mercredi 23 septembre 2020

BATTLEAXE "Burn This Town" (1983), by Bruno


    Introduction facultative (du charabia) :     
     Au sujet du Hard-Rock (terme qui s’avère malheureusement trop réducteur, voire même parfois mal-approprié, qui, encore aujourd’hui, peut être une barrière, une source d’a priori pour ceux qui ne s’y sont jamais vraiment intéressés de près), on a principalement parlé des nouveautés de ces dernières années (actualité oblige) et de ceux de la décennie des années 70 (probablement la plus intéressante pour ce style). Mais peut être pas suffisamment de ceux de la décennie suivante, celle des années 80. Soit celle qui correspond à son apogée, tant médiatique, qu’en terme de vente et de succès. C’est la décennie de son explosion avec notamment la conquête de la New Wave Of British Heavy-Metal, puis de l’émergence de diverses branches. C’est également la décennie qui marque une certaine radicalisation de cette musique. Les racines Blues sont ignorées, (parfois moquées même, bien qu'elles reviennent forcément à travers nombre de compositions), la nouvelle source d’inspiration étant alors les pionniers de cette musique. On passe au niveau supérieur dans la lourdeur, dans la rapidité d’exécution, dans l’agressivité déployée (souvent artificiellement). La saturation naturelle des amplis à lampes ne suffit plus, et les Fuzz et autres Overdrives (généralement plutôt de puissants boosters), considérées par les nouveaux barbares comme trop légères, sont mises au placard (ou carrément bazardées) et remplacées par des pédales de distorsions (« distortion »)  nettement plus charnues (remember les potards à onze ?). C’est parfois une stérile surenchère. C’est aussi une plongée dans une forme d’uniformisation avec une majorité de groupes qui se cantonnent à un style, ou bien n’osent pas s’écarter de temps à autres de leur terrain de prédilection, de crainte de s’attirer les foudres de leur public, (ou/et) de leur label, et même de la presse. Une rétrogradation des esprits ? C’est probable, d’autant plus que l’on peut aussi retrouver ce cloisonnement dans les autres styles de musique.
     Difficile dorénavant de retrouver la richesse et la versatilité d’un Bad Company, d’un Humble Pie, d’un Led Zeppelin ou d’un Thin Lizzy.
     Cependant, dans cette énorme bousculade de combos de chevelus hirsutes, parés de cuir, de clous et de jeans, se proclamant plus puissants – tantôt plus sales aussi - et voulant jouer plus fort que son voisin, il y en a quelques uns qui sont parvenus à s’extirper de la masse. (à savoir que derrière leurs allures de pseudo-guerriers post-apocalyptique croisées entre les Warriors de Walter Hill, le Mad Max de George Miller et autres accoutrements sado-maso agrémentés de résidus punk, il y avait de simple gamins, ou "grands-zenfants", faisant généralement preuve d'une franche camaraderie entre musiciens, comme s’ils faisaient partie d’une grande famille – bien plus en Europe qu’aux USA où l’esprit de compétition est souvent souhaité, et plus généralement dans la première moitié de cette décennie -).
  Quatrième chapitre abordé sur cette NWOBHM, avec Battleaxe.


     Outre les groupes majeurs qui sont parvenus à se pérenniser jusqu'à la décennie suivante, sinon plus, il y a eu une myriade de divers combos. Des collectifs de jeunes gens bercés d'illusions, le cœur chargé d'espoir (la musique étant un des meilleurs moyens pour échapper à un avenir morose), qui se sont échinés jusqu'à l'épuisement. Tantôt perdus à jamais dans l'anonymat en dépit de quelques fervents - et peu exigeants ? - adeptes, tantôt gloires éphémères.



     Battleaxe fait partie de la seconde catégorie.
Sa genèse prend racine en 1978 ; initialement nommé Holocaust (mais c'était déjà pris), il change pour Warrior. Le bassiste Brian Smith, le guitariste Steve Hardy, le batteur Ian Thompson et le chanteur Jeff Spence commencent doucement à se constituer un répertoire propre qu'ils incorporent à leurs reprises, dont "Heart Attack" qui deviendra "Battleaxe". Si la petite bande est enthousiaste et prête à défendre bec et ongle sa musique, Jeff, lui, se détourne progressivement du Heavy-metal pur, souhaitant diriger Warrior vers le Glam-rock.
Pas de problème, la majorité faisant foi, il est remplacé par Dave King que la troupe connaît bien puisqu'il fait déjà partie de l'équipe en tant que roadie. (absolument aucun rapport avec le Dave King, le chanteur Irlandais de Fastway et de Flogging Molly). C'est cette nouvelle mouture qui opte en 1980 pour un dernier et définitif patronyme, BATTLEAXE. Un nom qui définit bien la teneur de la musique dispensée. On s'attend à du belliqueux, du robuste, du nerveux, du "barbare", à l'odeur de poudre et d'acier. Et c'est bien de ça qu'il s'agit.

