mercredi 25 novembre 2020

ALDO NOVA "Subject" (1983), by Bruno


     Do you know Aldo ? Aldo Nova ? (Non, Luc, pas Maccione !) Pourtant c'est une star au Canada. Ainsi qu'aux Etats-Unis pendant les années 80. Il paraîtrait que c'est aussi un compositeur de talent qui aurait donné quelques hits à des vedettes canadiennes, dont deux qui ont une envergure internationale.


   Aldo Nova est un Canadien d'origine Italienne, né Caporuscio, le 13 novembre 1956 à Montréal (il vient donc de fêter ses fringants 64 ans). Il opte pour Nova, commercialement plus facile à retenir et à prononcer.

     En 1981, il réalise pratiquement seul un premier disque éponyme. Sorti au début de l'an 1982, le Hard FM sec, pertinent et organique séduit aisément les foules. Sa musique franchement Rock, Hard-rock même, est suffisamment porteuse de mélodie pour séduire les radios. Bien que jusqu'alors totalement inconnu hors des frontières du Canada, et peut-être même hors du Québec, il remporte l'adhésion des radios avec le tube "Fantasy". Ce premier album lui permet d'envahir les Etats-Unis, où il grimpe jusqu'à la huitième place du Billboard, puis de traverser l'Atlantique et charmer l'Europe, pourtant en pleine période NWBHM.

     Ce premier succès, il ne l'attend pas. Auparavant, il se contentait d'interpréter des reprises. Il a même fait partie d'un tribut-band des Beatles où il s'est glissé dans le rôle de George Harrison (avec Rickenbacker 360/12 , costume et coiffure à l'avenant). Plus tard, goûtant à la notoriété, il revendiquera toujours le nom de George Harrison comme une influence majeure, avançant même que plus jeune il aurait aimé être un Beatles, ce dernier en particulier . Ce qui surprendra, voire offusquera bon nombre de critiques, la jugeant indigne pour un guitariste de son niveau. Toutefois, il se forge aussi avec les disques de Jimi Hendrix, qu'il considère comme l'ultime héros de la guitare.

     Il aurait pu rester longtemps à se contenter de son petit groupe de reprises, un palliatif à son travail quotidien s'il n'avait eu cette rencontre singulière. Une personne qui a la possibilité d'enregistrer mais conscient de son manque évident de talent, lui propose une collaboration portant sur la composition, l'écriture, l'interprétation et l'enregistrement. Aldo prétend qu'il a bien l'expérience requise alors qu'il n'en a aucune. Il se retrouve ainsi à composer et enregistrer une première chanson penchant vers la New-Wave en vogue. La chanson adoubée par les radios Québécoises, le duo prolonge leur association. Aldo compose plus d'une demi-douzaine de morceaux qu'il commence à enregistrer. Cependant, l'inconnu bienfaiteur - et opportuniste - disparait totalement, laissant son jeune acolyte avec l'ardoise des frais du studio qui lui réclame la modique somme de 10 000 $ ! Avisés, les tenanciers lui proposent de continuer sur sa lancée et d'effacer sa dette, en échange d'un pourcentage sur ses futures rentrées. 


   Désormais plus libre de ses mouvements, composant pour lui seul, il laisse s'exprimer sa facette Heavy, donnant la parole aux guitares, et accumule suffisamment de matériel pour en faire un album. Hormis la batterie, il réalise seul absolument tout. Pour dieu sait quelle raison, son contrat d'enregistrement est racheté par Portrait Records - une solide maison ayant déjà accueilli Saga et Heart - et les démos arrivent sur le bureau New-yorkais de Tony Bongiovi (l'oncle de Jon). Sérieusement intéressé, il fait appel à Terry Brown. Un producteur qui a gagné ses lettres de noblesse grâce à son travail assidu pour Rush et Max Webster. Cependant, à l'écoute, Brown estime que le gars qui a enregistré ces démos n'a nullement besoin de producteur. Bongiovi retient le conseil et se contente de parfaire lui-même le mixage. Et roule ma poule. 

     Portrait Records ne fait pas les choses à moitié. Le label a soupesé le potentiel de ce jeune talent, et avant que le disque ne sorte, l'envoie en tournée, ouvrir pour nombre de poids lourds de l'époque, sous le management de Sandy Pearlman, longtemps considéré comme le sixième membre, l'éminence grise de Blue Öyster Cult. Le jeune Nova se retrouve quasiment du jour au lendemain à sortir de son Québec natal pour arpenter les scènes d'Amérique-du-Nord avec certains des plus gros vendeurs en matière de Heavy-rock et assimilé. Une histoire à peine croyable. Un conte de fée moderne, pour rocker.

