Un genre musical qui semble aujourd'hui passé de mode, malgré quelques irréductibles, mais il fut un temps où aux USA les desperados fervents adeptes de Rock sudiste pullulaient. A un tel point que quelques "clusters" naissaient même dans des territoires plus au nord. Dans cette cohue, certains n'ont jamais pu dépasser le statut de célébrité régionale. Quelques uns, plus chanceux, ont pu goûter à une certaine notoriété nationale, sans pour autant avoir l'opportunité de franchir les frontières (à l'exception de celle du Canada). Ainsi, pendant longtemps, par ignorance, le vieux continent ne connaissait qu'une dizaine de bandes, ignorant l'existence de sympathiques combos, parfois aussi méritants que les ténors.
Hydra est de ceux-là. Bien que sa genèse commence à la fin des années soixante et qu'il ait à son actif trois excellents opus, ce n'est que grâce à des passionnés que ce groupe est parvenu à s'installer tardivement comme une référence en Europe. Entre autre, comme celui de premier groupe de Rock sudiste à pactiser avec le Hard-rock.
C'est le guitariste Spencer Kirkpatrick et le batteur Steve Pace qui vont mettre les choses en branle, en quittant leur ancien groupe (Strange Brew - en référence à Cream, bien sûr -) courant 68, pour fonder une entité plus personnelle, enrôlant au passage Wayne Bruce. (Non, celui-là ne se promène pas la nuit avec cape et collants). Ce dernier assure le chant ainsi que la seconde guitare. Les patronymes changent avant de se fixer sur Hydra en 1970, et la mouture définitive l'année suivante avec l'entrée du bassiste Orville Davis (en 1971). Leur réputation scénique s'affirme dans leur ville d'origine, Atlanta, et s'étend rapidement à toute la Georgie. Puis, tout naturellement, elle déborde sur les états limitrophes. Le groupe est alors considéré comme le meilleur groupe sudiste non signé. Hydra joue régulièrement au Funochio's Club d'Atlanta, où passe aussi une bande de teigneux issus de Floride, de Jacksonville : Lynyrd Skynyrd. Aussi, lorsqu'Al Kooper descend en Georgie pour découvrir cette nouvelle scène bientôt baptisée Southern rock, dont on lui avait vanté l'effervescence, outre Lynyrd Skynyrd auprès duquel il va s'investir, il tombe aussi sur Hydra. Il apprécie leur tempérament musical, et monte sur scène à plusieurs reprises pour jammer avec la bande, estimant particulièrement le jeu de Wayne Bruce. Il souhaite les faire enregistrer sur son Sounds of the South Records (qui servira essentiellement à Lynyrd), mais le manager préfère se tourner vers Capricorn Records, certain d'obtenir un contrat, grâce à l'appui du manager du Allman Brothers Band. Le groupe est aussi approché par Epic et Windfall Records (la société créée par Felix Pappalardi).
C'est donc bien avec Capricorn Records que le groupe signe un contrat, en 1973. Toutefois, la suite des évènements prouvera que c'était un mauvais choix, et le refus poli de l'offre d'Al Kooper laissera un goût amer, celui d'avoir loupé le coche.
C'est en 1974 que le quatuor de rednecks sort son premier essai. Les années d'apprentissage effectué à la dure, sur la scène, ont bien rodé ces outlaws. En conséquence, ce premier essai, éponyme, n'a rien d'un exercice de chauffe. C'est déjà un grand disque de Heavy-rock viril, aux forts parfums sudistes, en avance de quelques petites années sur d'autres frondeurs tels que Blackfoot et Molly Hatchet.
D'ailleurs, lorsque retentissent les premières notes du disque, dans un déferlement sauvage d'un boogie de malandrin, on pense irrésistiblement à Molly Hatchet. Qui ne sortira son premier essai que quatre ans plus tard. La seule différence entre l'orchestration "Glitter Queen" et celle de Molly Hatchet réside dans l'ajout de cuivres. Décorum instrumental certes "chaud-bouillant", mais rajouté dans le dos d'Hydra, qui le découvre une fois le produit fini. Pourtant c'est loin d'être une stupidité, cela procure même une consistance supplémentaire et une couleur festive de bon aloi. Le résultat séduit quasi unanimement ceux qui découvrent la troupe uniquement par l'album. Vraisemblable que les gars du Mid-west qui ont constitué The Boyzz, ont scrupuleusement étudié ce "Glitter Queen", tant cette chanson paraît avoir servi de fondation à leur musique. (L'album "Too Wild to Tame" de 1978 👉 lien).
La suite est moins torride. "Keep You Around" tempère la cadence mais dégage encore un feeling enflammé, en alternant Heavy-boogie et Southern-rock saupoudré de touches de piano honky-tonk (joué par le producteur, Dan Tuberville), tandis que le refrain anticipe un Hard-rock carré, mélodique mais cru, prisé par des groupes comme Starz. "It's So Hard" paraît un peu bancal, poussif même, à cause d'un refrain foireux. Pourtant, la basse ne cesse de mouliner et la batterie de cogner dur, comme si tous deux cherchaient à accélérer le tempo et corser le jeu (quel dommage que le mixage ne rende pas justice à cette excellente section rythmique qui apprécie les cavalcades). Ce qu'ils réussissent finalement à faire, entraînant les guitares dans la sphère d'un Rock sudiste incandescent. Hélas, le morceau se termine sur un fade au moment où la température ne cessait de grimper.
