mardi 29 septembre 2020

CASQUE D’OR (1952) de Jacques Becker par Pat Slade



Un des seuls films français où l’on parle des Apaches sans que cela vire au western dans les rues de Paris. Une époque où tu jaspinais l’argomuche des quartiers ou tu larlaipuches lourammentoc l’argommuche (En Louchebem, l’argot des bouchers).




Une époque pas si belle que ça






Paris au début du vingtième siècle ; ce n’était pas que des hommes en gibus et des femmes en crinolines qui se promenaient en calèche ou sur l’omnibus, même si la tour Eiffel, le symbole de Paris, fait de la capitale française la vitrine du monde et du progrès, les Apaches, un terme qui sert à désigner des bandes criminelles et notamment les truands et voyous de la rue de Lappe (11e) et les Marlous de Belleville (20e) qui vont se différencier par un grain de beauté tatoué sur la joue droite ou sous l'œil. Les Apaches ne sont que des bandes de jeunes effectuant des délits gratuitement, des vols associés à de la violence, ou même des viols. En 1902, deux bandes vont s’affronter pour une prostituée Amélie Elie.

Qui n’a pas vu le film de Jacques Becker «Casque d’Or» avec Simone Signoret et Serge Reggiani, un classique du cinéma français. Et pourtant l’histoire romanesque qui nous est narrée dans le film n’a absolument rien à voir avec la réalité… ou presque.

Amélie elie "Casque d'Or"
Plus connue sous le surnom de “Casque d’Or”, Amélie Élie (Egalement orthographiée sous le nom d’Amélie Hélie) est une jeune fille qui a provoqué de graves conflits, au sein de gangs Apaches qui tenaient le haut du pavé de la rue parisienne. Prostituée de son état, la demoiselle née à Orléans en 1878. Reconnaissable par son épaisse chevelure rousse et dorée, la jeune femme a d’abord été réduite à la prostitution et l’errance dès son adolescence, avant de faire la rencontre de Joseph Pleigneur dit «Manda», le chef du gang des Apaches de la rue des Orteaux dans le quartier de Charonne (20e). Manda vit essentiellement de ses compétences manuelles, réalisant pour ses amis les outils nécessaires à la profession de cambrioleur mais le gars n’est pas très fidèle et délaisse sa régulière pour aller batifoler avec d’autres demoiselles. En découvrant ses infidélités chroniques, Casque d’Or décide alors de se venger, en démarrant une nouvelle relation avec le chef de la bande adverse : un certain François Leca, basé rue Popincourt dans le quartier de la Roquette (11e). Une telle rivalité ne pouvait déboucher que sur un affrontement mémorable.

Manda - Leca - Casque d'Or
Ce qui devait arriver arriva. Donc, le 5 janvier 1902. Finalement mis face à face, Manda et Leca démarrent d’abord un esclandre, avant d’en venir aux mains… puis aux armes, Leca termine à l’hôpital Tenon, gravement blessé à un bras et à une cuisse. Manda est arrêté, mais Leca ne l'ayant pas reconnu devant la police, il est aussitôt relâché (Le code d’honneur des mauvais garçons). 

La guerre est déclarée, une bataille rangée a lieu une semaine plus tard entre la bande de Manda et celle de Leca. Leca en sort avec deux balles de revolver dans le bras et la cuisse et attend trois jours avant de se faire soigner à l'hôpital Tenon, où la police vient l'interroger et devant laquelle il observe la même loi du silence. À sa sortie de l'hôpital, la bande à Manda porte trois nouveaux coups de couteau à Leca dans le fiacre qui transporte le blessé. L'affaire Manda-Leca fait la une de la presse. 
Casque d'or
Un journaliste du 
petit Journal, s'indigne : «Ce sont là des mœurs d’Apaches, du Far West, indignes de notre civilisation. Pendant une demi-heure, en plein Paris, en plein après-midi, deux bandes rivales se sont battues pour une fille des fortifs, une blonde au haut chignon, coiffée à la chien !».  C'est le père de Leca, épuisé par ces incessantes agressions de son fils, qui finit par livrer le nom de Manda. Après un exil forcé, de retour à Alfortville Manda est reconnu, dénoncé et cueilli par un détachement d'une cinquantaine de policiers. Casque d’Or pendant ce temps là, devient une véritable vedette et voit les médias lui faire la cour.

