vendredi 9 octobre 2020

ANTOINETTE DANS LES CEVENNES de Caroline Vignal (2020) par Luc B.

 


Voilà ce que j’appellerai une comédie sans prétention et fort réussie, qui tient sur les seules épaules de son interprète principale, Laure Calamy. La réalisatrice  Caroline Vignal est sortie diplômée de la Femis comme scénariste en 1997, réalise deux courts métrages, puis le long LES AUTRES FILLES en 2000, et plus rien pendant 20 ans, jusqu’à ce ANTOINETTE DANS LES CEVENNES.

Je lis ici ou là des critiques négatives sur le mode : ah ouais les bobos parisiens en goguette à la campagne, le choc des territoires et des cultures. Complètement con et hors de la plaque. Car Vignal ne dit rien de l'environnement de vie du personnage, de son éducation, si ce n'est son métier. ANTOINETTE s’apparente davantage au vaudeville, mais en plein air, et au portrait d’une quadra déboussolée sentimentalement.

A savoir Antoinette Lapouge, institutrice, qui a comme amant le père d’une de ses élèves. Lorsque celui-ci, Vladimir, lui annonce qu’ils ne pourront pas passer une semaine ensemble parce qu’il part avec sa femme et sa gamine dans les Cévennes pour une randonnée, Antoinette, dépitée, s’inscrit au même trail, espérant faire la surprise à son amant.

Elle choisit l’option avec âne. 20 bornes par jour à crapahuter entre deux relais avec son âne Patrick sur lequel elle n’a aucune autorité. Le seul truc qui fait avancer le baudet, c’est qu’Antoinette lui parle. La voilà donc qui lui confesse ses affres sentimentales, l’historique de sa vie amoureuse, sur les chemins caillouteux.

Il y a au début cette scène qui témoigne de la qualité d’écriture. Antoinette rejoint une tablée de randonneurs. On l’interroge poliment, et voilà que sans fare, sans pudeur, elle confie à la troupe le réel but de son voyage. Répliques après répliques se dessine le personnage, une femme libre, premier degré, qui engendre à la fois l’admiration, un peu la pitié, et la suspicion. Une croqueuse de maris, on n’est pas loin de la tendre salope. Et les gens, ça cause. L’histoire circule. Running gag : à chaque fois qu’Antoinette croisera d’autres groupes, ils demanderont si elle a enfin pu croiser son amant !  

Antoinette est  une femme désarmée et désarmante, qui confie ses doutes, ses remords, ses tristesses, ses envies aux premiers venus, y compris à son âne. Il y a cette jolie scène presque onirique : Antoinette se perd, dort dans la forêt, sur son âne, et se réveille entourée d’une biche, d'un lapin, d'un renard, d'un hibou. La Belle au bois dormant.

Son âne Patrick la ramène au relais. Elle devra refaire la même étape le lendemain, sauf que Vladimir (le toujours génial Benjamin Lavernhe, acteur qui monte, monte…) et sa famille se pointent. Scène très drôle de « Vous ici, quelle surprise ?! » surjouée au possible, et très dérangeante. Avec ce gag de l’âne qui brait dès qu’une situation lui semble immorale ! Sur proposition de l’épouse trompée, Antoinette fera la route avec la petite famille, situation très gênante, et brillamment exploitée par Caroline Vignal.  

Il y a deux choses de vraiment agréables dans ce film, à commencer par les seconds rôles. La distribution est parfaite, comme Marc Fraize, le lourdingue, casquette rouge vissée sur le crâne, limite pervers, le couple qui tient le relais (lui c’est Denis Mpunga, formidable) ou le Shérif, un bicker aussi charmeur qu’entreprenant auquel Antoinette ne résistera pas. Et puis la mise en scène qui privilégie les plans larges, les scènes collégiales, un format scope pour une fois réellement bien utilisé.

Les paysages sont grandioses, l'écran large permet ces plans d'une Antoinette paumée dans la nature, qui tire son âne retord à la corde, mais aussi ce plan entre la femme de Vladimir (impeccable Olivia Côte) et Antoinette, où chacune ferme le cadre au milieu duquel trône Patrick. Beau travail sur les couleurs des vêtements, comme celle où Antoinette boiteuse, en robe rouge dans un champ de verdure.

On notera ce clin d’œil à RIO BRAVO avec la chanson de Dean Martin « My riffle, poney and me ».

Antoinette est jouée par Laure Calamy. Habituée du théâtre, des seconds rôles et de la télé (on la découvre dans la série DIX POUR CENT) elle est enfin en haut de l’affiche, au cinéma. Elle tient tout le film, elle est de tous les plans, avec ses faux airs de Karine Viard en brune, y compris la diction, elle est juste formidable, espiègle, sexy, nunuche et sensible à la fois.        

Une comédie originale et rafraichissante (on pense parfois à Jean-Paul Rappeneau) très joliment filmée et merveilleusement interprétée. Le plan final, avec ce soleil à l'horizon évoque à la fois le western et Chaplin. On ne se plaindra pas de telles références. 

 

Déjà plus de 500 000 entrées au cinéma, le bouche à oreille fonctionne, c'est bien, continuons le combat !

 

couleur  -  1h35  -  format scope 

2 commentaires:

  1. Ola,
    si j'ai bien compris le scénario, la seule différence avec les randonneurs (B. Poelvoorde,K Viard) c'est qu'au lieu du GR20 on a droit aux paysages des Cévennes avec un âne en sus......

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  2. Mauvais esprit ! Non, si la randonnée est le point commun, le film est très différent, il ne s'attache qu'à un seul personnage, et pas une troupe entière de trentenaires pré-ados. Tiens, Karin Viard, je vais en parler la semaine prochaine !

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