C'était probablement pour en garder assez sous le coude, pour la version de feu de "Going Down". Si aujourd'hui, ce morceau de Don Nix a été usé jusqu'à la corde, éculé par des versions en pilotage automatique, à l'époque celle-ci s'avérait comme l'une des plus chaudes réalisées, rivalisant avec celle du Jeff Beck Group (sur l'album éponyme de 1972). Wayne Bruce étant un fan inconditionnel de Freddie King, ce titre de Blues-rock faisait déjà partie de leur répertoire scénique. Kirkpatrick y dégaine et envoie avec nonchalance des bastos comme si c'étaient des friandises. Une version qui s'écoute à fond les manettes.
"Feel in Pain" s'inscrit dans la tradition des ballades sudistes qui, dans un crescendo de joutes guitaristes, montent en intensité jusqu'à exploser dans un feu d'artifice. Modèle initié un an plus tôt par le "Free Bird" de Lynyrd Skynyrd. Toutefois, cette chanson a été écrite par leur ami, Will Boulware (un claviériste qui se fera connaître plus tard aux sons du Jazz, du smooth-jazz parfois mâtiné de Funk ou de Soul. Mais avant, il jouait souvent avec des musiciens de Southern-rock de Georgie et des environs, les rejoignant parfois sur scène ; dont les Allmans). Il y a d'ailleurs de discrètes nappes de synthés, totalement écrasées par le groupe.
"Good Time Man" renoue avec l'excellence et tout en paraissant assez classique, pose de nouveaux jalons sur lesquels vont se baser Blackfoot et Molly Hatchet. Le premier pour certaines parties de slide, celles servant de pont, le second pour le gosier qui pose la recette des gargarismes au gravier et au whisky. Intense. Retour des cuivres, pas vraiment nécessaires mais pas non plus défigurants.
La suite épouse plus franchement la cause du Hard-rock, ce qui a refroidi et fâché nombre d'amateurs intégristes de Southern et de Country-rock. Avec "Let Me Down Easy", qui, étonnamment, évoque par bien des côtés les Anglais d'UFO (les débuts avec Schenker), et le frontal "Warp 16". Il est amusant de remarquer que ce dernier aurait trouvé sa place dans la NWOBHM. On peut aussi faire le rapprochement avec Ultra, une bande de sudistes patibulaires et moins talentueux, qui mettent l'accent sur l'agression, .
"Myriam" clôt ce premier opus sur un morceau plus ambitieux. Une triste ballade, tranchée nette par quelques accès d'humeur électrique et heavy, et qui finit dans un courroux de guitares. Reprenant ainsi le chemin tracé par Lynyrd Skynyrd l'année précédente, et qui va rapidement devenir une tradition - pour le meilleur et pour le pire -.
Bien que foncièrement brut et rugueux, le groupe est assez mécontent du déroulement de l'enregistrement et du résultat final. Le label et le producteur ont fait pression pour atténuer sa puissance de feu. Ainsi, il y a une différence notable entre le Hydra qui se produit sur scène, de réputation torride, et celui plus sage, présenté sur disque. Ce que leur reprochent les fans de la première heure qui se sentent grugés. Paradoxalement, pour un label qui souhaitait rendre le groupe plus accessible, allant jusqu'à lourdement insister pour polir certaines rythmiques, la production est un peu sale, parfois même un tantinet touffue, avec la basse qui se retrouve noyée dans la masse. Capricorn Records souhaitait qu'Hydra soit plus en phase avec les autres groupes du label et simplement plus commercial.
Les relations tumultueuses avec le label et le management n'entravent pas la progression d'Hydra. Chacun de leurs albums étant plus réussis que le précédent (cependant, les avis divergent). Pourtant, le succès ne parvient pas à s'étendre hors des frontières de Dixieland. Capricorn Records en est grandement responsable, car les cadres préfèrent miser leurs deniers sur d'autres poulains - bien plus ancrés dans la Country et le Southern-rock -, et plus mainstream.
Hydra est aussi le premier groupe américain a solliciter l'agence Hipgnosis (Pink Floyd, Wishbone Ash, Led Zeppelin, UFO, 10cc, Bad Co), qui réalise la pochette du premier album et celle du suivant, "Land of Money".
Après la dissolution du groupe, on retrouve Steve Pace immergé dans le rock lourd aux côtés de Derek St. Holmes et Brad Whitford pour leur sympathique projet éphémère (l'album éponyme de 1981), puis, plus invraisemblablement, avec les Suisses de Krokus ("Headhunter"). Spencer Kirkpatrick lui, se plonge dans le Blues et offre ses services à divers bluesmen. Il apparaît notamment sur des disques d'Eddie Stone et de Wayne "Bear" Sauls. Ainsi que sur des galettes du batteur du Eric Quincy Tate, Donnie McCornick. Tandis qu'Orville Davis rejoint Rex Smith du groupe Rex. Et ensuite Starz (où chante le frère de Rex, Michael Lee Smith) avec qui il enregistre le très bon "Coliseum Rock". Par la suite, il change de registre et se lance dans la country en tant que chanteur. Quant à Wayne Bruce, il préfère monter son propre band, le Wayne Bruce Band, qui récupérera un temps l'ami Steve Pace.
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Ton post (brillant comme d'hab) m'a fait ressortir mes trois cd d'Hydra . C'est quand même vers le troisième que va ma préférence . Ce premier Hydra est bon mais la présence des cuivres me heurte quelque peu .....(je suis un garçon sensible!).
RépondreSupprimerIl est vrai qu'Hydra laisse présager l'arrivée de groupe de hard southern-rock , comme Blackfoot que j'adore , surtout les trois disques "Marauder" "Tomcattin'" et "Strikes" . Molly Hatchet , à part le premier......
Ha ? J'aime bien la présence des cuivres. (qui ne sont d'ailleurs guère envahissants ; sinon, p't-être sur "Glitter Queen")
SupprimerJe pense aussi que le troisième essai est le meilleur. Et pourtant, il fut bien difficile à dénicher.
Merci JP