Nous ignorons entre rédacteurs si après le 11 mai, on
pourra relâcher le confinement, travailler avec des masques, des gants, bref retrouver
un semblant de vie normale aux bureaux du Deblocnot. Pour l'instant, avec
Sonia, on continue en télétravail, SMS, téléphone, mails et Skype. On a essayé
Webex, ce n'est pas top… Pas plus que Fedex, Durex, Spontex et Corneflex… (Désolé
pour ce calembour nul).
-
Je ne te le fais pas dire Claude en lisant l'intro, c'est d'un goût… J'ai reçu ton billet
Beethoven, encore un live ?
- Oui Sonia, ce concerto de Beethoven est une œuvre pétulante
de jeunesse, pas de CD historique, mais un chouette concert…
-
À l'écoute, on pense à Mozart dans ses grands concertos de la fin, je me trompe
?
- Il y a de ça, 1795-1801, l'influence
est évidente, forme classique, pour le romantisme il faut attendre le début du
siècle suivant J.
-
J'aime bien cette vidéo, ça change des disques et des artistes historiques archi-connus
!
- Ben, c'est un peu l'idée… Rudolf Buchbinder
est expérimenté, et Mikko Franck, un jeune chef finlandais prometteur. Bise…😙
Beethoven en 1801 |
Nous avons par le passé écouté les trois derniers
concertos pour piano de Beethoven
(3 à 5) composés entre 1802 et 1809, donc l'époque où il va abandonner
le style classique hérité de Mozart
et de Haydn pour promouvoir (pour
ne pas dire inventer) le romantisme musical : l'expression des sentiments les
plus intimes, les affres et joies de la vie, en un mot s'inspirer du courant
littéraire de Goethe et de Schiller… (Index)
Hilary Hahn et Mikko Franck |
Comme souvent pour les œuvres d'un genre donné, il y a
un joli méli-mélo quant à la chronologie de composition des deux premiers
concertos pour piano de l'âge adulte de Beethoven.
Nous écoutons aujourd'hui un ouvrage composé en 1795 mais profondément remanié en 1800 et édité en 1801. Le
concerto N° 2
a été publié également en 1801, mais
composé en 1788 et créé en 1795, donc, il y a inversion de
numérotation, sans polémique. D'ailleurs de vous à moi, cela s'entend, ce concerto dit
N°1 s'impose comme une réussite plus abouti que son frère…
simple avis. De fait, les numéros d'Opus sont croisés, opus 15 & 19. (Sonia
dira "on s'en tape" J)
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Pas de disque pour cette chronique, je proposerai une
petite sélection de belles versions à la fin ; vous vous en doutez la
discographie de ce répertoire est abondante…
Ce concert a été capté le 31 janvier 2018 à l'auditorium de la maison de la
radio à Paris lors d'une série de concerts proposant l'intégral des concertos
de Beethoven. L'orchestre de Radio France n'est
sans doute pas la meilleure phalange de la planète, mais c'est un ensemble au
répertoire très large, familier de la musique contemporaine, ce qui lui permet
d'offrir une belle clarté dans les œuvres romantiques, d'autant que la
partition n'est pas d'une grande difficulté technique et que son chef Mikko Franck allège le trait : effectif de
cordes allégés (4 contrebasses seulement par exemple), trompettes du XIXème siècle.
L'orchestration est conforme aux règles de la
transition classique-romantisme : 1/2/2/2, 2 trompettes, 2 cors, 2 timbales et
cordes. Flûte, hautbois, trompettes et timbales se font silencieuses lors du Largo.
Mikko Franck est un
jeune chef d'origine finlandaise. Comme Toscanini
(1,50 m), le gars n'est pas un géant nordique. J'adore la gaieté émanant de sa
photo en compagnie d'Hilary Hahn
avec laquelle le chef venait d'interpréter le concerto de Sibelius. Attention, la virtuose n'est pas
non plus très grande, mais je l'ai toujours vue jouer avec des talons hauts et larges,
choix favorable à une bonne assise debout sur scène… Les deux artistes ont le même
âge.
