Depuis
la sortie du premier roman d’Edgar Rice Burroughs en 1912 (il en écrira 26, en plus des aventures de John Carter), il y a eu déjà une dizaine
d’adaptations à l’écran, avant celle-ci. Et j’vous dis pas après… On ne va pas
tourner autour du baobab : cette version de W.S. Van Dyke, le premier
TARZAN parlant, est un chef d’œuvre. Fin de ma chronique.
Bon
d’accord…
C’est
un film qu’on a tous vu étant gamin, et le revoir provoque le même plaisir, le
même délice, les mêmes frissons, même si on est davantage sensible, adulte, à son lustre érotique.
Nous y reviendrons. C’est une production MGM, qui l’année précédente avait
sorti TRADER HORN, du même réalisateur, et fait un tabac. Comme on ne change
pas une équipe qui gagne, la MGM garde Van Dyke et l’Afrique. Les films
d’aventures exotiques avaient la côte, voir aussi KING KONG, LE VOLEUR DE
BAGDAD (qui n’est pas un biopic de Saddam Hussein) ou LES TROIS LANCIERS DU
BENGALE.
Rappel
des faits. La délicieuse Jane Parker débarque en Afrique retrouver son père,
qui avec son associé Harry Holt, recherche le fameux cimetière des éléphants. Holt
étant amoureux de Jane - et comme on le comprend... Aventuriers et porteurs se
mettent en route vers la montagne sacrée, dernier rempart avant le cimetière.
Attaqués lors de la traversée d’un fleuve par des crocos et des hippos, ils
sont sauvés par un mystérieux homme blanc vivant dans la jungle : Tarzan.
Qui ne s’avère pas insensible aux charmes de la jeune anglaise…
Le
roman d’origine est très édulcoré. D’ailleurs les films produits par la MGM (il
y aura 4 suites) réinventent les intrigues, ne gardant que les personnages
principaux. Le romancier a cédé les droits et touché son chèque, point barre. On n’a aucune information sur ce Tarzan, ce qu’il fait là,
d'où il vient, pourquoi, ce qu’il fait de ses journées, de son mode de communication avec des
animaux sauvages. Le GREYSTOCK de Hugh Hudson (1984) sera lui fidèle au roman
et aux origines du personnage. Le prétexte est ici de lancer les protagonistes
dans moult aventures, et on va être servi.
L’action, qui démarre au quart de tour,
oppose d'abord le monde blanc du monde noir « à partir d’aujourd’hui, adieu la
civilisation » déclare Jane en s’enfonçant dans la jungle. Mais rien de manichéen pourtant, on le verra, WS Van Dyke ayant une réelle fascination et connaissance pour l'Afrique. Il filme une danse indigène, dont les images proviennent en réalité des kilomètres de chutes du
film TRADER HORN. Il y aura beaucoup d’inserts d’animaux sauvages, de tribus indigènes,
les acteurs étant filmés en transparence, bien à l’abri des studios de Los
Angeles ! Un aspect atrocement vieillot qui pourtant fait tout le charme
du film.
On
se souvient avec bonheur de toutes les péripéties. Comme l’ascension de la
montagne (en carton-pâte) où vous remarquerez qu’évidemment ce sont les
porteurs dûment fouettés (ces feignasses peureuses) qui en tombent les premiers ! Jane manque aussi de tomber
dans le vide, rattrapée in extremis à une corde. Et soudain on entend ce cri : « Yaaaahhh ah ah ah aahh, ah ah ah aahhh » (ça s’écrit avec
trois « h » à la fin, j'ai vérifié). Jane déclare : « C’est
une voix humaine ! ». Puis il y aura la traversée du fleuve, l’attaque des
hippos, des crocos qui croquent encore du Noirs en guise d’apéro. Et au bout de
trente minutes de film, apparait Tarzan, qui sauve et enlève Jane.
Les
scènes entre Jane et Tarzan sont merveilleuses. Il la tire de sa cabane par les
pieds (#metoo où étais-tu ?) la désigne d’un geste de la main, le poignet courbé à la manière des
singes, il fait le fanfaron en sautant de lianes en lianes - vous
remarquerez que ce sont des trapèzes ! On se souvient de l'espiègle
Cheetah poursuivie par un léopard lorsqu’elle doit prévenir les éléphants, et l’attaque
de la lionne. Ou Tarzan blessé, transporté par les éléphants
appelés à la rescousse, moment superbe de l’éléphant aspergeant Tarzan d’eau
avec sa trompe. Jane déchire ses jupons pour panser Tarzan,
« après ça y’en aura plus » prévient-elle, et là on espère que son roi de
la jungle ait besoin de davantage de tissu…
L’idylle
entre Jane et Tarzan est sublime de poésie et d’érotisme, lorsqu’ils nagent
ensemble, batifolent, elle a beau dire « non » tout son corps semble
dire « oui » ! Maureen O’Sullivan** est d’une beauté à se damner,
j’ai rarement vu de scènes plus sexy que celles de TARZAN. Bâti comme un dieu, Johnny Weissmuller** (qui a tout de même un peu l'air con) avait été champion
olympique de natation en 1924 et 28 (5 médailles d’or), on le voit faire des
longueurs de crawl suivi en travelling latéral, pour le mettre en valeur. Jane
semble être folle de son corps de puceau (avec Cheetah c'était platonique), on le suppose par cette réplique de
Jane : « J’aime dire des choses à un homme qui ne les comprend pas,
qui ne sait pas ce qu’est un baiser ». Ca ne va pas durer, elle le tire
vers leur nid d’amour pour une sieste qu’on imagine crapuleuse, suivie d’un
fond au noir opportun, code Hays** oblige.
