Le Deblocnot': 1, 2, 3 SOLEILS (1998)

A une époque pas si lointaine, la musique des anciennes colonies françaises traversait la Méditerranée et avec le temps elle se modernisera Terminer les rengaines d’Enrico Macias, place au Raï.

شموس 1,2,3 (1,2,3 SOLEILS), LA VIE DU RAÏ

Le mot raï possède en arabe plusieurs significations : Opinions, façon de voir ou libre choix, mais il existe d’autres manières de le traduire. Le répertoire traditionnel de l’Algérie est double, on peut y célébrer la religion, l'amour et les valeurs morales ou le registre irrévérencieux, plutôt chanté dans les souks, où on y parle de l'alcool et des plaisirs de la chair. Ces deux formes sont à l’origine du raï moderne.

Le 26 septembre 1998, la musique Raï fera son entrée en grande babouche dans un Bercy rempli par 17.000 personnes. L’évènement confirmera le succès commercial d’une musique longtemps confinée aux banlieues et à l’immigration maghrébine. Faudel, Khaled et Rachid Taha ont formé « 1, 2, 3 Soleils », le véritable super groupe de la musique raï.

La formation devait être, à la base, composée de Faudel, Khaled et Cheb Mami. Mais, pour des raisons contractuelles, ce dernier a dû être remplacé par Rachid Taha au pied levé. Que tu sois de culture arabe ou pas, ce concert résonne encore dans le cœur d’un bon nombre de gens d’une certaine génération (Même moi !). Un orchestre symphonique égyptien de cinquante-cinq musiciens, l´éblouissante section de cuivres de David Bowie, un patchwork d´une douzaine d'instrumentistes électroacoustiques choisis pour leur virtuosité aux quatre coins du monde (des USA à l´Andalousie en passant par l´île de la Réunion et, bien sûr, le Maghreb) par le rocker Steve Hillage dirigeant et orchestrant le tout.

Pour bien ce mettre dans le bain «Khalliouni Khalliouni» en intro instrumentale où l’Oud et la Darbouka jouent à l’unisson avant l’arrivée de l’orchestre à cordes et puis vers 3 minutes 40, une batterie très rock se met en branle et ça en jette !! Les trois protagonistes rentrent en scène avec «Menfi». Vous n’êtes plus à Bercy, mais sous le soleil de la casbah d’Oran. Les trois chanteurs se partagent la scène et interprétent leurs plus grand succès. Faudel le petit beur de Mantes-la-Jolie passera en premier suivi par ses ainés. La version de «N'ssi N'ssi» de Khaled avec la section cuivre et son solo de guitare sonne très funky et est plus puissante que la version studio. Et puis Rachid Taha arrive avec «Ida» et va carrément mettre le feu. Khaled tirera la couverture à lui, il placera plus de ses titres que ses deux compagnons mais, je dois l’avouer, une très belle version de «Aïcha» (Ecrit par J.J Goldman) avec une guitare basse plus dominante et un public bien en voix.

Et puis il y aura quand même un hit avec «Abdel kader» Un titre chanté par Khaled dans son album «N’ssi N’ssi» en 1993, mais en live et en trio, il allait prendre une toute autre dimension. «Abdel kader» est une chanson traditionnelle algérienne avec des paroles tirée du poème «Abdelkader Ya Boualem» d’Abdelkader Bentobdji, à la fin du morceau Rachid Taha dira : «Ce soir, pour ceux qui ne comprennent pas l’arabe, ce ne sont que des chansons pour nous rapprocher». Le single ce vendra comme des petits pains. Faudel arrivera à placer son «Tellement N'Brick» et tous les trois, ils finiront avec deux tubes «Didi» et «Ya rayah» de l’auteur-compositeur-interprète algérien Amrani Abderrahmane, un des morceaux les plus populaires de la musique algérienne que Rachid Taha va faire connaitre mondialement avec sa reprise dans son deuxième album «Rachid Taha» en 1993.

Les trois ténors du raï hexagonal ont fait sonner, pendant près de trois heures, cet étonnant cocktail de musiques orientales traditionnelles et de modernité urbaine. Une tribune VIP avec Sting, Maxime le Forestier, Jane Birkin, Zazie… Un Khaled authentique, un Faudel trop juvénile à mon goût (Remarque il n’avait que 20 ans et un album derrière lui). Les critiques de l’époque trouvaient Rachid Taha perturbé et décalé sans savoir que ce dernier souffrait de la maladie d’Arnold-Chiari qui génère un dérèglement dans le corps avec des pertes d’équilibre, et du coup beaucoup de personnes ont toujours cru qu’il était «bourré» sur scène.