Portraiturée par des artistes, la jeune rousse chante également dans des cabarets, tandis que des scénaristes cherchent à adapter son histoire au théâtre. Leca et Amélie y trouvent leurs comptes et vivent de ces revenus inattendus. Un bonheur de courte durée, puisque la bataille Manda-Leca se poursuit, mais cette fois-ci, Leca endosse le rôle de repris de justice et se réfugie en Belgique, où il est rattrapé. Manda et Leca sont condamnés aux travaux forcés et au bagne. Ils partent pour la Guyane et n'en reviendront jamais. Leca s'évade en 1916 et ne sera pas retrouvé. Manda sera libéré en 1922 mais, contraint de rester en Guyane, il mourra à Saint-Laurent-du-Maroni en 1936.
Amélie se mariera en 1917 et deviendra bonnetière. Malade de la tuberculose, elle meurt en , à l'âge de 55 ans.





De la réalité à la fiction





Du coup de foudre à l’échafaud, «Casque d’Or» est une tragédie de la belle époque à la beauté mélancolique. L'histoire d'un amour impossible, marqué par le destin, un génial mélodrame que portent Simone Signoret et Serge Reggiani.

S.Signoret - C.Dauphin - D.Davray
Les Apaches de la bande à Leca (Claude Dauphin) - les voyous qui hantent le quartier de Belleville - ont investi avec leurs femmes une guinguette du bord de Marne, à Joinville-le-Pont. Marie, une prostituée surnommée Casque d'Or en raison de son étincelante chevelure blonde, s'est fâchée avec son amant du moment, le distingué Roland (William Sabatier).  Surgit alors Raymond (Raymond Bussières), accompagné de son ami d'enfance, Georges dit Jo Manda (Serge Reggiani), un apache repenti, devenu charpentier. Entre la belle et le charpentier, le coup de foudre est immédiat. Une passion destructrice, sur fond de rivalité au sein de la bande, unit les deux amants…

W.Sabatier (assis Roland) - R.Bussières -  S.Reggiani
Un duel au couteau entre Roland et Manda pour l'amour de Casque d'Or aboutit à la mort de Roland. Manda se réfugie chez Casque d'Or. Leur liaison amoureuse est révélée à Leca convoitant lui aussi Casque d'Or. Il fait accuser Raymond d'être l'assassin de Roland. Raymond est arrêté. Les policiers croient en sa culpabilité car il est en possession de la montre de Roland. Manda, apprenant cela, se dénonce à la police. Il est emprisonné, mais Raymond reste tout de même en prison. Marie se résout alors à aller chez Leca afin de négocier l'évasion de son amant. Leca exige qu'elle "passe à la casserole". Casque d'Or lui cède mais, après coup, Leca refuse de l'aider. Casque d'Or organise alors seule l'évasion de Raymond et de Manda, lors de leur transfert en prison.

Reggiani sur la bascule à charlot
Juste avant, Raymond révèle à Manda qu'il avait été dénoncé par Leca. L'évasion réussit, mais Raymond est atteint par le coup de feu d'un policier. Comprenant que Marie avait été contrainte de coucher avec Leca, Manda n'a plus qu'une idée en tête : rendre justice à Raymond en tuant Leca. Manda réussit à abattre Leca. Arrêté, il est condamné et meurt guillotiné, à l'aube, sous les yeux de Casque d'Or. Le film s’achève sur la musique «Le Temps des Cerises» de Jean Baptiste Clément

S.Reggiani - S.Signoret
Je rajouterai une anecdote, le film commence par la scène de la guinguette et de Reggiani dansant avec Simone Signoret. Quinze jours auparavant, Reggiani c'était cassé le péroné après avoir fait de la varappe et portait un plâtre. Simone Signoret elle, ne savait pas danser et comme sa robe était très longue et que l'on ne voyait pas ses pieds, Reggiani gardera son bras le long du corps et la portera pendant toute la scène.

Le coté romanesque du film chasse le coté âpre de la réalité. Le film fera l’objet d’une plainte pour «Atteinte à la mémoire d’Amélie Elie» déposée par le mari de cette dernière. Le procès est perdu le 5 mai 1952.  Simone Signoret qui était en début de carrière n’a jamais été aussi belle que dans ce rôle qui la mettra sur un piédestal. Serge Reggiani qui avait déjà une liste considérable de rôles derrière lui trouvera dans le rôle de Manda qu’il avait la fibre d’un grand acteur (N’oublions pas qu’il était acteur avant d’être chanteur).



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