« Le groupe le plus mauvais de tous les temps », voilà comment Lester Bang présentait COUNT FIVE aux lecteurs de Creem, la bible américaine du rock. L’homme a trouvé le disque dans les bacs à soldes où il a ses habitudes et, finalement, dans sa bouche cette présentation peut être interprétée comme un compliment. Si l’analyse de Bang a tant influencé le rock, en bien comme en mal, c’est parce que l’homme voyait cette musique comme une délicieuse bouillie sonore, censée nettoyer le monde de sa banalité. Dans une société où les sanctions et les récompenses que nous réserve la vie tombent de manière si prévisible, où le sérieux est imposé à coups de salaires souvent dérisoires, cette musique se devait d’être primaire et abrasive, afin de nous faire oublier cette normalité qui nous rend tous fous. A ce jeu-là, COUNT FIVE était en avance sur son temps, ils avaient même deux métros d’avance.
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Le groupe se crée tout d’abord sous le nom de THE SQUIRE, et célèbre son amour pour le surf rock, qu’ils ont en commun avec un certain Keith Moon. C’est peut-être d’ailleurs le jeu du jeune Moon qui a séduit les musiciens de COUNT FIVE, qui ajoutent donc la violence des WHO à leurs influences américaines. Vouant aussi un culte aux YARDBIRDS, qui commencent tout juste à exploser les règles du blues, THE SQUIRE dynamitent le son de ces anglais à grand coup de fuzz, sur un chaos sonore nommé « Psychotic reaction ». Déversant ce torrent heavy psychédélique avant l’heure, THE SQUIRE attirent l’attention d’un producteur, et se renomment COUNT FIVE en référence au comte Dracula.
Après la parution de l’album, le groupe apparaissait d’ailleurs déguisé en vampire, sa musique semblant pomper l’énergie des cerveaux trop chargés. Mais ne vous y fiez pas, derrière cette scénographie absurde, et cette rugosité sauvage, se cachait un chaînon indispensable de la longue évolution sonore du rock. Le public américain avait d’ailleurs senti que quelques choses se passaient, propulsant le single « Psychotic reaction » au sommet des charts, le disque fut d’ailleurs surtout enregistré pour surfer sur ce succès.
Cette urgence parcourt ce disque
de son aura vivifiante, les musiciens semblant jouer comme s’ils allaient
mourir dans quelques heures. Les calculs artistiques n’ont pas leur place ici,
les hommes ont ouvert une porte et veulent entrer avant qu’elle ne se referme.
Si « Psychotic reaction » montre parfois une certaine diversité, le
groupe sonnant presque comme les BEATLES sur les passages plus pop, c’est
presque malgré lui.
Et c’est sans doute cet
amateurisme que Bang a perçu. Alors qu’il commençait déjà à s’embourgeoiser, COUNT
FIVE semblait ramener le rock dans les garages crasseux où il était né. Alors,
qu’il ne sonne vraiment avant-gardiste que sur quelques titres, le reste se
résumant à du rock rugueux joué par des gamins à peine majeur n’a pas grande
importance.
« Psychotic reaction » fait partie de ces œuvres qui montrent la beauté de certaines productions un peu bancales, mais qui donne un tel coup de pied dans la fourmilière qu’on se moque bien de savoir si le coup fut assez précis pour tout remuer. Après tout si le rock, devait devenir trop sérieux, autant écouter du jazz.
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Oyez, oyez ! Le n° de septembre du web-magazine Rock in Progress est dispo à cette adresse, avec les frangins Winter en couverture : https://drive.google.com/file/d/1rbGR_-EBL7ZUgiFsWRPcL3w6xeeO3Kzj/view
Probablement l'un des groupes les plus cités par Lester Bangs. Une véritable obsession.
RépondreSupprimer[Merci à R.I.K. pour avoir consacré du temps à Jade Warrior et Tin House]
Oui il en parle beaucoup dans les deux livres qui regroupent ses chroniques.
RépondreSupprimerRavis de constater que je ne suis pas le seul à connaître tin house et Jade warrior.
Ouaip, ils ont eu tout deux droit à une p'tite chronique ici même.
SupprimerLes années 70 recèle foule de pépites. Il serait bien dommage qu'elles soient oubliées.