vendredi 6 novembre 2020

VAL McDERMID "Châtiments" (2014) par Luc B.



Si vous aimez les polars un peu sordides et plutôt violents, avec psychopathes, flics borderline et profileur, vous devez connaitre et apprécier Val McDermid, romancière écossaise, la reine du genre. Ses personnages fétiches sont l’inspectrice Carol Jordan et le docteur Tony Hill. Leurs enquêtes ont été adaptées à la télé sous le titre LA FUREUR DANS LE SANG (qui est aussi le deuxième roman de la série).

Renseignez-vous sur wiki si vous souhaitez vous lancer dans cette lecture, il est conseillé de les lire dans l’ordre. Les quatre premiers écrits entre 1995 et 2004 sont justes excellents. J’ai un peu décroché ensuite de la série Hill-Jordan, McDermid ayant écrit d’autres romans indépendants, dont QUATRE GARÇONS DANS LA NUIT, que je conseille.

CHÂTIMENTS (paru en France en 2014) est la suite du roman LA FUREUR DANS LE SANG. L’ancien sportif, héros national et présentateur vedette de la télé Jacko Vance s’échappe de prison, condamné pour les meurtres de 17 adolescentes. L’inspectrice Carol Jordan était – avec son équipe – à l’origine de son arrestation. Le profileur Tony Hill travaillait aussi sur cette enquête. Autant dire que la nouvelle ne les réjouit pas spécialement. Tony Hill connait le profil de Jacko Vance, et se doute que sa vengeance sera terrible et sanglante. D’autant que Vance est non seulement très intelligent, minutieux, et aussi immensément riche, son pognon étant bien planqué sur des comptes off-shore.

Le roman est construit de manière classique, le point de vue du tueur dans un chapitre, celui des enquêteurs sur d’autres. La scène de l’évasion est joliment troussée, et démontre que Vance a reçu de l’aide à la fois à l’intérieur de la prison, qu’à l’extérieur, autre aspect inquiétant. Vance est un méthodique, un manipulateur. Son plan était prévu de longue date, minutieusement et patiemment construit. Ce qui est intéressant, c’est que Vance ayant passé 15 ans en taule, il découvre en sortant une société qui a changé, et notamment les nouvelles technologies, internet, les tablettes, les mini-caméras qu’on peut planquer (où faire installer par des complices…), consulter à distance, très pratique pour surveiller ses proies et attaquer au bon moment.

Pour Carol Jordan et Tony Hill (en photo, les acteurs de la série TV) il est temps de se replonger dans ce vieux dossier, mais le temps a passé, l’inspectrice est maintenant chef de brigade, doit faire avec sa hiérarchie, ses collègues, les autres services. Un aspect récurrent des polars de Val McDermid, les guéguerres internes, luttes de pouvoir et d’égo, les budgets revus à la baisse, effectifs à la ramasse. Jordan doit bientôt être mutée, remettre la main sur Jacko Vance serait le clou de sa carrière, sauf qu’il y a des petits problèmes…  

Les policiers sont à la fois chasseurs et proies, puisqu’objets de la vengeance de Vance. Ils traquent et sont traqués. L’autre souci tient dans le plan de Vance, qui choisit de frapper indirectement, par ricochet, afin d’affecter personnellement les enquêteurs. Et puis, car sinon ce serait trop simple, les policiers sont aux prises avec un second tueur qui s’attaque à des prostituées d’une manière particulièrement violente. Du temps d’enquête en moins pour capturer Jacko Vance.

CHÂTIMENTS est un roman qu’on ne lâche pas facilement, mais l’auteur ne donne pas dans le page-turner avec teasing à la mord-moi le zob en fin de chapitre, comme c’est trop souvent la mode aujourd’hui. Le bouquin explore la face sombre des protagonistes. Le docteur Tony Hill, personnage emblématique, est une sorte d’asocial, qui a un lourd passif familial, ses analyses et déductions sont aussi inspirées et brillantes que sa vie privée est un naufrage. Il sous-loue une chambre de son appartement à Carol Jordan sans pour autant être amants, leur relation fait tout le sel de la série, une amitié trouble doublée d’une admiration commune qui sera mise à mal au cours de cette enquête.

Les personnages féminins ont la part belle dans l'oeuvre de McDermid, qui ne cache ni ses idées progressistes, son féminisme, son homosexualité. Ses enquêtes se fondent autant sur le profilage psychologique, la réflexion, que le travail de terrain, recherches d’indices, analyses de scènes de crime, autopsies. 25 ans après la première apparition littéraire de Tony Hill, le personnage fait encore référence. Comme on dit : souvent copié, rarement égalé.

 

Editions Poche J’ai Lu, 478 pages. 


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