jeudi 18 mars 2021

DON COVAY « The house of blue lights » (1969) par Benjamin

Fils de pasteur, Don Covay se tourne naturellement vers le gospel. A une époque où la pop commence à s’épanouir, il quitte vite ses chants pieux pour surfer sur le succès du doo woop. C’est ainsi qu’il forme son premier groupe, The Rainbow, récupéré par le label Stax. Il découvre toute une série d’artistes ayant la même culture musicale que lui, des artistes nourris par le gospel et le blues. Parmi eux, Little Richard qui l’embauche comme chauffeur, avant de le choisir pour effectuer la première partie de ses concerts.

Le pianiste moustachu est un demi-dieu, celui qui apporta le Rock’n’Roll au monde. Influencé par son patron, Covay joue une musique plus proche du Rythm’n’Blues, il renoue avec ses racines. Après tout, Little Richard n’a fait que prendre le blues, le jouer à une vitesse affolante, et servir le résultat à une jeunesse qui n’attendait que ça.

Cette expérience lui apprend aussi comment écrire une bonne chanson, et l’élève dépasse vite le maître. « Pony Time » devient un classique grâce à l’interprétation de Chubby Cheker, et Wilson Pickett pioche régulièrement dans ses inventions géniales. Encouragé par le succès que ses titres procurent aux autres, Don Covay décide de les porter lui-même. Il s’accompagne donc d’un autre ex-musicien de Little Richard, qui n’a pas encore adopté son look de voodoo child. Jimi Hendrix n’est personne quand il pose sa guitare sur le « Mercy Mercy » de Don Covay, juste un clin d’œil de l’histoire à son fils maudit.

Little Richard avait renvoyé le jeune Hendrix par peur que celui-ci ne lui fasse de l’ombre, l’avenir lui donnera raison. Alors que celui qui jouait humblement de la guitare sur un de ses titres, se prépare à conquérir le monde, les deux premiers albums de Don Covay sortent dans l’indifférence générale.

Dégoûté, Covay se cache de nouveau derrière les grands noms de son label. Ottis Redding, Aretha Franklin, les artistes les plus prestigieux du label atteignent un nouvel âge d’or grâce à lui. Don Covay n’a pourtant pas abandonné tout espoir et dans l’ombre de ses interprètes il prépare ce qui restera sa grande œuvre. L’époque semblait appeler sa musique, le modernisme qui le mit à terre était mourant.              

La fin des sixties est marquée par un atterrissage de la génération psychédélique, qui ne jure plus que par la profondeur des grandes musiques américaines. Les frères Allman ont allumé un brasier dont les premières braises furent attisées par la génération peace and love. American beauty, Hot Tuna , Sweetheart of the rodeo, correspondaient à la même réaction affolée d’un rock qui commençait à perdre pied. Ceux qui voulaient inventer de nouveaux sons rêvaient désormais de folk bucolique, de country mélodique, et de blues rythmés. Les anglais vivent le même bouleversement à travers le retour aux sources des Stones.

« The house of blue lights »* fait plus que suivre ce retour à la terre, il le réinvente. C’est un disque visionnaire, un hôtel qui sera ensuite largement pillé. Placé en ouverture, « Key to the highway » est la révélation qui illuminera la carrière d’Eric Clapton. Ce n’est pas pour rien que son super groupe, Derek and the Dominos reprendra ce titre sur l’album « Layla ». La version de Covay contenait déjà le groove bluesy qui fera la grandeur de « Layla and other assorted love song ».

Un peu plus loin, but « I forgive you » montre le chemin aux Stones. Ce boogie blues gras est le modèle sur lequel le groupe de Keith Richard calquera une bonne partie de « Exile on the main street ». On peut d’ailleurs presque voir dans cette pop bluesy une version plus cohérente du monument stonien.

Sommet de l’album, le morceau titre est le seul morceau que les pillards anglais ne pourront s’approprier. Ce blues spirituel fait le lien entre le psychédélisme mourant et le nouveau blues à venir, les dernières traces des rêves passés et la beauté terreuse du futur. L’avenir était déjà là, radieux, mais se sont encore les autres qui en récolteront les fruits.

« House of blue lights » fait donc un bide, et il ne faudra que quelques mois pour que des versions frelatées de sa splendeur pop blues atteignent le sommet des charts. Résigné, Don Covay finit par mettre définitivement son talent au service des autres, négligeant une carrière qui ne veut pas décoller, pour devenir directeur artistique de Mercury record.

Il avait de toute façon tout dit, et préférait le statut de génie incompris à celui de looser désespéré.

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* A ne pas confondre avec « The house of blue light » sans S, album de Deep Purple sorti en 87...      


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