Né à Helsinki en 1979,
Mikko Franck apprend le violon dès l'âge
de cinq ans et poursuivra dans cette voie jusqu'en 1992. Le chef et pédagogue Jorma Panula
l'entend diriger un orchestre de manière impromptue quand le jeune Mikko n'a que
14 ans. Panula lui assure un
enseignement privé pendant des années où le jeune homme dirige les orchestres
de son pays mais aussi progresse de manière vertigineuse en étant invité par le
Philharmonia, le symphonique
de Londres, diverses grandes phalanges US et même la Philharmonie de Berlin ! En 2015, il succède à Myung-whun
Chung à la tête de l'Orchestre
philharmonique de Radio France, poste qu'il occupera au moins
jusqu'en 2021. Il est ambassadeur de
l'UNICEF.
Dans sa discographie, on notera une gravure de
référence du 1er
concerto pour violon de Bartók
avec Vilde Frang et une prédilection pour Debussy.
Bien que sa famille soit originaire de Bohème en Tchécoslovaquie,
le pianiste Rudolf Buchbinder grandira à
Vienne, sa famille ayant émigré à l'ouest un an après la naissance du fiston en
1946. Le jeune garçon obtiendra la nationalité autrichienne et débute sa formation
à l'Académie de musique et des arts du spectacle de Vienne avec Bruno Seidlhofer, pédagogue de grande
réputation. Précoce, il fait sa première tournée en 1965 aux États-Unis. Il devient
un soliste habitué des tournées de la Philharmonie de
Vienne.
Parmi les grands virtuoses de sa génération, Rudolf Buchbinder s'est distingué comme un
beethovenien hors-pair. Sa vaste discographie en témoigne : une intégrale de l'œuvre
pour piano solo en 16 CD, comportant évidement les 32 sonates et
une intégrale passionnante des concertos avec la philharmonie de
Vienne qu'il dirige du piano – c'est rare. Il a également gravé un disque
insolite réunissant les 33 variations Diabelli composées par le
maître mais suivies d'une petite vingtaine de la plume d'autres compositeurs.
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Anna Louise Barbara Odescalchi |
[4:28] Le piano prend la parole gaiement et
délicatement. Une gaieté qui annonce le romantisme mais sans les élans
dramatiques que le mot suggère et que l'on écoutera dans l'adagio du 3ème
concerto de 1802 et
plus encore dans la symphonie
héroïque commencée en 1803.
Il faut ajouter que le concerto est dédié à une jeune femme de 25 ans, la Princesse Anna Louise Barbara Odescalchi
qui était son élève… On ne dédicace pas un concerto pathétique en ut dièse
mineur bien bourrin à une jolie dame que l'on surnomme affectueusement
"Babette", hélas une dame, pas une demoiselle J. Cette première intervention très variée du piano est
interrompue deux fois par le motif introductif bien appuyé, un sens du
contraste dont raffole le compositeur. Le tempo imposé par le soliste est vif,
le jeu vivant et articulé. Côté direction, les bois sont bien présents. La
magie et la jubilation caractérisent ce concerto. [8:30] Forme sonate oblige,
le développement est étendu ; il laisse place à une méditation intimiste aux accents
montants et descendants chatoyants. [11:05] La réexposition a lieu très
classiquement mais la richesse thématique est telle qu'aucun académisme hérité
du siècle passé vient ternir le discours jusqu'à une coda bien affirmée. [14:18]
La cadence, opposant une vive allégresse à la rêverie, d'une virtuosité
diabolique pour l'époque, montre que le piano-forte s'impose de plus en plus
comme l'instrument roi.
2- Largo (la bémol majeur) : [17:30] Beethoven
innove. Pas de forme sonate rigoureuse dans le mouvement lent mais plutôt une
forme proche du Lied autour de deux idées musicales essentielles (ABA'). Par
ailleurs, seuls les clarinettes, les bassons, les cors et les cordes soutiennent
le clavier comme dans un divertissement mozartien. Un retour hommage à Mozart ? Peut-être. Le clavier entre en
scène en énonçant une mélodie nocturne sans thème très défini. L'orchestre en
effectif réduit lui succède en dévoilant une phrase élégiaque dans un climat secret.
