C’est peu dire
que le dernier Dupontel était attendu, après les réussites que constituaient
NEUF MOIS FERME (2013) et AU REVOIR LA-HAUT (2017). Verdict : un bon film plein de qualités, mais dont j'espérais davantage.
Le départ est
prometteur, avec la présentation des deux protagonistes confrontés chacun à l'entretien qui signera leur perte. D’un côté Suze
Trappet, la quarantaine rayonnante (Virginie Efira) atteinte d’une maladie
auto-immune, diagnostiquée incurable par son médecin. Elle va mourir. De l’autre, JB
(Albert Dupontel) informaticien hyper compétent, jugé trop vieux par son chef de service.
Mis au rencard, brisé, il veut mourir.
Le vœu de Suze, avant de mourir, est de retrouver son enfant né sous X, placé à l'Assistance. Un parcours du combattant dans le labyrinthe administratif. Clin d'oeil à
BRAZIL de Terry Gilliam, qui oh surprise, fait une apparition (comme dans tous
les films de Dupontel). JB se heurte lui aussi à un souci : il rate son
suicide, programmé pour plus de panache sur son lieu de travail. Double
conséquence : JB est
soupçonné d'avoir voulu tirer sur un collègue, et seule Suze,
témoin du suicide foireux, peut l’innocenter. Elle veut avoir accès aux dossiers
informatiques pour retrouver son môme, JB a justement les compétences requises pour
l’aider. Ce sera donnant-donnant.
Racontés
ainsi, les ingrédients font davantage penser à un mélodrame sombre qu’à une
comédie. D'ailleurs Dupontel qualifie son film de tragédie burlesque. Sauf que l'équilibre entre les genres ne fonctionnent pas toujours, avec un penchant mélo trop prononcé (les notes de guitares...) soi mal
habile. Le film part sur les chapeaux de roues, comme à l’ordinaire
Dupontel raconte son histoire de manière très visuelle, cartoonesque (l’enfance
de Suze). Le film est très rythmé, dure moins d’une heure trente, et pourtant,
donne l’impression de faire du surplace.
La situation est classique : un couple
en cavale, ardemment recherché, devant mener leur enquête. On devrait donc être dans le mouvement continu. Mais à chaque fois que Suze et JB sont devant une difficulté,
hop, il suffit de pianoter sur un ordinateur pour trouver la solution. C’est un
peu facile… D’où ce rythme à la fois effréné et statique, le duo étant le plus souvent assis en voiture, sur des marches, un banc... Et impression étrange : alors que Dupontel semble pointer du doigt cette société ubuesque, désincarnée, technologique, c'est justement la technique qui sauve les personnages - et qui permet au réalisateur de donner cette forme au film. Contrairement à EFFACER L'HISTORIQUE (Delépine & Kerven) sur un thème similaire, qui était cohérent dans le fond comme dans la forme. Il y avait un suspens
dans NEUF MOIS FERME, du romanesque dans AU REVOIR, deux ingrédients un peu
absents ici. Ce sentiment est diffusé aussi par le choix de mise en scène.
Dupontel
apporte toujours un grand soin à ses images, savamment cadrées, éclairées (l'héritage JP Jeunet) on
commence à connaitre son style, mais qui ici prend un peu le pas sur l’intrigue
elle-même. Il aime aussi filmer ses acteurs sur fond vert, et incruster ensuite
numériquement les décors. Pourquoi pas, mais du coup les comédiens sont rarement
en mouvement, c’est le décor qui bouge. Voir la montée de l'escalier en colimaçon. On repense à ces films anciens
où une poursuite en voiture était filmée avec un effet de transparence, le
châssis de la bagnole fixé sur des vérins en studio. Et bien
c’est la même impression ici.
C’est une
volonté d’Albert Dupontel de redessiner son filmer, l’habiller
graphiquement en post-production, mais
ça sonne faux, et pour cause. Le film ne se veut pas réaliste. Comme pour les
flics du film, des gars habillés en noir sortis d’un épisode de MATRIX. Certains voient dans
ce film une charge contre la police (le personnage de Monsieur Blin est devenu
aveugle après un tir de flash-ball lors d’une manif étudiante), ou un hommage aux Gilets Jaunes (scène du rond-point). Dupontel s'en défend, d'autant plus que le scénario était prêt bien avant les premières manifs.
J'ai l'air comme ça de descendre le film, mais il y a heureusement de
bonnes choses dans ADIEU LES CONS, l’interprétation, l’inventivité des images, le sens du dialogue, comme ce running gag sur les patronymes des gens
(« madame Trappot… Trappit… Trapput ? Trappet !!! ») les
seconds rôles. Dupontel s'entoure de sa troupe habituelle, des fidèles. Comme Nicolas Marié qui joue M. Blin, l’aveugle qui fait le guet (!). Jolie scène lorsqu'il
se remémore les rues qu'il a connues avant sa cécité, qui ont bien changé. Lui ne le
sait pas, et Suze n'ose le contredire. Le film paraît nostalgique, avec un petit fond réac (qui à mon sens
correspond davantage à Dupontel que l’étiquette d’anar qu’on lui prête
volontiers), un film traversé une fois de plus par le thème de la
maternité, de la filiation, de l'individu paumé dans une société qui change.
Toute l'intrigue converge
vers les deux séquences finales, dont je ne peux révéler l’exacte teneur. Celle
de l’immeuble et des ascenseurs téléguidés, digne de Buster
Keaton, à la fois burlesque et poétique. On a plus à faire à des silhouettes, des caractères, qu’à des personnages, comme dans AMÉLIE POULAIN, auquel on pense parfois (qui
pour le coup brasser beaucoup plus d’aventures). Et puis les dernières images, la séquence du parking.
Fallait oser vendre un épilogue pareil à la Gaumont ! Une tragédie burlesque ? L'expression est bien trouvée.
couleur - 1h27 - scop 1:2.35
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