     En 1981, le groupe s'autofinance pour l'enregistrement de trois chansons faisant l'objet d'un premier 45 tours, pressé à 1000 exemplaires. Une carte de visite comprenant les brûlots "Burn this Town" (cri de colère de lads face à la société de la Dame de fer) et "Battleaxe" (avec des paroles remaniées) sur la seconde face. Dans l'élan, une troisième pièce est enregistrée, "Hands Off"', qui se retrouvera sur l'album. Y'a pas à tortiller, c'est du brutal ! La troupe, ou plutôt le commando, n'usurpe pas son patronyme. Un premier single qui s'inscrit comme un habile rejeton de Motörhead, reprenant les choses là où le trio les a laissées avec "Bomber" (même si l'introduction "Burn this Town" pique le riff de "You're All Talk" de Cheap Trick).
     Le collectif tourne suffisamment, avec un public répondant présent, pour gagner les moyens d'investir dans un mur de Marshall, une sono, un lightshow et un bus d'occase à deux niveaux - repeint en noir -. (un bus impérial ?)
L'année suivante, ils réinvestissent le studio Guardian à Durham, d'où ils ressortent cette fois-ci avec huit nouvelles pièces complétant leur arsenal. Des démos gravées dans le but de dégotter un contrat avec une maison de disques. 
   C'est chose faite avec Music for Nations Records, le label indépendant fraîchement fondé en cette année de 1983, dont le but est de promouvoir essentiellement le nouveau Heavy-metal des jeunes hordes de chevelus déferlant aussi bien dans un Royaume-Uni submergé par ces sauvageons, que celui des pyromanes grimaçants d'outre-Atlantique. En devenant l'un des principaux importateurs européens du Metal US, ce label londonien va rapidement devenir, dans les années 80, un leader incontesté et une référence.

   En grand dam de BattleaxeMusic for Nations Records considère que les démos sont suffisamment bonnes pour être publiées telles quelles. Et malgré les protestations du quatuor, qui espérait pouvoir réenregistrer le tout avec un producteur compétant, c'est ainsi que "Burn this Town", l'album, voit le jour. Ce qui permet aussi de sortir rapidement un premier album, constitué donc des démos enregistrées en 1982 - à l'exception de "Love Sick Man" qui sera récupéré pour le disque suivant - du 45 tours et de "Hands Off" récupéré pour l'occasion.
    Cerise sur le gâteau, la galette est affublée d'une pochette au dessin naïf digne d'un groupe juvénile porteur d'un amateurisme accablant. Une pochette qui se retrouvera parfois recensée parmi les pires de la décennie. L'édition française, sous Bernett Records, optera pour une révision totale (bien que le résultat ne soit pas nettement probant).
   Le groupe s'estime quelque peu lésé, et peste surtout contre une prise de son de la batterie qu'il juge anémié. Pour lui, c'est un disque inachevé. Pourtant, bien qu'effectivement la batterie peut s'avérer sur certaines pièces relativement terne et sous mixée, et que, plus rarement, la guitare semble avoir été captée dans une salle de répétition, la production des démos s'accommode plutôt bien au propos. Notamment, le grain. A la même époque, où il fallait parfois produire dans l'urgence le moindre péquin qui beuglait dans un micro ou qui rudoyait sa guitare à l'aide d'une disto tout à donf, une trop grande quantité de disques fut enregistrée avec les pieds. Et puis, ce n'est pas sans raison que, doucement mais sûrement, l'album fait son chemin, jusqu'à être distribué un peu partout en Europe.

     Pour faire simple, dans les grandes lignes Battleaxe doit beaucoup, énormément même, à Saxon et Motörhead. Steve Hardy est avant tout un habile disciple de Fast Eddy Clarke. Il a tout compris du jeu du rouquin et l'utilise à bon escient. Notamment dans cette façon de relancer la chanson en l'entraînant avec un second solo plus resserré, à la fois nerveux et un chouia lyrique (tout est relatif) à la quinte du premier, dans une course hors d'haleine. Et Ian Thompson raffole de l'utilisation ventre à terre d'une double grosse caisse à la manière de Philty Animal Taylor.

