, mais il passe sans cesse sur le câble. Il doit même y'avoir eu des soirs où il était en même temps sur deux chaînes genre 6ter ou rtl9 ...

    Sinon tout le monde sait que que pour échapper à ces bestioles, faut tomber le futal et courir en slip. Le temps qu'elles bouffent le jean, t'as le temps de te sauver ...

    Des montres attaquent la ville ? ça doit être monstrueux ...

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    1. "... faut tomber le futal et courir en slip"
      Cela me rappelle un vieil entretien, sur justement un film du même acabit :
      - "3 . Même dans le forêt tropicale, et face au danger mortel et imminent, ton slip tu garderas."

      C'est bizarre cette coutume dans le film de genre d'y inclure une nana, ou plus, qui a perdu le bas à l'exception d'une petite culotte. Serait-ce un rituel ?

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  3. Les monstres, avec un S, enfin, un deuxième S. (merci, tu lis donc pour de vrai ?). C'est certain qu'être coursé par une trotteuse ça fait moins peur !

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  4. Des monstres attaquent la ville, ça ferait un bon titre de série Z en tout cas. Et Les monstres, de Dino Risi, vous savez quoi ? L'ai vu pour la première fois l'autre jour, c'était diffusé sur la 5, au cinéma de minuit (changement de programme, maintenant c'est le samedi soir). Une claque, ce film. Monstrueux, même. En ce sens que le réalisateur met en lumière tous les aspects monstrueux des uns et des autres. Implacable. Et un film exceptionnel. Y en a d'autres qui l'ont vu ?

    freddie

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    1. "Des monstres attaquent la ville" existe déjà.
      C'est un classique de 1954, connu de tous, ne serait-ce que par les images célèbres d'une damoiselle en tailleur dans le désert (logique) transie d'effroi devant l'apparition d'un fourmi géante coiffée par un pétard. (La fourmi elle-même semblant d'ailleurs consommatrice de pétards). Le titre original : "Them !". Derrière une gentille histoire de monstres géants, le film traite de la crainte des retombées des essais nucléaires.
      Coïncidence ? 1954, c'est aussi l'année où les Japonais découvrent au cinéma "Godzilla".
      En aparté, Ce dernier est longtemps resté censuré par les Etats--Unis et l'Europe qui avaient simplement coupé les scènes traitant ouvertement du nucléaire.

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    2. Ah, c'est cool de l'apprendre ainsi. Je n'étais pas au courant (mon inculture est abyssale question cinéma, tu sais). Merci beaucoup Bruno. C'est très chouette de ta part.
      freddie

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