Le
film sait prendre des détours plus dramatiques, ce cri de douleur quand la mère
adoptive de Tarzan est tuée à coups de fusil, par Harry Holt. Cet épisode
tragique convainc Jane de rester vivre avec Tarzan, n’ayant plus confiance en
l’homme civilisé. Cette aventure est pour Jane Parker comme un parcours
initiatique. Il y a deux Afrique dans le film, celle idéalisée, sauvage et
belle, sorte de jardin d’Eden, et celle dangereuse, barbare, avec les Pygmées
(des nains, blancs, maquillés de noir !) et leur culte du singe géant
Zumangani (la scène fait écho avec LE RETOUR DU JEDI), dont Tarzan aura raison, en accourant sauver sa belle. Et quand il court, c'est toujours en accéléré ! Dans le registre terrifiant, on se souvient de la charge
des éléphants dans le village pygmées, les dénichant dans leurs huttes avec la
trompe, avant de les piétiner.
Pas de fulgurance de mise en scène ici, les cadres sont classiques, dans l'axe, utilitaires, pas de recherches formelles, il s'agit juste de filmer/raconter une intrigue riche en rebondissements avec une succession de scènes
épiques, poétiques, tragiques ou drôles, aborder des thèmes intemporels, l’amour, le bonheur, le désir, la mort, la peur, corseté d'un montage rythmé
de bout en bout.
Un
mot sur le réalisateur Woodbridge Strong Van Dyke, qui a débuté comme chef
perruquier chez Griffith sur INTOLERANCE, puis décorateur, pour s’imposer comme le metteur en scène le plus
bankable des années 20-30, à l'aise dans les sérials ou les super-productions (SAN
FRANCISCO avec Clark Gable, sur le tremblement de terre). Adepte des films
d’aventures en extérieur (4 mois de tournage en Alaska pour ESKIMO) il tournait
très rapidement, en une seule prise. Atteint d’un cancer mais ne souhaitant pas
se soigner, il se suicide en 1943.
Image non tirée du film ("Tarzan et sa compagne" 1934) mais c'est bonus ! Ca a de la gueule un éléphant, non ? |
La
MGM produira quatre suites de ce TARZAN, mais sans WS Van Dyke à la caméra (Richard Thorpe en a réalisé trois). Si
les autres sont très honorables, Maureen O’Sullivan y est plus sexy encore
revêtue de quelques centimètres de peau de bête, ce premier opus reste le plus
mythique, qui 90 ans plus tard, garde toute sa fraicheur.
**Code Hays, du nom du sénateur William Hays, qui en 1930 établit les normes de morale et de décence du cinéma hollywoodien, abolies qu'en 1966, et contraignant les réalisateurs à leS contourner par d'habiles subterfuges de mise en scène.
**Maureen O'Sullivan (1911 - 1998) est essentiellement connue pour le rôle de Jane, on la voit aussi dans un formidable Film Noir "La Grande Horloge" (1948). Elle arrête de tourner à la fin des années 50, et on la revoit dans "Hannah et ses sœurs" de Woody Allen. Elle est (à la ville) la maman de l'actrice Mia Farrow. Coppola la filme une dernière fois dans "Peggy Sue s'est mariée" en 1986.
**Johnny Wiessmuller (1904 - 1984) après avoir incarné 12 fois Tarzan jusqu'en 1944 (remplacé par Lex Baxter, puis Gordon Scott), il devient la vedette de la série "Jungle Jim". Cinq fois marié et ruiné par les pensions alimentaires, il finit ses jours en asile psychiatrique. Il a toujours prétendu être le créateur du cri de Tarzan, quasiment breveté, d'autres sources révèlent que le cri est l'enregistrement inversé d'un chanteur de Yodel.
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La semaine prochaine :
- on file au grand air, du côté de Portland
- le premier film en couleur de son réalisateur
- acteur et réal ont tourné 8 fois ensemble, dont 5 westerns
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La semaine prochaine :
- on file au grand air, du côté de Portland
- le premier film en couleur de son réalisateur
- acteur et réal ont tourné 8 fois ensemble, dont 5 westerns
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djoudjou bwana
RépondreSupprimertimba oungawa
gaboni gaboni...
un porteur tombe dans le vide :"oh zut ! les médicaments !"
mes souvenirs de gamin, où je ne voyais pas le racisme évident du film.
il y a eu 6 films avec Weissmuller/Sullivan, plus 6 autres sans elle.
mais seuls les 3 ou 4 premiers ont fait le bonheur de la troisième chaine à une certaine époque.
Amitiés.
Le racisme... oui et non. Il faut tout de même voir le contexte, les années 30. Le gars qui tombe dans le vide est un moins que rien, car sa fonction est d'être un simple porteur, et il porte une cargaison importante. Bon, en plus il est noir... Le réalisateur (comme je le mentionne) avait une réelle affection et connaissance de l'Afrique, c'est pourquoi on a dans le film l'Afrique idyllique, belle, poétique, au naturel, et l'Afrique sauvage et dangereuse. D'ailleurs le héros est un homme blanc parfaitement intégré au monde noir, et ce, sans explications. Donc, que ces deux mondes peuvent co-habiter. Mais il est certain que le traitement des personnages noirs du film, peut choquer aujourd'hui. C'est pareil dans les années 80's ou 90's, le nombre de films d’action où c'est le noir qui meurt en premier...
RépondreSupprimerNous sommes d'accord, les 3 ou 4 premiers avec ce couple sont les meilleurs. Merci d'être passé chez nous Caligula22.