Sonia regarde Nema en train de s’empiffrer de papillotes en
bouquinant :
- Arrête ! Tu vas te transformer en éléphant ! Tu vas avoir
l’air d’un gros boudin dans ton pull et ton jean !
- C’est une prédiction ? Tu vois mon avenir, toi
maintenant ? T’es pas sorcière que je sache, alors fiche moi la
paix…
Marie NDiaye |
Lucie
est une sorcière. Oh, pas très douée, mais quand même sorcière. Comme sa
mère et sa grand-mère. Evidemment, pour moi qui ne le suis pas, c’est un peu
difficile de se mettre dans la peau du personnage principal de cette
histoire. Je dirais d’ailleurs plutôt un conte qu’une histoire.
Heureusement, je n’aimerais pas du tout que
Sonia, par exemple, devienne une sorcière et puisse voir et me dévoiler mon
avenir…
Lucie
a un mari, Pierrot et deux
adorables filles, jumelles,
Lise et
Maud qui ont douze ans. Cette
petite famille vit dans un joli pavillon de banlieue, bien meublé, agréable.
Quartier comme tous les quartiers de banlieue pavillonnaire, pas très loin
de la ville, pas très loin non plus des horribles zones commerciales avec
les hangars qui abritent partout en France les mêmes enseignes de la grande
distribution. Pierrot est l’un
des meilleurs vendeurs du Garden-Club, aimable et sûr de lui avec son
costume gris clair à l’écusson du Club. Il commercialise auprès de gens
aisés des séjours de détente dans cet endroit merveilleux et luxueux qu’est
le Garden-Club, village de vacances formaté et aseptisé. Cela rapporte bien
mais c’est épouvantablement stressant. Et il rentre souvent le soir fatigué
et désagréable à la maison.
Lise et
Maud sont belles, branchées, un
peu indifférentes à ce qui ne les intéresse pas directement à savoir la
mode, les émissions de téléréalité, la publicité. Elles acceptent quand même
d’être initiées par leur mère à révéler leur propre don de sorcière. Et ça
marche : sont-elles-aussi de petites sorcières ?
Isabelle
est une voisine un peu trop collante. On la voit bien, une parvenue trop
grosse dans ses sous-pull et jogging chers, ses Nike hors de prix,
apparaître souvent dans la cuisine de la maison après être entrée sans crier
gare comme si c’était chez elle, pour consulter
Lucie : elle voudrait savoir si son petit
Steve
(qui a le don de l’agacer en permanence) fera polytechnique ou pas.
Difficile pour Lucie qui voit un
peu l’avenir mais pas beaucoup.
Isabelle est un personnage
important dans la vie de
Lucie car on la verra au fil des
pages jouer un rôle à la fois de curieuse, mais aussi parfois de protectrice
(quoique…) vis-à-vis de Lucie.
ma sorcière bien aimée |
Il y aura une rencontre d’un soir de
Monsieur Matin, à la maison de Lucie et
Pierrot. Monsieur Matin quitte sa
femme. Enfin, il la quitte sans vraiment la quitter, il a un fils dont il ne
sait pas trop quel âge il a 3 ou 4 ans ?
Madame Matin vient le chercher.
Etrange épisode que la visite des
Matin. Pierrot de son côté va
partir. Chez sa mère d’abord puis ailleurs, mais il ne reviendra pas.
Lucie se pose des questions sur
son couple. Les deux petites ados voient la météo du lendemain et si elles
vont pouvoir jouer au basket : le départ de leur père ne les tracasse
pas plus que ça. Elles sont totalement planantes.
À Poitiers, on fera la connaissance de la mère de
Pierrot et de sa jeune sœur
Lili (pas triste celle-là).
Changement de décors : petite maison de ville, grise, encombrée de
meubles. Les jumelles n’aiment pas trop, mais
Lucie
s’entend bien avec sa belle-mère. Malheureusement cela ne suffira pas à
ramener
Pierrot
à la maison de banlieue. A Paris, autre ville, autres ambiances. La mère de
Lucie vit dans un petit
appartement au 5ème étage d’un vieil immeuble, fenêtre sur
courette, odeur de renfermé et de moisi. Cette mère, grande sorcière en
privé mais secrétaire à la ville, s’est mise en ménage avec un homme tout à
fait ordinaire, dégoulinant de transpiration dans l‘appartement surchauffé
de soleil de printemps. Pas le méchant bougre, ce
Robert, grouillot à l’Inspection académique. Il accueille à bras ouverts
Lucie et les filles. Mais quand
même, pour Lucie le divorce de
ses parents était une grave erreur. Elle voudra tout faire pour qu’ils se
réconcilient. Elle leur demande à l’un et à l’autre de se retrouver une
fois, au bord de la mer, elle a tout organisé, une seule fois pour tenter de
réparer cette séparation. Juste une fois. Quête d’un impossible qui
n’aboutira pas vraiment au résultat escompté.
Lucie visitera son père qui est
devenu un parvenu qui se croit de grande classe suite à une promotion dans
la compagnie d’assurances où il travaille. Ah, le père, pas triste celui-là.
Il y aura une question d’argent. Pas trop propre. Mais chut ! Je ne
dirai rien de plus.
Pauvre Lucie, son monde ne tourne pas rond comme elle aimerait. Pour pallier le manque de revenus lié au départ de Pierrot, elle fera un passage dans l’enseignement de son art divinatoire dans un établissement on ne peut plus folklorique du côté de Châteauroux. Pas concluante cette expérience.
Est-ce qu’une sorcière peut se transformer en corneille et s’envoler dans
le ciel ?
Excellent roman pour qui aime le genre rêve et fantaisie. Le style est
riche mais fluide et très plaisant à lire. Marie Ndiaye est née en
1967 à
Pithiviers dans le Gâtinais, d’une mère
professeur de lycée et d’un père Sénégalais. Elle écrit déjà depuis de
nombreuses années et a été récompensée par de nombreux prix dont le prix
Fémina en 2001, le prix Goncourt en 2009 et en
2020 le prix Marguerite Yourcenar.
Bonne lecture !
Les éditions de minuits
170 pages
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