LA BATAILLE DU RAIL (1946) - par Pat Slade

Le personnel de la SNCF va être une pièce maîtresse dans la résistance pendant la seconde guerre mondial. 

LES BARONS DU RAIL

J’ai toujours vécu à proximité d’une voie de chemin de fer. Dans la famille, nous avons le train dans le sang, mon père était un cheminot de l’après génération de la vapeur. J’ai moi-même essayé de rentrer dans la société, mais un problème de vue m’empêchera de faire carrière, j’aurais quand même une petite compensation en travaillant dans une boutique qui vendait du train en modèle réduit. Le train restera mon plus grand plaisir mais aussi mon plus grand regret. Plusieurs fois j’accompagnerai mon cheminot de père dans ses tournées et souvent nous parlerons de tout ce qui touche le rail, que ce soit dans la littérature avec Emile Zola ou Henri Vincenot issu d’une famille d’employés du chemin de fer et qui écrira dans le journal ferroviaire «Notre métier» qui plus tard deviendra «La Vie du Rail», que ce soit dans le cinéma ou dans tout ce qui touchait le train dans la culture.

Et le film de René Clément «La Bataille du Rail» fût longtemps un sujet de discussion. Déjà nous étions tous les deux des passionnés d’histoire et particulièrement celle de la seconde guerre mondiale ; mais surtout le train était l’épicentre de l’histoire. Un film que l’on pourra classer comme Film Documentaire retraçant la résistance des cheminots français pendant la seconde guerre mondiale. Il n’existe pas une gare qui n'arbore sur l'un de ses murs une plaque commémorative à un cheminot résistant tombé pour la France. Le bruit des bottes et des bombardements s’est éloigné et le monde du cinéma encore traumatisé va s’attarder sur le phénomène de la Résistance. En 1946 «Rome ville ouverte» de Roberto Rossellini, «Un ami viendra ce soir» de Raymond Bernard ou encore «Jéricho» d’Henri Calef seront des exemples du sacrifice des résistants en temps de guerre. «La Bataille du Rail» a vu le jour sous la forme d’un court métrage, rendant hommage aux travailleurs du chemin de fer faisant partie de la Résistance Française. Le court métrage «Résistance fer» va compléter son film. La première sous forme de documentaire, la deuxième, une fiction remplie d’action.

"Résistance fer" était un mouvement français de résistance à l'occupation nazie. Ce mouvement spécialisé était composé principalement de cheminots français. Et «La Bataille du Rail» sera un touchant compte-rendu réaliste de la contribution des cheminots dans la résistance. Un film qui présente tous les corps de métiers de la Société Nationale des Chemins de Fer français : de l’aiguilleur, au Taupier (agent de voie), les Mariés (Le mécanicien et son chauffeur faisant équipe) à bord de leur Anglaise (Machine à vapeur 140 C) ou de leurs Pacific 231 H, les Ficelles (Agents de traction électrique vus par ceux des autres modes de traction) et autres régulateurs et chefs de gare.

Jean Clarieux

Un film qui sera tourné presque dans son intégralité en Bretagne, René Clément fera du repérage sur la ligne de Guingamp à Lannion, entre les communes de Plouaret, Trégrom et la gare de Saint-Brieuc. Le film, qui utilise à la fois des acteurs professionnels et des amateurs, pas de grosses vedettes, hormis Howard Vernon qui jouera souvent des rôles d’officier Allemand, des seconds couteaux comme Jean Clarieux avec, quand même, une filmographie bien fournie, idem pour Jean Daurand (Connu pour son rôle de l’inspecteur Dupuy l’adjoint du commissaire Bourrel dans «Les Cinq Dernières Minutes») et Lucien Desagneaux.

Le film commence au début de l'Occupation et se termine à la Libération. Le fil conducteur est le sabotage d’un train allemand en direction de la Normandie, rempli de munitions : le convoi Apfelkern (Pépin de pomme). René Clément sait jouer sur la corde dramatique, par représailles contre la Résistance après avoir fait exploser les machines à vapeur du dépôt, six otages pris au hasard seront fusillés par les Allemands, et cette scène émouvante atteint son paroxysme quand les cheminots par protestation et solidarité actionnent les sifflets de leurs machines. 

Le convoi Apfelkern

Les scènes de bataille seront tournées à balle réelles, ces dernières étaient plus faciles à trouver que les munitions à blanc. Le convoi blindé allemand finira dans la vallée. Pour la scène, le train roule à contre-voie. La scène a été réalisée sans trucage et filmé par plusieurs caméras. Et en hommage à Sergueï Eisenstein dans le film «La grève» de 1924, René Clément utilise, symboliquement, Le plan d’un accordéon roulant en bas de la pente. Le film se termine glorieusement avec la victoire finale de la Libération. 

Prix du Jury International et prix de la mise en scène au Festival de Canne 1946, «la Bataille du rail» fut le premier film important à traiter de la Résistance Française.

René Clément reprendra le thème de la résistance dans son film suivant «Le père tranquille» avec Noël-Noël. Et plus proche de nous en 1964, John Frankenheimer tournera «Le Train» avec Burt Lancaster et Jeanne Moreau, un épisode réel ayant pour but d'empêcher l’acheminement vers l'Allemagne des œuvres d’art volées. Un voyage stoppé grâce à l’action de la résistance.