     Pour accompagner la sortie du premier album, le label finance un clip vidéo. C'est l'époque où MTV prend son envol, emmenant dans son sillage une pléthore de groupes de Rock qui accèdent grâce au tube cathodique à une large diffusion. Entrant dans les chaumières les plus reculées et séduisant paradoxalement plus par l'image que la musique. Désormais, sans clip, les musiciens sont cantonnés à un succès moindre, souvent limité à leur territoire. 


   Bref, Aldo, inconnu jusque là, apparaît sur les écrans avec une vidéo des plus kitsch, ne craignant pas le ridicule. Toutefois, sa longue introduction de plus d'une minute sans musique (un fond sonore évoquant la musique de John Carpenter) est normalement octroyée à un artiste déjà connu, plutôt qu'un jeune inconnu. Une séquence de nanar où des hommes armés de mitraillettes attendent soucieux, protégeant un homme inquiet, en charge d'une Les Paul Sunburst. Aldo, intégralement gainé d'une tenue léopard digne d'une gagneuse de Pigalle, débarque d'un hélicoptère, récupère sa Gibson qui envoie des rayons lasers avant de chanter la moindre note. Le titre est effectivement efficace, alliant mélodie FM à une guitare mordante. A l'époque, même les amateurs du Speed-metal apprécient et saluent le talent d'Aldo.

     Le succès est tel (bientôt double-platine aux USA) que la maison de disque presse le Québécois pour un nouvel album. Ce qu'il accepte bien volontiers, mais à une condition : rester indépendant, c'est-à-dire que personne ne vienne s'interférer dans son processus de création, lui dire quoi faire. Après tout de même quelques parties de bras-de-fer, Epic-Portrait consent à lui laisser les coudées franches pour son prochain album. Fait rare pour ne pas le souligner, d'autant plus pour un jeune artiste n'ayant qu'un seul disque à son actif. Oui, mais son premier 45 tours, "Fantasy", est resté dans les charts seize semaines (!).  Et le 33-tours est sacré double-platine aux USA. Et, sans faire trop de vagues non plus, parvient à se faire remarquer en Europe sans ni avoir jamais encore tourné. Pas mal pour un inconnu. 

     Au contraire de son label, Aldo ne souhaite absolument pas reproduire un album dans la même lignée. Il voudrait réaliser un disque plus mûr, plus sérieux, pouvant évoquer quelques sujets tel que la toxicomanie. D'où "Monkey On Your Back", maladroitement sélectionné par le label comme premier single - sans vraiment consulter le principal intéressé -, et qui, par ses paroles bien éloignées des ritournelles traitant de l'attraction entre deux êtres (ou plus si affinités), refroidit une partie du public.


     Ce qui frappe d'entrée avec cette galette, c'est l'ampleur du son. Aldo n'est pas seulement un excellent musicien et compositeur, mais c'est aussi un habile magicien du son. Ne cherchez pas quel est le producteur derrière la console, il n'y en a pas. C'est encore Aldo qui s'y colle. Bien probablement inspiré par le gros son de Ted Templeman pour Montrose et Van Halen, Aldo le développe et l'entraîne dans une nouvelle dimension. C'est un peu la rencontre entre Terminator (premier du nom) et le rejeton d'une union improbable entre Van Halen et Journey, élevé par Spencer Proffer (de Pasha Records - Billy Thorpe, Kick Axe, Outlaws, Quiet Riot , Eddie Money -). Un son novateur, foncièrement Heavy-rock, amoureux des grosses guitares, mais tourné vers un futur aux images post-apocalyptiques et technologiques. Comédie musicale avec des acteurs immaculés dans un champs de ruines, balayés de lumières bubble-gum. Si par la suite les techniques de production ont été perfectionnées, aucun album n'est parvenu à retrouver la formule du son de "Subject". Cela même si les exemples de disques ayant tenté l'approche ne manquent pas.


