Nous sommes en 1969, et Detroit est le poumon industriel d’une Amérique en plein âge d’or. La ville est un enfer de béton, une métropole vue comme un eldorado par ceux qui ne peuvent rêver que de suer sang et eau pour s’arracher à la misère. Taylor a conçu une nouvelle vision de l’ouvrier, il a concrétisé ce que la révolution industrielle laissait présager. On enlevait à l’homme de basse condition sa dernière noblesse, l’habileté manuelle et l’amour de l’ouvrage finement ciselé.
Les véhicules sont standardisés, les pièces défilent sur des chaînes sur lesquelles l’opérateur effectue toujours la même opération. Springsteen racontait bien la souffrance silencieuse de l’ouvrier, son père ayant fait partie des damnés des temps modernes. Le père du boss ne venait pas de Détroit, mais sa souffrance était semblable à la plupart de ceux qui faisaient battre ce « poumon industriel ». Les mômes de Détroit ne peuvent s’adonner aux rêveries libertaires de San Francisco, la réalité est trop proche d’eux pour qu’ils l’ignorent.
Alors ils ont créé une musique dont la puissance masquerait le hurlement des usines, une catharsis nourrit de leur rage désespérée. Iggy Pop et les Stooges sont les rois de la ville, des gladiateurs menant une lutte sans merci contre l’ennui ambiant. Iggy est une bête, le son traverse son corps et semble guider ses braillements sauvages. Sur la même scène, le MC5 appelle à l’émeute, sur des riffs qui semblent lancés pour détruire les prisons capitalistes.
Pour The Dictators, le rock est mort quand le parcours chaotique de ces groupes s’est achevé. Le sommet des ventes continuent d’être tenues par des groupes désespérément rêveurs ou pompeux.
The Dictators commencent leur route à New York, ville qui voit les New York Dolls perpétuer l’héritage stoogien. La grosse pomme a bu la folie stoogienne , et commence seulement à se l’approprier. En plus du groupe de David Johansen, le Blue Oyster Cult viendra bientôt conquérir le trône du rock heavy, avec un formule à mi-chemin entre la puissance sabbathienne et la violence vindicative des Stooges. D’ailleurs, The Dictators s’offrent les services d’un certain Sandy Pearlman, qui se fera connaître en signant la production des trois premiers disques du culte de l’huitre bleue. Quand il prend en charge The Dictators, Pearlman sait déjà créer cette profondeur de son impressionnante, qui donnera l’impression que ses groupes jouent dans un dôme.
Venus botter le cul d’un rock devenu nombriliste, The Dictators ouvrent les hostilités sur le proto punk « The next big things », titre est clairement issu du moule bouillant de Détroit, le groupe lance ici une charge destructrice digne du MC5. Puis vient « I got you Babe », « Back to Africa », tous ces titres où les refrains se montrent plus accrocheurs, le proto punk se marie avec l’efficacité surf rock. On découvre ainsi que les Ramones n’ont rien inventé, la réunion entre la légèreté des sixties et l’énergie punk était déjà à l’œuvre ici.
Aujourd’hui, le chanteur de The Dictators se demande s’il n’aurait pas dû tout miser sur cette pop destroy. Avec cette identité plus claire, « Go girls crazy » aurait peut-être pu exprimer la révolution à venir, et s’attirer les faveurs de ceux qui se bousculeront aux concerts des Voidoids et autres Ramones.
Nous n’aurions alors pas pu savourer cette classieuse reprise de « I got you babe », ou ce « Cars and girls » qui parodie les Beach Boys. La variété de ce « Go girls crazy » a tué The Dictators, mais elle permet aussi à ce disque de faire partie de ces trésors qui se cachent dans les poubelles de l’histoire.
Avec Ross Friedman - alias Ross Funicello, alias Ross The Boss - à la lead guitar ; que l'on retrouve dans Shakin' Street (sur l'album éponyme et le "Live and Raw").
RépondreSupprimerEt ensuite, fondateur avec Joey DeMaio de Manowar (le groupe de "True Metal"... )