La partition offre aux clarinettes de tendres solos. Le récit pianistique se
révèle très chantant, lyrique et poétique. On ne serait pas surpris d'entendre
une voix chanter le texte d'un lied. [20:00] Une tentative de reprise n'aboutit
pas, Beethoven préfère nous surprendre, on
pensera que le pianiste improvise à partir des motifs des premières mesures,
comme à [21:24]. [23:01] Le flot musical s'anime, le piano s'enhardit soutenu
par des pizzicati et une discrète scansion des cors et des clarinettes. [23:58]
Ensembles, clavier et instruments réexposent le motif initial et développent un
dernier passage en forme de ballade. Le largo évolue vers une coda d'une infinie
légèreté égayée de trilles au clavier… Rarement Beethoven
écrit une musique d'un tel optimisme, le mode majeur n'étant pas étranger à
cette impression.
3 – Rondo -
Allegro scherzando (do majeur) : [26:56]
Eh oui quoi de mieux qu'un rondo pour finir plaisamment ce concerto. Plus précisément
Beethoven écrit une sonate-rondo
symétrique ABRACADABRA, non pardon ABACABA. (Un rondo, comme une chanson, aligne
des couplets et un refrain, pour faire simple.) Joué au piano, le thème A
sautille de manière facétieuse, [27:11] l'orchestre reprend avec fougue ce
thème vivifiant. [27:32] le Thème B maintient la joyeuseté, thème martelé sans
violence par des accords virils à la main gauche. [28:12] La règle sonate
impose une reprise de ces motifs agrémentée de malicieuses variations
d'orchestration, le piano s'égarant dans le grave. [27:32] Le thème C central
conserve la verve de l'introduction, même dans la tonalité la mineur qui apporte une légère
brume crépusculaire au propos. Et ainsi de suite ; une danse un peu fofolle
nous entraîne de reprise en reprise à la coda. [33:48] Le sourire mutin de Rudolf Buchbinder semble nous annoncer la
survenue d'une plaisanterie. Et oui, la coda est une foucade d'une fébrilité inconnue
jusqu'alors dans l'histoire du concerto. L'ovation du public est à la hauteur
de l'énergie communicative de ce final. (Partition).
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Il existe une pléthore d'enregistrements des cinq
concertos sous forme d'intégrale présentée en coffret de 3 CD, parfois plus.
Je vous suggère d'écouter trois versions que je trouve
superlatives. Arturo Benedetti Michelangeli accompagné par Carlo Maria Giulini avait
gravé en concert sur LP puis CD trois des concertos entre 1980 et
1987 (1 & 3, 5). J'avais déjà commenté le disque consacré au concerto l'Empereur
par le même duo. Beethoven dans toute sa
grandeur romantique à venir, un choix pertinent à un tel niveau d'intelligence.
L'orchestre symphonique de Vienne est un peu
terne, mais le touché de Michelangeli
et son inimitable staccato-legato n'a guère de concurrent (DG – 6/6).
Plus intimiste, les concertos 1 & 2
par Krystian Zimerman si rare au disque,
ici soliste et chef (1992). La
splendeur sonore de la Philharmonie de Vienne,
là encore à l'évidence allégée (quels vents !), des tempos sans précipitation,
un climat mozartien du fait d'une certaine pudeur dans le jeu de Zimerman un peu moins délié à mon goût
(une impression fugace) que celui de Michelangeli
ou Buchbinder. Du grand art (DG – 5/6).
Autre révélation, un disque paru chez Bis et réunissant Yevgeny
Subdin, jeune pianiste russe inspiré, tout juste quadragénaire, et Osmo Vanska, chef qui s'illustre dans le
répertoire sibélien, deux artistes qui abordent Beethoven
en tournant le dos aux derniers soubresauts de l'interprétation aux accents
germaniques. Le son est dru, les tempi enlevés dans ce concerto enflammé ; on
pensera à la démarche de Paavo Jarvi
dans le dépoussiérage des symphonies, un retour vers 1800… Un peu vert mais passionnant (Bis – 5/6 - 2017).
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