   Plus étonnant pour le genre, "Subject" se veut un album concept. Idée plutôt casse-gueule lorsque l'on navigue dans un idiome où, généralement, le public théoriquement réceptif a été éduqué et alimenté de chansons à la durée calibrée.  Or, ici, la première chanson, le simple "Monkey On Your Back", n'arrive qu'à la suite de trois instrumentaux enchaînés, après pratiquement cinq minutes. Et ainsi, la galette est ponctuée de divers interludes instrumentaux faisant la jonction entre les chansons. Des séquences cinématographiques ramenant incessamment l'auditeur dans l'atmosphère d'un univers post-apocalyptique coloré de comics et de sympathiques séries "B". Cette libre direction fit perdre pied à certains qui ne savaient plus trop de quoi il s'agissait. Heavy-rock ? Rock FM ? néo-Rock progressif ? 

   D'autant que cela doit s'écouter dans son intégralité, d'une traite. Tout s'enchaîne sans férir. Comme le déroulement d'une histoire. Seule "Hey Operator", la reprise de Coney Hatch, titre le plus commercial du premier essai de ce jeune quatuor de Toronto sorti l'année précédente, paraît avoir été insérée après coup. Bien que la chanson soit légèrement accélérée et que la sonorité soit plus charnue, l'orchestration force l'apparence commerciale. Toutefois, s'il devait y avoir une chanson purement radiophonique, ce serait plutôt le gentillet "Allways Be Mine" avec ses chœurs ad hoc, son refrain de cœur meurtri, et sa petite ritournelle aux claviers.

   Sinon, dans cette ambiance néo-futuriste apte à habiller les histoires fantasques de Métal-Hurlant (la revue), s'épanouit une série de chansons certes très mélodiques mais indéfectiblement lié au Hard-rock. D'ailleurs, la batterie, de Denny Carmassi ou de Chuck Burgi, n'y va pas de main morte ; tandis que la guitare, de par ses riff gras et ses soli explosifs, revendique par là même son patrimoine Heavy.

   Seulement huit chansons, mais rien à jeter ou à mépriser. Même les suites instrumentales ne sont pas de vulgaires interludes ; elles habillent réellement cet album, renforçant la cohésion tout en lui donnant cette couleur particulière, parfois proche du Rock-progressif. "War Suite" aurait très bien pu être prolongé et accueillir un texte. Et "Subject's Theme" couplé à "Race Armageddon" - mêlant Pink Floyd, Montrose, Gorgio Moroder, Van Halen et… les instrumentaux du "Bent Out of Shape" de Rainbow sorti en 1983 - est une réussite 

   Aldo réussit l'exploit de truffer ses morceaux de divers effets sans jamais sortir d'un cadre résolument Heavy-Rock. Voire Pop-rock si l'on se réfère aux slows "Victim of a Broken Heart" et "Paradise". Ce dernier est plus replet que ceux de l'époque (dont bon nombre étaient appréciés par les diffuseurs des radios). Probablement parce qu'utilisé comme un subtil habillage, parfois quasi subliminal, pour prononcer un climat, lui donner du corps. 


 Fait rare, d'autant plus pour l'époque : bien qu'étant un guitariste accompli, Aldo sait maîtriser ses ardeurs et son ego, ne s'éternisant jamais dans ses soli. Surtout, il évite d'en faire des tonnes. S'il se laisse aller de temps à autre à quelques rapides descentes de manches et autres dérapages contrôlés de triolets assassins, il apprécie aussi les soli en mode adagio ou moderato. Préférant alors prolonger les notes au vibrato, donnant une expressivité chargée à chaque note. 

   Incompris à sa sortie, "Subject" est depuis devenu quasiment culte, édifié à la hauteur des meilleurs disques de Hard dit "FM".

     Après ce deuxième album, les relations avec sa maison de disque se tendent. Cette dernière insistant pour reprendre un peu les commandes, voulant un disque plus commercial et qu'il fasse aussi une reprise. Quelques concessions sont faites de part et d'autre et c'est l'album "Twitch" qui en résulte. Encore différent, toujours intéressant, mais d'après les propres mots du concerné lui-même, délayé. Cependant, par la suite, il préfère faire le mort plutôt que de réaliser un disque dont il ne serait pas le seul maître d'œuvre. C'est pourquoi il met carrément sa carrière en sommeil jusqu'à la fin de son contrat le liant à Portrait-Epic. Entre-temps, il commence à travailler pour d'autres artistes, en tant que compositeur et/ou producteur. Dégoûté de l'industrie musicale, et afin de garder son indépendance, il préfère travailler pour autrui et sortir un album quand bon lui semble. Ce qui prouve qu'Aldo Nova ne coure pas après le succès ; seule la musique l'intéresse. Il gagne sa vie en produisant ou composant pour d'autres. Il se fait plaisir à l'envie, et quand son emploi du temps lui permet, avec ses rares disques et tournées. Ainsi, tous ses albums valent le détour, même "Twitch", l'album des concessions. Homme de principe et de probité, il préfère refuser des contrats juteux plutôt que de partir en tournée, faire de la télévision, et jouer une musique avec laquelle il ne serait pas intégralement en phase. Ainsi, il a préféré saborder sa carrière pour préserver son intégrité. Un exemple à suivre. Une décision forte qui pose aussi une interrogation. Où commence et finit la musique dite "commerciale" ? Sachant que justement, celle d'Aldo Nova est considérée comme du Hard-FM ou de l'Adult Oriented Rock. 

