C’était
au début des années 60, dans une Angleterre plongée dans le blues, avant que
celui-ci ne soit déformé par les relents psychédélique. Symbole d’un pays en
pleine ébullition, Londres n’en finissait pas de swinguer sur les rythmes blues
et rythm'n'blues de Clapton, des Stones, des Who… Et puis la formule s’est
progressivement perdue, ces groupes partant dans des univers sonores de plus en
plus délirants.
Côté
Américain, le bon vieux blues rythmique commençait lui aussi à tomber en
désuétude, Hendrix avait remplacé Bloomfield sur le trône du guitar-hero d’une
génération, lançant des années de sauvageries saturées. Dans
les années 60, le rock avait deux tendances sur lesquelles s’appuyer, le rock
rythmique des Stones et des débuts de Clapton, et les aventures solistes ou
bruitistes de Hendrix, Pink Fairies et autres Deviant.
Après
cette époque, le rock était devenu unijambiste, la majeur partie des groupes
préférant enchainer les solos déchirants que de se mettre à dos un public
friand de ce genre d’artifices. Bien sûr, il y aura quelques exceptions, comme
des oasis offertes aux oreilles des puristes, et les riffs de Malcolm Young,
Billy Gibbons, ou John Fogherty pouvaient encore truster le sommet des charts.
Joanne
Shaw Taylor (de Birmingham, née en 1986) est de cette école rythmique, mais il est étonnant qu’on en ait
pas plus entendu parler. Repérée par Dave Steward des Eurythmic, elle a déjà
sorti 7 disques, dont ce dernier "Reskless Heart". Il faut dire que
la bande des bluesmen invétérés bénéficie d’assez peu de pub de la part de
magazines qui, depuis des années, préfèrent imposer les sifflements d’une new
wave de plus en plus décadente. On se rappel de la couverture de rock et folk
sur la femme, de son hors-série sur Radiohead, ou de son petit dernier chantant
les louange de la White Fat Family.
Je
ne parle même pas des délires de certains sur la « french touch », qui montrait
des journalistes voulant à tout prix être dans le coup au point d’en
devenir ridicule. Dans ce contexte, Joanne Shaw Taylor ne pouvait pas espérer
une couverture, ou même un encadré de fin de magazine.
Sa
musique, elle, n’est même pas conforme aux renouveau du hard rock, qui a
souvent tendance à s’embarquer dans quelques improvisations bruitistes. Non, «
Reskless Heart » est le disque d’une artisane disciplinée, dont la musique est
solidement ancrée dans des rythmes et un feeling ancestral.
Mick
Jagger disait que le blues ne pouvait pas mourir, car il ne fut jamais à la
mode, c’est l’expression la plus pure de l’âme humaine. Comme les Stones et
leurs influences, Joanne Shaw Taylor maitrise cette façon de ne pas brusquer
les notes, les laissant ainsi résonner avec volupté. A ce titre, « I’ve been
loving you so long » est une merveille, un ballade bluesy où les notes
déchirantes rappellent la grandeur des plus grandes ballades issues du Mississippi.
Mais
n’allez pas croire que ce disque se limite à une série de bluettes langoureuses,
ce n’est qu’une des facettes d’une guitariste qui accommode son blues à toutes
les sauces. Le morceau titre, soutenu par quelques notes rêveuses de claviers,
est une danse voodoo nostalgique, ou la batterie mène le bal avec force. Comme
une respiration au milieu de cette rythmique hypnotisante, la guitare part dans
un solo propre et court, privilégiant l’efficacité aux envolées tapageuses de
Bonamassa.
Et,
bien sûr, on aura droit à notre dose de rock, ce glorieux rejeton du blues, qui
reprend ici la force minimaliste de sa jeunesse. « In The Mood » n’aurait
d’ailleurs pas fait tâche sur un disque des Stones période Mick Taylor ou, plus
récemment, à côté des perles rythmiques de Temperance Movement.
Et
voilà comment, en ce 21e siècle, le rock a retrouvé sa seconde jambe, les riffs
de Joanne Shaw Taylor s’ajoutant à ceux de Blackberry Smoke, Temperance Movement,
Blues Pills… Et, si ceux-ci sont dotés d’un feeling qui prend le temps de se
déployer, c’est pour que ces riffs puissent résonner pendant une éternité.
************************************************
à demain pour la séance cinéma : La Reine Margot de Patrice Chéreau
************************************************
à demain pour la séance cinéma : La Reine Margot de Patrice Chéreau
J'avoue avoir décroché depuis "The dirty truth" (2014) et pourtant ses premiers opus m'avaient enthousiasmé , son jeu s'est durci au fil des années , son blues-rock des débuts s'est à mon goût peu à peu estompé . Pour l'avoir vu plusieurs fois dont récemment en 2019 en compagnie de Bonamassa et Kenny Wayne Shepherd (croisière blues à Barcelone) la dame ne m'a pas convaincu ......J'avoue ne pas avoir écouté de près ce dernier disque , je vais le faire, je suis prêt à changer d'avis.
RépondreSupprimerCe "Reckless Heart" se démarque de ses productions précédentes, et si tout n'est pas du même tonneau, il m'arrive encore de l'écouter avec plaisir. Il convient de s'y attarder, sachant que la première écoute peut décevoir.
SupprimerBonamassa fait des croisières musicales ?!!! Comme Christian Morin ou Charles Dumont ?
RépondreSupprimerEt oui mon cher Luc et y'a pas que lui.....Non seulement il en fait mais en plus il les supervise ! Celle que j'ai fait l'an dernier "Keeping the blues alive" partait de Barcelone pour Malte avec à son bord outre Bonamassa , Kenny Wayne Shepherd, Joanne Shaw Taylor, Peter Frampton , Eric Gale , Eric Bibb et plein d'autres, soit 5 jours de blues non stop ! Oui je sais les croisières.....c'est pour les retraités et ben ça tombe bien j'en suis un !!!!!
RépondreSupprimerAux States il en existe autour du southern-rock .
Southern-rock, Punk-rock, Hard-rock ou Heavy-metal ; le tout avec bières à profusion. Bièèèrrreee !!!
SupprimerJe serai bien capable de me laisser tenter par certaines affiches alléchantes (en particulier celle que tu as suivi), cependant ça fait un peu produit de consommation. D'autant que les bateaux de croisières sont tout de même assez polluants.