     Bien que sincèrement Heavy-metal dans l'approche, ce premier jet laisse perler à travers ses rythmes une influence (heavy-) Rock'n'roll, voire un poil Hard-blues. En corrélation donc avec les deux influences majeures susmentionnées.
   Si "Ready to Deliver" entame les hostilités sur une avalanche "overkillienne" de fûts et de chorus corrosifs à la Fast Eddie - tout comme "Burn this Town" qui défile à toute berzingue, entamant et cramant le bitume, "Battleaxe" qui écrase tout sous son passage (sans doute inspiré par ce que Budgie a fait de plus dur et fulgurant) et "Hand Off" qui est un scud à l'essence d'AC/DC fusionnée au trio de freaks de Lemmy, clôturant la galette sur rythme haletant et effréné laissant exsangue l'auditeur - de temps à autre, le quatuor rétrograde. Cela tout en gardant sous la pédale de quoi ruer dans les brancards. C'est que les morceaux les plus modérés sont comme un réacteur nucléaire en surchauffe, accusant quelques fuites pouvant à tout moment entraîner l'irrémédiable.

   A l'image de "Her Mama Told Me", un Heavy-rock rugueux aux allures de Nugent à la sauce british. Ou du guilleret et viril "Runnin' Outta Time" - probablement l'un des meilleurs morceaux que le groupe ait jamais composé - en Boogie-metal rocailleux. Ainsi que de "Dirty Rocker" qui aurait trouvé sa place chez Fastway.

     Si effectivement il plane parfois un léger parfum de démo, que certains pourraient tout aussi bien attribuer à une sonorité dite "garage", cela n'handicape aucunement ce bien sympathique "Burn this Town" qui est depuis devenu un classique de la NWOBHM. Une galette de la famille des Nashville Pussy, Motörhead ère Fast Eddie, Saxon de "Wheels of Steel" et "Strong Arms of the Law", et Tank de "Fith Hounds of Hades". Voire de Girlschool.

     En comparaison, l'album suivant, "Power of the Universe", qui a cette fois-ci profité d'un sérieux travail de studio, paraît un brin lustré. Les rythmes sont dans l'ensemble moins trépidants et les chansons focalisent un peu trop sur des refrains fédérateurs, aptes à faire scander le public, donnent l'amère sensation d'une recherche plus mainstream, relativement commerciale, empruntant le chemin balisé par Judas Priest. La chanson "Make It In America" semble d'ailleurs révéler le souhait d'être accepté par ce pays où les gains sont bien plus généreux que sur le vieux continent. Cependant, cela ne contrarie pas son succès. Poussé par le single "Chopper Attack", ce second disque est accueilli par la presse spécialisée et le public Anglais comme l'un des meilleurs disques de Heavy-metal de l'année.

     Cependant, le destin va se montrer implacable. Premier coup du sort avec Ian Thompson qui, quelques temps après avoir bouclé les enregistrements de leur premier album, se fait agresser dans la rue à coups de barre de fer. Il s'en sort avec de graves blessures, dont une fracture du crâne, et est dans l'impossibilité de reprendre une activité avant des mois. Devant honorer leur récent contrat, la troupe n'a pas d'autre choix que de trouver un remplaçant pour partir en tournée, promouvoir leur premier essai. Ce qui devait être un poste intérimaire, dans l'attente du rétablissement de Thompson, devient un poste définitif et c'est le petit nouveau, Ian McCormick, que l'on retrouve sur "Power of the Universe".
 
dernière pochette en date

   Alors que le groupe est en pleine ascension, remplissant les salles d'Angleterre et se produisant en Europe (en première partie), le coup de massue intervient avec le départ inopiné de Steve Hardy qui décide soudainement de raccrocher sa Stratocaster. A ce jour, personne ne sait exactement ce qui a motivé ce retrait définitif.
D'autant qu'une signature avec une major - la rumeur parle d'Atlantic Records - était en cours.
 La troupe ne parvient pas à trouver le remplaçant adéquate et fini par opter pour deux guitaristes pour combler le vide laissé par Hardy. Mais le groupe ne s'en remet pas. Avec ce départ subit, ils ont loupé le coche. Un Ep est enregistré en 1987 mais n'est pas publié (il ne verra le jour qu'en 2005).

     Avec le récent et nouvel engouement pour les groupes de la NWOBHM, Battleaxe ressuscite en 2010, avec Brian Smith et Dave King pour seuls membres originaux, et le gaucher Mick Percy qui avait déjà fait partie de l'équipe de secours de 1985. Un nouveau et inespéré disque, "Heavy Metal Sanctuary", sort en 2014. Cependant, la fraîcheur des deux premiers album a disparu, cette dernière réalisation faisant principalement honneur à un Heavy-metal "gros sabots", 

Tracklist

1Ready To Deliver
2Her Mama Told Her     - 
3:55
3Burn This Town3:43
4Dirty Rocker3:35
5Overdrive4:39
6Running Out Of Time3:39
7Battle Axe3:53
8Star Maker3:05
9Thor, Thunder Angel4:01
10Hands Off4:51





🎶🪓

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