     Malgré tout, cela ne l'empêche nullement de composer de la musique purement commerciale, si c'est pour autrui. Ainsi, il a travaillé pour Céline Dion, lui écrivant en collaboration quelques singles et hits. Pour Garou également. Il est aussi très proche de Bon Jovi pour qui il a joué sur le premier album éponyme de 1984, dont le hit "Runaway", ainsi que pour son premier projet solo "Blaze of Glory", (dont une partie a servi de bande son au western "Young Guns II"). En 1994, il joue aussi pour un chanteur français à la mode, Patrick Bruel sur le disque "Bruel". Album fourre-tout, hésitant entre chansons françaises et gros son US avec l'influence évidente du Heavy-rock (et de Paul Personne). Il l'accompagne en tournée l'année suivante ( ce qui fera l'objet d'un live : "Tour 95").

Paroles et musique par Aldo Nova sauf annotations.

Première face

  1. "Subject's Theme" – 1:36
  2. "Armageddon (Race Cars)" – 0:25
  3. "Armageddon" – 2:41
  4. "Monkey on Your Back" – 4:35
  5. "Hey Operator" (Carl Dixon) – 3:54
  6. "Cry Baby Cry" – 4:17
  7. "Victim of a Broken Heart" (Bruno, Nova) – 4:19

Seconde face

  1. "Africa (Primal Love)" – 0:39
  2. "Hold Back the Night" (Druick, Nova) – 4:48
  3. "Always Be Mine" – 4:11
  4. "All Night Long" – 3:41
  5. "War Suite" – 1:26
  6. "Prelude to Paradise" – 1:31
  7. "Paradise" – 3:17



🎶🚀🔋

6 commentaires:

  1. Hello mon poto, non seulement je connais Aldo Nova mais je l'ai vu en concert et oui !!! C'était le 4 février 1984,à l'espace Balard en 1ère partie de B.O.C (tournée Revölution by Night).

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    1. Yo, Philou ! ça gaze ?
      Je présume que cela a été un super concert (cela me fait aussi penser qu'à l'époque, il y avait encore pas mal de concerts "potables", en France).
      L'espace Balard... c'était bien la salle qui accueillait pratiquement tout ce qui se faisait en matière de Heavy dans les années 80, non ?

      Aldo ayant le même management que celui de BÖC, il a rapidement été embarqué pour effectuer la première partie du fameux quintet (dès 1983 en Amérique du Nord).
      On retrouve aussi le Québécois sur les disques "Revölution by Night", justement, et "Imaginos".

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  2. Hello Luc...comme tu vois, chuis encore un fervent abonné du blog !!! Bonne continuation à tous.
    Take good care of yourselves.

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  3. Hello Bruno, je me rappelle surtout du BOC, c'était super fort !!! Mes pov' zoreilles ont souffert un max.
    Oui, t'as raison à cette époque y avait un paquet de bons concerts en France et surtout à Paris. Je me rappelle avoir vu Thin Lizzy, Whisbone Ash, Styx, Clapton, Police, Toto...etc pour 50 francs !!!!
    L'espace Balard effectivement a vu passer un paquet de groupe de hard. C'était un chapiteau si je me souviens bien. J'ai retrouvé le set list d'Aldo Nova : https://www.setlist.fm/setlist/aldo-nova/1984/espace-balard-paris-france-6bd832a2.html.

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    1. Oh, oui, j'avais presque oublié que les prix étaient bien plus abordables (alors que le pouvoir d'achat était supérieur à aujourd'hui… ). C'était avant que les Stones et Madonna ne fassent flamber les prix ; ou plutôt le "tourneur" français puisque ça restait moins onéreux dans les pays limitrophes.

      "If it's too loud, you're too old" :-)

      Arrrgghhh.... Thin Lizzy ! Wishbone Ash !

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